Home INTÉGRATION RÉGIONALE RDC : à Goma, le dernier refuge médical sauve l’espoir (REPORTAGE)

RDC : à Goma, le dernier refuge médical sauve l’espoir (REPORTAGE)

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Dans la ville de Goma de la République démocratique du Congo (RDC), où la guerre a dispersé des familles entières, un hôpital se dresse comme un phare de résilience au cœur des ruines.

Sous le contrôle du Mouvement du 23 mars (M23), la ville porte les stigmates des combats à l’arme lourde et des déplacements massifs, mais aussi l’empreinte des gestes de courage silencieux. A l’hôpital CBCA-Ndosho, « le seul hôpital à Goma capable de traiter les blessés de guerre », les équipes médicales enchaînent les interventions, les patients s’accrochent à la vie malgré les blessures, et les agents de la Croix-Rouge défient les postes de contrôle et les pénuries pour maintenir ce lien vital. Dans une ville suspendue entre crainte et espérance, cet établissement n’incarne pas seulement un lieu de soins, mais le symbole même de la ténacité humaine. DERNIERE LUMIERE Le retour en force du M23 a plongé l’est de la RDC dans sa plus grave crise sécuritaire depuis plus d’une décennie. En janvier 2025, après des affrontements avec les forces gouvernementales, les combattants atteignent les portes de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu de plus de deux millions d’habitants. Durant plusieurs jours, la ville vibre sous les détonations d’artillerie. Le 29 janvier, Goma tombe. Le gouvernement congolais fait état de plus de 8.500 morts. Les agences humanitaires décrivent alors une catastrophe : des camps de déplacés ciblés par des tirs, des hôpitaux débordés, des stocks d’aide pillés. Dans ce chaos, l’hôpital CBCA-Ndosho, également appelé Bethesda par les habitants, reste debout, fragile, mais fonctionnel.

Conçu à l’origine pour 80 lits, il devient un centre de triage en première ligne pour des centaines de blessés. « A la période la plus critique, nous recevions plus de 700 patients, mais nous n’avons pu étendre notre capacité qu’à 148 lits », se souvient Taoffic Mohamed Touré, vétéran du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Des blessés s’entassent dans les couloirs, les cours et sous des tentes. « Nous sommes le seul hôpital à Goma capable de traiter les blessés de guerre », a expliqué Witenene Kapinga Rita, agente psychosociale. « Civils comme combattants n’ont pas d’autre choix que de venir ici. Et nous avons le devoir de les soigner ». SOIGNER AU BORD DU GOUFFRE Les patients affluent, porteurs d’éclats d’obus, de balles logées dans l’abdomen, et de traumatismes dus aux explosions. « Il nous est arrivé d’opérer deux ou trois fois le même patient », a confié Abdou Sidibé Rahmane, chirurgien de terrain. Puis les vivres et médicaments viennent à manquer. Fin janvier, le CICR signale que l’un de ses entrepôts à Goma a été pillé, tout comme plusieurs centres de santé locaux. L’électricité est coupée, les conduites d’eau sont sectionnées. « Nous avons perdu des stocks cruciaux, alors que nous traitions des centaines de blessés chaque jour », a déploré M. Touré. Dans l’unité des traumatismes, les récits des survivants rappellent la brutalité du conflit. Amani Gérôme, atteint au ventre, a murmuré : « Quand ils ont fait irruption dans notre maison, ma femme et nos sept enfants étaient là. Après l’attaque, ma femme est décédée et quatre enfants ont été tués ». Dans la salle voisine, Mélanie Rubandika, blessée à l’épaule et amputée du bras, a indiqué: « Les hommes armés ont d’abord arraché la porte de la maison avant d’y entrer. Quand ils sont entrés, ils m’ont criblée de balles et m’ont fait un coup de machette au niveau de la tête. Tout ce que je souhaite, c’est la paix. Mais aujourd’hui, des jeunes portent des uniformes militaires volés. Le banditisme est partout ». La prise de la ville a laissé un vide sécuritaire. Pillages, braquages, cambriolages : les habitants vivent dans la peur. « Des criminels ont même forcé la maison d’un collègue. Cela a semé la panique parmi nous », a confié Mme Rita. Mais certains témoignages portent un souffle d’espoir. Kahindo Amina, touchée par sept balles lors d’un raid nocturne qui a coûté la vie à son mari, sourit : « Bien que je partirai avec un handicap, je suis pleine d’espoir ».

AU-DELA DES BLESSURES Ces dernières semaines, l’afflux de nouveaux patients diminue, mais la gravité des cas reste élevée. « Nous réalisons encore cinq opérations liées à des tirs chaque jour », a expliqué le Dr Abdou Sidibé Rahmane. « Beaucoup sont infectées, certaines nécessitent plusieurs interventions ». Dans l’unité de rééducation, les patients réapprennent à marcher. Le soutien psychologique est essentiel. « Certains sont arrivés avec les entrailles à l’air, en état de choc absolu », a raconté Grâce Muyisa, psychologue clinicienne. « Beaucoup pensaient qu’aucun médecin ne pourrait les sauver ». Mais au-delà des murs de l’hôpital, l’espace humanitaire se rétrécit. Le CICR, qui soutient Ndosho depuis le début du conflit, est confronté à des menaces croissantes dans l’est du pays. Dans des zones comme Masisi, dominées par des milices rivales, l’accès est de plus en plus restreint. En février 2025, un membre de Médecins Sans Frontières (MSF) a été tué dans des échanges de tirs. Pourtant, la détermination du personnel de Ndosho ne fléchit pas. « Après ce que nous avons vécu ici, plus rien ne pourra m’intimider dans ma carrière », a affirmé Grâce Muyisa. « Une telle affluence de blessés, un tel chaos – je doute que cela ait été vécu ailleurs dans le monde ». Et même quand le découragement rôde, la mission l’emporte. « Il m’arrive d’être abattue, de revivre chaque jour les mêmes douleurs », a confié Mme Rita. « Mais quand j’enfile mon uniforme, je relève la tête. Car je sais que quelqu’un compte sur ma présence ».

GOMA (RDC), 17 mai (Xinhua)

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