Réalisations de pacotille et illusions politiques: La Côte d’Ivoire mérite mieux

I. La propagande politique à l’épreuve des faits
Sur le plateau de l’émission NCI 360 du 29 juin 2025, Amédé Koffi Kouakou n’a pas hésité à proclamer : « Notre candidat est Alassane Ouattara. Avant lui, Abidjan ne comptait que deux ponts. Sous sa présidence, plusieurs ponts, échangeurs et plus de 600 lycées et collèges ont été construits. À son arrivée au pouvoir, le SMIG était de 36 600 francs CFA. Aujourd’hui, il s’élève à 75 000 francs CFA. ADO demeure le meilleur, et nous allons lui renouveler notre confiance, le soir du 25 octobre 2025. »
Ce discours, bien huilé, vise à dresser un bilan flatteur de la gouvernance d’Alassane Ouattara. Mais, au-delà de cette façade construite à coups de chiffres et de slogans, la réalité quotidienne des Ivoiriens contredit largement ce tableau enjolivé. Il est facile de parler de ponts et de lycées, mais qu’en est-il de leur qualité, de leur accessibilité, de leur impact réel sur la vie des citoyens ? Si construire était le seul critère d’évaluation, alors tous les gouvernements du monde seraient excellents. Car construire est une fonction normale de l’État, pas un exploit à célébrer sans discernement.
II. Une croissance qui appauvrit : l’illusion du progrès
Prenons l’exemple cité par Kouakou lui-même : le SMIG. Il est certes passé de 36 600 francs CFA à 75 000 francs CFA sous Ouattara. Mais cette augmentation, en apparence significative, est vite rattrapée — et même anéantie — par la flambée des prix. Lorsque le SMIG était de 36 600 francs CFA, le sac de riz coûtait 7 500 francs. Aujourd’hui, avec un SMIG doublé, le sac de riz atteint 24 500 francs. Autrement dit, ce qui était abordable autrefois est devenu un luxe pour beaucoup. L’inflation a rongé le pouvoir d’achat au point que les ménages se retrouvent plus pauvres malgré un salaire minimum plus élevé.
Alors, de quel changement parle M. Kouakou ? Faut-il se féliciter d’un développement qui creuse les inégalités et enrichit une minorité au détriment de la majorité ? Peut-on parler de progrès lorsque la nourriture, le logement, les soins de santé et l’éducation deviennent de plus en plus inaccessibles ? Peut-on vraiment être fier de routes et de ponts qui, en plus d’être surfacturés, ne résolvent pas les problèmes structurels de circulation à Abidjan ? Le goudron qui se dégrade quelques mois après sa pose est-il un motif de satisfaction ou le symbole d’une gouvernance basée sur la poudre aux yeux ?
III. Une démocratie piégée et une élite déconnectée
Au-delà du vernis des réalisations physiques, c’est le fonctionnement même de notre démocratie qui interpelle. Si le bilan du régime est si inattaquable, pourquoi alors verrouiller le jeu politique ? Pourquoi radier de la liste électorale des opposants crédibles, des leaders devant lesquels le pouvoir ne pèse rien ? La peur de la compétition révèle l’insécurité politique d’un régime qui redoute la confrontation démocratique. Cette peur traduit l’illégitimité d’un pouvoir qui refuse d’accepter les règles du jeu républicain.
De plus, comment faire confiance à un homme politique — Amédé Kouakou — dont le nom est évoqué dans des affaires de trafic de drogue, de surfacturations et de détournement de fonds publics ? Le silence sur ces dossiers est assourdissant. Et, pendant ce temps, on demande à la population d’applaudir des infrastructures chères, inutiles ou inefficaces. Le comble, c’est de faire passer ces œuvres pour des cadeaux, alors que tout pouvoir est censé œuvrer pour le bien public. On ne remercie pas un gouvernement pour avoir construit des écoles ou des ponts ; on l’évalue sur la qualité de ses politiques, leur équité, leur efficacité et leur impact réel.
Conclusion : Un autre avenir est possible
L’élévation du débat politique en Côte d’Ivoire passe par une rupture avec la politique de la propagande et de l’autosatisfaction. Le peuple ivoirien mérite mieux qu’une gouvernance fondée sur des infrastructures mal pensées, des promesses creuses et des exclusions politiques. Le changement, le vrai, ne se mesure pas en kilomètres de bitume ou en tonnes de béton, mais en amélioration du quotidien, en équité, en justice sociale et en démocratie réelle.
En octobre 2025, il ne s’agira pas seulement de renouveler un mandat, mais de choisir entre la continuité d’un système défaillant et l’ouverture d’un avenir plus juste. Le peuple aura son mot à dire, à condition qu’on le laisse voter librement et que tous les candidats aient le droit de se présenter. L’histoire jugera sévèrement ceux qui, au nom d’un bilan douteux, auront tenté de confisquer la voix du peuple.
Jean-Claude Djereke
1er juillet 2025