Home AMBASSADES Léopold Bessiping : le cas qui parle

Léopold Bessiping : le cas qui parle

0

Mutin, espiègle, amusant : les mêmes mots sont toujours utilisés pour décrire Léopold Bessiping. Ils sont justes. Il a eu le talent de puiser dans ses déboires avec le gouvernement pour déposer sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Le 4 août dernier, il a eu le don de transformer le Conseil Constitutionnel en salon décati.

Dans sa programmation, toutes ses infortunes professionnelles et familiales, comme s’il testait des bouts de sketchs. Et ça marche : le professeur des lycées d’enseignement général à la retraite a été reçu successivement par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra) ce 6 août 2025 et le 8 août 2025 par le ministre des Finances (Minfi) à Yaoundé. Lors de cette audience, Joseph Le a immédiatement convoqué une séance de travail avec l’ensemble des directeurs techniques de son département ministériel afin d’examiner le cas de l’homme originaire des Grassfields.

Sorti de l’Ecole normale supérieure en 1990, Léopold Bessiping, aujourd’hui âgé de 61 ans, a connu une suspension de salaire au cours de ses 35 années de carrière. « On a constaté que je travaillais pour rien, on a rétabli. Mais on ne m’a pas fait le rappel. Donc, le Trésor a déjà suffisamment mon argent. Avec les intérêts qu’ils me doivent, je ne peux pas venir ajouter de l’argent sur l’argent », a-t-il déclaré après avoir déposé sa candidature à la présidentielle à la direction générale des élections à Yaoundé.

Le sujet est loin d’être trivial. Elle renvoie à un large corpus d’attestations que tous les moyens sont bons pour parvenir à un but. Elle résume une problématique traversant la justice sociale et étale le fait que beaucoup d’usagers ne peuvent bénéficier de quelque attention qu’à travers des coups de gueule. Face à l’Etat, leur marge de manœuvre est plus que restreinte, elle est formatée. On sort très rapidement de la posture du « bon usager ». Tellement d’obstacles, de mauvaise foi, de mauvaises intentions, d’enjeux économiques et politiques…Pour le dire autrement, le cas Léopold Bessiping constitue un paradigme suffisant pour monter que les infortunes de nombreux agents publics bénéficient d’une haute cohésion et d’une habitude d’usage forte, avant d’être intégrées dans le périmètre de la mobilisation.

On se souvient de Hamidou qui était enseignant d’éducation physique et sportive (EPS) au lycée de Beka, dans la région du Nord. Il est mort, on se rappelle, le 8 mars 2022 des suites de maladie, après 10 ans de sacerdoce, sans percevoir le moindre franc de son salaire. Seule une lettre de félicitations inopportune marquera son engagement à servir son pays durant 10 ans. Tout le Cameroun entier avait été ému non seulement par son histoire et encore plus par le fait que sa disparition était due à un manque de moyens financiers pour se soigner. La difficulté de mise en travail des souffrances tient au fait que, au-delà des violences symboliques et réelles immédiatement repérables (chômage et licenciements, harcèlement, disqualification et contrôle répressif), les mécanismes et modalités des dominations et des exploitations à l’œuvre apparaissent précisément, si l’on peut dire, largement impensables parce que difficilement figurables.

Jean René Meva’a Amougou

NO COMMENTS

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Quitter la version mobile