Après le verdict de la Cour Constitutionnelle, rien ne semble plus dévier chaque candidat de sa trajectoire solitaire.

Et voici, ils ne sont plus que douze. Douze candidats qui rêvent du même scénario. Celui d’une victoire éclatante au soir du 12 octobre prochain. Ateki Caxton (Parti de l’Alliance Libérale), Bello Bouba Maïgari (Union pour la Démocratie et le Progrès) ; Paul Biya (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) ; Bougha Hagbe (Mouvement Citoyen National Camerounais) ; Issa Tchiroma Bakary (Front pour le salut national du Cameroun) ; Hiram Samuel Iyodi (Front des démocrates camerounais ) ; Pierre Kwemo (Union des mouvements socialistes) ; Cabral Libii (Parti camerounais pour la réconciliation nationale) ; Serge Espoir Matomba (Peuple Uni pour la Rénovation Sociale) : Akere Muna (Univers) ; Joshua Osih (Social Democratic Front) et Tomaïno Ndam Njoya (Union démocratique du Cameroun) sont les têtes retenues par le Conseil Constitutionnel.
En tirant des leçons de cette rendue publique le 4 août dernier, il ne faudrait pas trop miser chez les bookmakers sur un scénario où jaillirait une solution négociée pour permettre à Paul Biya (écrasé par le poids des ans, selon certains) de « rentrer au village » en octobre prochain. C’est que, si les couteaux ne sortent pas encore, au prétexte de stratégies, au prétexte, surtout, qu’ils étaient tenus en haleine par un match serré entre le Manidem et le Conseil Constitutionnel, les candidats retenus n’évoquent plus l’hypothèse d’une candidature unique de l’opposition, depuis que le sol s’est dérobé sous ses pieds « poulain » d’Anicet Ekane.
Certains s’emportent, d’autres se lamentent, mais tous semblent se gargariser de l’absence de « l’ex-président du MRC » (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun). Nombre de candidats retenus ont sans doute souri en écoutant le verdict de Clément Atangana, après les complaintes et les indignations des avocats du candidat du Manidem. Il semble alors bien clair que chacun a la voie libre pour défendre ses intérêts catégoriels et servir ses ambitions personnelles.
Personne ne veut être largué…
Un travail de construction des camps s’opère. La démarche permet déjà de discerner un processus qui, en l’espace de quelques jours, transforme non seulement le contenu des oppositions partisanes, mais aussi les modalités du pensable en politique. La brutalité de cette évolution fait que la presse tient un « beau rôle ». Quand on peut déjà entendre chacun des candidats dire que « si les gens ne votent pas pour me faire perdre, je gagnerai l’élection présidentielle de 2025 », les logiques de l’affrontement entre candidats tendent donc à s’imposer au secteur de l’information, accentuant l’enrôlement des rédactions et des journalistes dans des camps politiques.
Les journalistes de chaque « camp » tendent à redoubler le travail politique des porte-parole des postulants à la magistrature suprême en proposant à leurs lecteurs une mise en forme journalistique de l’interprétation de l’actualité qui rapproche plus leurs candidats d’Etoudi. L’effort des hommes politiques pour obtenir des journalistes qui leur sont proches des articles favorables à leur égard et critiques envers leurs adversaires commence à prendre la forme de pressions discrètes et se traduit déjà par des polémiques publiques.
C’est exactement ce qui se passe en ce moment, où l’opposition est loin de l’unanimité sur la façon d’ériger le barrage face à Paul Biya, de le bétonner, et même sur son impérieuse nécessité. Toutes choses qui ne peuvent que réconforter le RDPC dans ses prétentions de pouvoir remporter la prochaine élection présidentielle et rester au pouvoir jusqu’en 2032. Pour cela, le tout au risque, sérieux, de lézarder les fondations de tout ouvrage de l’opposition sont réels dans le camp de Paul Biya. Lui-même a pris la plume le 16 juillet 2025. Dans une circulaire, il indique clairement que la campagne du RDPC, son parti, repose sur un appareil militant et idéologique très puissant, tant au Cameroun qu’à l’étranger. « Notre objectif est une victoire nette, éclatante, indiscutable, sans bavure et sans appel », écrit Paul Biya.
Jean-René Meva’a Amougou