Un mémo du secrétariat d’État a listé 36 nouveaux pays dont les ressortissants verraient leurs conditions de séjour se durcir drastiquement sur le territoire américain.

Parmi ceux-ci figurent 25 pays africains. Et parmi ces derniers, figurent quatre d’Afrique centrale (Cameroun, Gabon, République Démocratique du Congo, Sao Tomé-et-Principe). Les raisons invoquées pour expliquer cette interdiction sont les mêmes : ces pays n’ont pas répondu aux nouvelles exigences américaines en matière de sécurité, d’émission de documents d’identité fiables, de lutte contre les faux papiers et de coopération pour le retour de ressortissants expulsés. Ils ont 60 jours pour s’y conformer faute de quoi les ressortissants de ces pays seront soumis à une interdiction d’entrée totale ou partielle. Des exceptions, appliquées à la première liste de pays, sont prévues pour les détenteurs de certains visas et pour des personnes dont le voyage aux États-Unis « sert l’intérêt national ».
Dans notre édition N° 664, nous nous interrogions déjà : « Cemac : sous-région de merde ? ». Aujourd’hui, avec l’allongement de la liste, il est hors de propos de prétendre apporter une réponse claire et nette, pour ainsi dire définitive. Mais ne devrait-on pas compléter cette démarche, en s’intéressant non pas à la première liste des pays parias, mais à celle qui n’en finit pas de s’allonger ? Il faut cependant tenter cette entreprise, qui permet aussi de s’inscrire de façon raisonnée dans la dynamique actuellement promue par le président américain Donald Trump. « Très simplement, nous ne pouvons pas permettre une migration ouverte depuis des pays où nous ne pouvons pas contrôler et examiner de manière sûre et fiable ceux qui cherchent à entrer aux États-Unis. La sévérité des restrictions que nous appliquons dépend de la gravité de la menace posée. La liste est sujette à révision en fonction des améliorations matérielles apportées, et de nouveaux pays peuvent être ajoutés si des menaces émergent dans le monde, mais nous n ‘ autoriserons pas des personnes à entrer dans notre pays avec l’intention de nous nuire, et rien ne nous empêchera de protéger l’Amérique », déclaré Donald Trump, dans une vidéo postée sur X le 4 juin 2025. Ainsi, contrairement à ses prédécesseurs, l’actuel chef de l’exécutif américain entend se montrer profondément novateur dans la pratique migratoire, persuadé que calculs et mesures sont les instruments essentiels d’un bon gouvernement qui, n’agissant plus en aveugle, peut travailler à chasser ou à interdire de séjour les ressortissants des « pays de merde ».
À la différence des faits qui peuvent toujours être éclairés par un contexte et expliqués par des causes, la politique africaine des Etats-Unis commence à susciter une demande de sens. Là encore, les ordres de grandeur des rapports de force et des défis géopolitiques n’impliqueront rien d’autre qu’un mécanisme de « poids et contrepoids », dans la mesure où, dans la sous-région, les restrictions américaines résonnent comme une véritable provocation. De là, il apparait nécessaire d’engager un travail de « reproblématisation » qui permettra de « rendre compte de la structuration monde ». Le premier horizon suppose de s’interroger sur les critères qui président à la catégorisation de certains pays par les Etats-Unis. Le second horizon suppose notamment de s’interroger sur les effets que la provocation peut entraîner. Voilà au fond une autre manière de dire que l’Afrique doit prendre conscience de sa grandeur. Et cette grandeur doit être comprise comme un recours civique pour mettre en place un « jugement réfléchi » sur le comment se tenir face aux Etats-Unis.
Jean-René Meva’a