À deux mois d’un scrutin présidentiel sous haute tension, le leader de l’UNDP a lancé, lors d’une conférence de presse à Yaoundé, un appel frontal à l’unité stratégique de l’opposition.

Un paysage politique fragmenté et fragilisé
Face au rejet de candidatures phares et au verrouillage du jeu politique par le RDPC, Bello Bouba exhorte les forces politiques à ne pas déserter l’arène électorale, tout en rejetant toute dérive violente. Un signal fort dans un paysage fragmenté et miné par la défiance. Avec le rejet de nombreuses candidatures – notamment celle de Maurice Kamto, figure centrale de l’opposition –, l’échiquier politique camerounais se retrouve partiellement désossé à quelques semaines du scrutin présidentiel. Face à un pouvoir qui contrôle l’appareil judiciaire, administratif et sécuritaire, les formations d’opposition apparaissent désarticulées, divisées et souvent désarmées.
Faut-il continuer à jouer la partie selon les règles fixées par le régime ou rompre avec ce que certains qualifient déjà de « simulacre électoral » ? C’est dans ce contexte que Bello Bouba Maigari, président de l’UNDP, a tenu une conférence de presse remarquée cette semaine à Yaoundé. Appelant à « ne pas abandonner le terrain électoral au seul RDPC », il a plaidé pour une « mobilisation responsable et coordonnée » de l’opposition, tout en rejetant toute forme de confrontation violente. Selon lui, l’heure n’est plus à la dispersion des forces, mais à « un effort de concertation patriotique » pour faire bloc face au verrouillage du système.
Boycotter ou rester dans l’arène ?
« Par solidarité, les autres leaders de l’opposition devraient prôner le boycott pur et simple du scrutin, puisque participer à cette élection reviendrait à la légitimer » s’indigne Balaza, militant du MRC à Meskine, une banlieue de Maroua. Mais l’expérience de 1992, 2004 ou 2018 démontre que le boycott a rarement eu des effets structurants sur le pouvoir en place. Au contraire, il tend à vider l’arène politique d’alternatives visibles, permettant au RDPC de revendiquer une victoire sans adversité crédible. « Malgré tout, nous devons prôner une présence tactique, même symbolique, afin de maintenir la flamme de l’alternance et de mobiliser une base électorale, ne serait-ce que pour poser les jalons d’un futur changement », commente Baba Simon, militant de l’UNDP dans la Commune de Moutourwa.
En écho à ces propos, Bello Bouba Maigari a insisté sur « l’urgence d’un cadre commun » où les partis discuteraient d’une stratégie partagée, quitte à se répartir les rôles entre participation électorale et actions de plaidoyer politique.
Le piège de la violence
L’autre scénario – redouté par les autorités et la majorité de Camerounais – est celui d’une contestation extra-institutionnelle, dans la rue. « Si les appels à la mobilisation sont ignorés, des franges instrumentalisées de la jeunesse urbaine pourraient opter pour des formes de protestation directe. Mais ce choix est risqué dans un pays où les libertés publiques sont fortement encadrées. La répression des manifestations postélectorales de 2018 en est un précédent dissuasif », rappelle le docteur Waldé Enoc.
Dans un environnement politique où le droit semble instrumentalisé, le silence est une abdication, et l’affrontement frontal une impasse. Rester debout, structurer une parole collective, parler au peuple et non seulement aux institutions, et construire dans le temps une alternative crédible : telle pourrait être la posture à adopter face à un pouvoir qui semble vouloir tout verrouiller sans tout écraser.
TOM