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Réflexions sur le genre et extrémisme violent en Afrique : Traits très camerounaisà Alexandrie

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Pour marquer sa participation au SIEEGA 2025, la délégation venue du pays de Paul Biya s’est employée à rendre apparentes quelques évidences cachées.

Exposer sur le genre et extrémisme violent en Afrique, l’exercice est d’autant plus difficile que le sujet est non seulement complexe, mais également il ne correspond pas à une mais à de multiples visages. Ici au SIEEGA 2025, quelques têtes couronnées de l’intelligentsia camerounais optent pour la démonstration selon laquelle « le genre et extrémisme violent ne sauraient être confisqués dans une réflexion qui évite de faire voyager le regard à travers plusieurs territoires géographiques ». Aussi les exposés camerounais intègrent-ils le point de vue des acteurs, qui racontent, qui se mettent en scène.

Clichés du Cameroun
Pour évoluer sur cette ligne, Pr Ada Djabou (experte en questions de genre et auteure de nombreux articles scientifiques sur les problématiques de genre dans le bassin du Lac Tchad) dresse un portrait succinct de la gent féminine camerounaise dans un contexte d’extrémisme violent. « Tantôt victimes, tantôt actrices, elles subissent, médusées, les desideratas des entrepreneurs du Djihad qui les utilisent comme des chairs à canons, des objets sexuels ou des relais sociaux susceptibles de fournir des informations sur les mouvements des Forces de Défense et de Sécurité », brosse l’universitaire camerounaise. Dans une explication qu’elle amorce immédiatement, Pr Ada Djabou dit combien, chaque jour, le déploiement sanguinaire de Boko Haram modifie les dynamiques de genre dans le bassin du Lac Tchad. « Cette secte djihadiste a attribué à plusieurs femmes et jeunes filles des rôles complexes et souvent tragiques. Loin d’être de simples victimes passives, elles sont devenues des actrices forcées, naviguant entre survie, coercition et des formes de réintégration semées d’embûches. Et depuis que la coalition des forces nationales et internationales a resserré l’étau autour des voies d’approvisionnement de Boko Haram, une nouvelle figure a émergé : celle des « ravitailleuses ». Ces femmes, parfois d’anciennes otages ou des individus en quête de survie, sont contraintes ou incitées à jouer un rôle crucial dans le maintien des réseaux djihadistes. Elles assurent non seulement le ravitaillement en denrées alimentaires, mais aussi le transfert d’informations capitales sur les mouvements des forces de sécurité, le transport d’armes et de munitions, et sont malheureusement soumises à des exigences sexuelles », dit l’exposante camerounaise.

Pentes dangereuses
De ses propos se dégage l’idée que certaines femmes s’approprient l’extrémisme violent, l’ignorent ou encore le subissent. Quoi qu’il en soit, au Cameroun, ce phénomène fonctionne et place des milliers de femmes et jeunes filles sur des pentes bien dangereuses. « Endoctrinées, elles ont été transformées en chairs à canon. Si un certain nombre d’entre elles ont pu retrouver une vie plus ou moins normale, la réalité est bien plus nuancée. Nombreuses sont celles qui conservent des liens discrets avec leurs anciens alliés, piégées dans un réseau difficile à rompre ; Et de fait, la stigmatisation sociale et la difficulté à se défaire de ces liens souterrains constituent des obstacles majeurs à une réintégration pleine et entière », explique Pr Ada Djabou.

Puisant aussi dans les récits déchirants des incursions répétitives de Boko Haram dans plusieurs localités de l’Extrême-Nord, et dans ceux relatifs aux attaques meurtrières des groupes armés dans les régions anglophones du Cameroun, Lucresse Aurélie Nlang porte la voix des femmes en situation de handicap. « Doublement vulnérables, elles font face à une indifférence assourdissante. Confrontée à la détresse, la femme handicapée subit trop souvent l’abandon le plus lamentable. Les récits abondent de ces moments où l’aide des personnes valides ne vient pas, laissant ces âmes vulnérables à leur sort. Les tragédies qui se jouent dans les villages de l’Extrême-Nord dévastés par Boko Haram, et dans les régions anglophones secouées par des exactions de toutes sortes se déroulent souvent sans que la condition des personnes handicapées ne soit mise en lumière », insiste l’avocate au barreau du Cameroun et fondatrice de l’Association Laeticia.

