Doit-on parler d’un retour de la guerre ? La réponse est difficile, la guerre ayant pris mille visages à travers le temps et l’espace. Elle est ce « caméléon » que décrivait Carl Von Clausewitz, difficile à repérer et à identifier.

Aujourd’hui, elle semble à la fois présente, si l’on songe au climat belliqueux qui s’est installé sur la scène internationale par le biais du conflit Iran-Israël, et absente, car certains pays du Proche-Orient ne semblent, plus vivre dans l’horizon de la guerre, du moins pour l’instant. En tout cas, dans cet espace, l’illusion de la paix ne fait jamais long feu.
En Afrique, ce a cours actuellement entre l’Iran et Israël est objet de lectures, d’interprétations, et non pas seulement d’enregistrements ou de chroniques factuelles, suscitant des représentations exacerbées et, finalement, chacun cultive son idée sur la question. A travers le continent, on nourrit ce qui s’y passe à travers une tentation de prospective, voire de prophétie et même d’espérance. Entre silence prudent, indignation mesurée et calculs géopolitiques, le continent africain scrute l’escalade entre Washington, Téhéran et Tel-Aviv. Le tout donne l’image d’une sorte de réalisme honteux (car il ne fait pas bon, sans doute, se présenter d’emblée comme un réaliste de stricte observance) qui se termine par une profession de foi isolationniste ou, du moins, par la défense du droit international. Il y a, dans le sens même que les acteurs les plus engagés dans cette guerre donnent de leur lutte, la signification essentielle de ceux qui, comme les Africains, la vivent de loin. Spectateur malgré lui d’un conflit lointain, le continent en subit pourtant les ondes de choc. « Ce n’est pas seulement une guerre au Moyen-Orient, c’est une onde de choc économique qui frappe nos foyers », alerte un éditorial du journal kenyan Daily Nation.
C’est sans doute pourquoi, dans un communiqué publié mardi 17 juin, certains Etats africains (Égypte, Algérie, Tchad et Gambie notamment) ont, en compagnie d’autres non africains) appelé à une désescalade et au retour de la diplomatie au Moyen-Orient. Selon le chercheur Hasni Abidi, « beaucoup de pays africains entretiennent de bonnes relations avec l’Iran et sont inquiets des conséquences de la guerre entre l’Iran et Israël ». Le directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, cette initiative est dictée par la crainte d’une extension du conflit dans tout le contient. Les prix du pétrole pourraient atteindre des sommets vertigineux si l’approvisionnement était interrompu, affectant tout, des prix à la pompe aux coûts de production. Pour de nombreux pays africains qui exportent davantage de brut qu’ils n’en raffinent, les effets seraient catastrophiques.
C’est tout cela que craignent les Africains. Ils ont fait fond sur cette caractéristique depuis toujours, car marqués par une dialectique du retrait et de l’engagement, plus significative que ce que suggèrent les fallacieuses expressions d’« interventionnisme » et d’« isolationnisme » qui transforment en doctrine ce qui n’est, bien souvent, qu’une attitude circonstancielle. Jamais on en tire des leçons comme si l’Afrique ne disposait pas des intelligences à même d’entrevoir « une approche rationnelle et holistique, à préparer le futur » des africains, pour reprendre les mots de Gaston Berger.
Ongoung Zong Bella