Les données du problème sont pourtant connues et sont exposées par une voix autorisée, celle du gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), Yvon Sana Bangui.

« En 2018, nos réserves s’élevaient à environ 3 000 milliards FCFA. Elles sont passées à 13 000 milliards en 2025. Parallèlement, les importations ont aussi augmenté. Nous sommes ainsi passés de 3 000 à 13 000 milliards FCFA d’importations. Cela traduit notre dépendance excessive aux produits étrangers, en particulier les produits finis. Le poste le plus pesant sur nos réserves demeure l’importation de carburant, de lubrifiants et de bitumes », déclare le Centrafricain au cours d’une prise de parole à la 3e édition de la Finance Week tenue le 17- juin 2025 à Yaoundé. Selon le gouverneur de la Banque centrale, la Cemac devrait initier un nouveau paradigme pour réduire sa dépendance aux importations. « La mise en place d’une raffinerie dans les deux ou trois prochaines années, que ce soit au Cameroun ou dans la sous-région, permettrait d’économiser près de 2 000 milliards FCFA, soit le montant annuel consacré à l’importation de produits pétroliers. Nous avons la matière première et la tendance des prix est plutôt favorable. Dans la logique d’import-substitution, nous devons transformer localement notre pétrole. Cela permettra de produire des routes à moindre coût, grâce à la production locale de bitume, de lubrifiants et même d’engrais. Nous devons aussi miser sur d’autres projets structurants. La Cemac compte 60 millions d’habitants. Si nous développons une industrie textile locale, nous pourrions réduire les importations et économiser jusqu’à 100 milliards FCFA. Il en est de même pour d’autres secteurs. Je salue d’ailleurs les efforts de certains opérateurs économiques dans la rationalisation des changes. Citons par exemple Cimencam, qui a récemment lancé sa production de clinker, ou encore Prometal, qui a étendu ses capacités de production. Ces initiatives participent à notre souveraineté économique », a expliqué Yvon Sana Bangui.
Quant à l’alimentation, dit-il encore, « nous importons encore du riz. Pourtant, nous avons la capacité de produire localement. Si nous savons produire sur 100 hectares, nous pouvons le faire sur 1 000. Nous maîtrisons les techniques et les circuits. Il est temps de s’y engager. Après le riz, vient le poisson. Nos eaux regorgent de richesses halieutiques. Le développement de la pêche industrielle réduirait fortement nos importations de poisson. Des exemples sont multiples il faut juste être pragmatique ».
En s’appesantissant sur le niveau d’application de la réglementation de change, le gouverneur de la Banque centrale parle d’un bilan « globalement positif ». Il y voit même « des preuves tangibles d’efficacité du dispositif ». « Il a permis une amélioration du rapatriement des recettes d’exportation et une consolidation de nos réserves de change. Actuellement, nous couvrons entre 4 et 7 mois d’importation, ce qui nous donne une marge de manœuvre face aux chocs exogènes. Grâce à la centralisation, nous assurons la stabilité monétaire et financière de la sous-région ».
Face aux critiques de certains opérateurs économiques, Yvon Sana Bangui signale « un problème d’appropriation ». D’après lui, « beaucoup ne maîtrisent pas encore les procédures. Certains dossiers sont incomplets ou rejetés. D’autres importateurs n’apurent pas leurs opérations. Ces difficultés ne relèvent pas du dispositif lui-même, mais plutôt de son application ».
Interpellé au sujet des négociations avec le secteur pétrolier, le Centrafricain regrette les blocages auxquels est confrontée la Beac depuis 5 ans. « Toutefois, nuance-t-il, avec la tenue de cette assise, nous espérons identifier les mesures à prendre. Ce que je peux vous dire clairement, c’est que la réglementation de change s’appliquera à toutes les entreprises, tous les agents économiques et à tout le secteur pétrolier, sans exception.
Ongoung Zong Bella