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Investissements publics : l’imparfait accompli des surcoûts

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Complexe sportif d'Olembe : un cas d'école

Selon une récente étude du Fonds monétaire international (FMI), entre 2002 et 2012, 123 milliards FCFA de surcharge financière offrent l’illustration d’une impasse imposée par les retards d’exécution des projets au Cameroun.

Complexe sportif d’Olembe : un cas d’école

On ferme les yeux. L’influx nerveux raccordé au chantier de l’autoroute Douala-Yaoundé et à celui du complexe sportif d’Olembé (seulement) … Entre des calculs à refaire, des financements à trouver, une complexité opérationnelle et organisationnelle mettant en scène des maîtres d’ouvrage, leurs mandataires et des entreprises adjudicataires, des retards sur le calendrier prévisionnel, des scandales de corruption… Et voilà qu’on se perd dans une architecture de rêves ensablés.

Selon une récente étude du FMI, entre 2002 et 2022, la surcharge financière entre les coûts devisés et les coûts finaux d’une vingtaine de projets au Cameroun se chiffre à 123 milliards FCFA, soit 0,4 % du PIB du pays et plus de 16% du service de la dette extérieure en 2022. Pour l’institution financière de Bretton Woods, les chiffres offrent l’illustration d’une impasse : les retards dans l’exécution des projets d’investissement. Calculette en main, le FMI révèle « qu’un décalage de 10% sur le calendrier initial peut engendrer une hausse de 5% des coûts. Le cas du Cameroun, où les retards sont endémiques, les dépassements peuvent atteindre 25% ».

Saccage financier
Qu’ils soient financés par des bailleurs internationaux, des institutions multilatérales ou par des partenaires commerciaux, au moins 20 projets (énergie, transports et accès à l’eau notamment) n’ont pas respecté les délais d’exécution. « Sur 174 projets en cours d’exécution évalués lors des Conférences élargies de programmation budgétaire et de performance associées en août 2021, 137 accusent un retard par rapport au chronogramme. Certains projets ont été lancés depuis 15 ans tandis qu’aucune information n’est disponible pour cinq projets, afin d’en évaluer la performance. Et plus les délais se dilatent, plus ils génèrent des surcoûts liés à la fluctuation des prix des matériaux, les renégociations de contrat et des drames de corruption. Et du fait qu’ils gardent ces projets dans les clous, ces retards deviennent, au fil du temps, des marchands de la flambée des coûts, des pertes fiscales, de la baisse de la qualité des projets, mais surtout, d’un déséquilibre budgétaire, puisque l’Etat commence à rembourser les prêts sans que les projets associés ne commencent à générer des bénéfices. En plus, il faut relever que, lorsque des remboursements de prêts débutent sans que les infrastructures soient opérationnelles, l’Etat doit puiser dans ces ressources courantes pour honorer ses engagements, au détriment d’autres priorités sociales ou productives », glisse l’expert financier Ahmadou Moussa Sagdali. Comme pour escorter cette analyse, le FMI cite un projet d’adduction d’eau à Yaoundé, donc les retards de mise en service entraînent 6,2 milliards FCFA de perte fiscale par an, soit près d’un tiers du budget national dédié au filets sociaux.

A en croire le bailleur de fonds, tout cela est le résultat d’une défaillance identifiée tardivement, concernant la maturation des projets. Dans sa note, l’institution de Bretton Woods appelle à un renforcement structurel de la gouvernance des investissements publics. Elle suggère une revue rigoureuse des processus de préparation des projets, afin de s’assurer qu’ils soient techniquement, financièrement et réglementairement mature avant d’être budgétisés. Elle rappelle également la nécessité de supprimer les chapitres budgétaires communs, donc l’existence complique la traçabilité des dépenses publiques et de réduire le recours aux procédures budgétaires exceptionnels, souvent jugées opaques et difficile à contrôler.

Jean-René Meva’a Amougou

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