Que faire ?
La même, dans un élan de plaidoirie insiste sur la nécessité de créer un cadre réglementaire et institutionnel capable de favoriser leur prise en charge lorsque la société est bouleversée. « Nos États, lance-t-elle, doivent s’engager à améliorer les conditions de vie des personnes handicapées et particulièrement de la femme handicapée, qui, en dépit de son handicap, porte la vie, donne la vie et constitue dans son rôle de mère la base de l’éducation ». Et Pr Ada Djabou de compléter : « l’autonomisation des femmes dans un contexte généralisé d’instabilité est un gage de stabilisation sociale. Il faut donner les outils nécessaires à nos sœurs pour s’en sortir ».

Face à ce défi, les Camerounaises présentes au SEEGA 2025 pensent globalement que la résolution du problème de la réintégration des femmes et des jeunes filles est indissociable de l’implication effective des hommes. Dans les sociétés du nord du Cameroun, par exemple, où les hommes jouent des rôles prépondérants et ont le « dernier mot », leur adhésion est une condition sine qua non. Les chefferies traditionnelles, souvent dirigées par des leaders masculins charismatiques, peuvent devenir des instances décisionnelles majeures. Leur influence est cruciale pour l’affranchissement et l’acceptation sociale des ex-associées de Boko Haram, brisant ainsi les chaînes de la stigmatisation et facilitant leur retour à une vie communautaire épanouie. Sans cette collaboration étroite, les efforts de réintégration risquent de rester limités, laissant de nombreuses femmes prises au piège de leur passé.

Tom Exposer sur le genre

Apporter et faire porter la réflexion

Du 7 au 9 mai dernier, les feux de l’actualité se sont braqués sur Alexandrie à l’occasion de la 4e édition du Symposium International sur l’Equité et l’Egalité de Genre en Afrique (SIEEGA) 2025. Les résultats obtenus devront être compilés dans les « actes du symposium », un document de plusieurs pages qui sera mis à la disposition du public et des décideurs politiques. Le temps de leur exploitation, rendez-vous a été pris en 2026 pour la 5e édition du SIEEGA. Ce sera à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin.

Organisé par le Bureau International de la Femme et de l’Enfant (BIFE) de l’Université Senghor, de l’AUF et d’autres institutions partenaires, ce conclave scientifique annuel a offert un podium composé d’orateurs pluridisciplinaires à renommée internationale. Ils sont venus du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, de la Tunisie, de la France, du Gabon, du Cameroun, d’Égypte et de bien d’autres horizons. Pluridisciplinaire et transversal, le SIEEGA 2025 s’est voulu ainsi. Dès la note d’intention scientifique, les organisateurs ont suggéré une approche, à la fois opérationnelle et critique, qui dépasse les frontières disciplinaires de chacun et qui offre l’occasion d’une confrontation de chercheurs et de professionnels.

Objectif : apporter et faire porter la réflexion au cœur même d’un problème : la place de la femme africaine dans un environnement d’insécurité. Lors des discussions, de nombreuses interventions ont été consacrées à la prospective, c’est-à-dire aux étapes à franchir afin de créer des synergies utiles dans la prévention de l’extrémisme violent et son impact sur la femme africaine. Si un fil conducteur devait relier l’ensemble des exposés présentés tout au long du SIEEGA 2025, ce serait, sans nul doute, celui-là. Dans le présent zoom, arrêt sur un banquet intellectuel porté par des mots, des hommes et des institutions autour de la question majeure des débats actuels à travers le continent.

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