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Et il se hissa dans son bac à riz…

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Issa Tchiroma Bakary

Dans la course vers le fauteuil présidentiel, l’ancien porte-parole du gouvernement devra désormais saluer son maître politique d’hier avec des airs de « Je vous salue Marie, pleine de crasses ».

Issa Tchiroma Bakary

On ne fait pas plus sérieux que Issa Tchiroma Bakary. L’ancien ministre de l’Emploi et la Formation professionnelle offre son visage habituel : sobre, presque austère. Et le ton du discours, débité d’un ton égal, comme lors de ses points de presse au ministère de la Communication. Est-ce la même personne qui, depuis sa démission du Gouvernement le 24 juin 2025, défraie la chronique et provoque l’agitation soudaine des journalistes ? Est-ce la même personne qui, il y a quelques années, était toujours prêt à conforter Paul Biya dans son rôle de président de la République ? C’est culotté tout de même pour celui qui, pendant des années, encensait l’Homme-lion avec une sérénité désarmante.

Si, sur lui, on lève un œil interrogatif, c’est que le septuagénaire déroute un peu tout le monde. Issa Tchiroma Bakaray dont le pedigree politique a longtemps été orné par une alliance entre son parti, le FNSC (Front pour le salut national du Cameroun) et celui de Paul Biya, le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), s’arrête désormais à chaque micro tendu pour sonner l’hallali de l’idylle, pour se hisser dans son propre bac à riz. Pour beaucoup, le natif de Garoua s’est désolidarisé de Paul Biya, laissant ce dernier régler tout seul les problèmes qu’il a générés et même amplifiés au gré de ses inconséquentes postures managériales.

D’ici, on le devine en train de saluer son maître politique d’hier avec des airs de « Je vous salue Marie, pleine de crasses ». Avec ça, Tchiroma se construit une audience massive en s’érigeant en porte-voix monocorde, professant des idées de rupture qu’il dit avoir pris le temps de maturer, et qui sont ancrées dans le quotidien des populations du Grand Nord, et dont on parle tant dans les foyers et si peu sur les estrades. Avec cette actualité qui nous gifle en direct, Issa Tchiroma Bakary dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, quitte à ne plus plaire à l’Homme-lion. Et le public assiste en direct à ce moment de bascule. Dans le brouillard d’équilibristes et de prestidigitateurs, Issa Tchiroma Bakary sait qu’il avance sans vendre du rêve. Mais une boussole. Sans slogan. Avec juste ce mot devenu une ritournelle depuis longtemps : non à Paul Biya.

Infortunes

Entre jugements acerbes à l’égard du chef de l’Etat et les infortunes avec la base de son propre parti, Tchiroma n’a pas pu prendre le dessus lors d’un accrochage mémorable avec un commissaire de police sur le tarmac de l’aéroport international de Yaoundé. Tout à son obsession de raconter cette séquence à l’opinion publique, l’ancien Minefop, désormais sur le mode paysan madré, a usé de cette tactique en déballant l’objectif premier de plan de voyage vers Dakar : se recueillir sur la tombe d’Ahmadou Ahidjo. Avec un empilement de métaphores sentant l’étonnement et des soupçons d’une épuration qu’il refuse de nommer, le président du FNSC ne comprend pas tout simplement son interpellation « arbitraire », chose inimaginable, il y a quelques semaines encore. La démarche consistant à investir ses forces pour enraciner son narratif dans la conscience populaire.

« Sabotage »

Heureusement, il pourrait corriger une telle humiliation s’il est élu au soir du 12 octobre 2025. Et il lui suffit, pour cela, d’être triomphalement plébiscité dans son fief de Garoua pour mieux s’imposer à la tête du pays ensuite. Mais là encore, Tchiroma est visé par une poignée d’agités drapés dans leur volonté de l’évincer du FNSC. Manifestement, ces fauteurs de troubles ont patiemment attendu que la messe commence, que les chants des candidatures s’élèvent.

Ils ont guetté le moment de grâce, celui de la communion, pour couvrir les prières de leurs cris. En fait, contre leur « président », il ne s’agit plus de manifester mais de profaner : corrompre l’acte liturgique du candidat du FNSC par de l’agitation politique, censée lui rappeler qu’on ne transforme pas le parti contre ceux qui le font tourner. Ceux qui restent fidèles à l’ancien Mincom estiment que ces agitateurs n’entrent pas à l’église FNSC pour porter un message de paix, mais pour interrompre une prière et imposer leur obsession érigée en cause suprême. Sous les oripeaux du progressisme et les habits du justicier se cache leur dessein : voir Issa Tchiroma Bakary jeter l’éponge avant le 12 octobre 2025. Dans un cocktail instable d’orgueil blessé et de peur de la contradiction, le cheminot se referme comme une huître à marée basse.


Visiblement dépourvu de machine de guerre électorale dans son Grand natal, est contraint de se disputer le rôle de candidat avec d’autres no name politiques, dans un septentrion où l’observation sociologique des meetings suggère par ailleurs, et sans jugement de valeur, que les têtes grisonnantes feront le choix du passif comme du casting.

Jean-René Meva’a Amougou

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