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Quand arrive enfin la TNT au Cameroun ? : des milliers d’emplois en jeu !

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Depuis près de 15 ans, le Cameroun peine à mettre en place la TNT, Télévision numérique terrestre.Après une période de léthargie, le gouvernement a décidé de relancer le projet en 2022. Où en est-on? Quand ce saut technologique deviendra- t-il réalité ? Faisons le point sur les enjeux de cette transformation numérique dont l’avènement d’ici deux ans au mieux, promet des milliers d’emplois.

La TNT, une contrainte mondiale. Un peu d’histoire et de technique La migration dela télévision analogique à la télévision numérique, est une exigence de l’IUT (Union Internationale de Télécommunications), dictée par l’impératif d’économie du spectre de fréquences, et matérialisée parl’accord de Genève 2006 (GE06).

La vocation principale de la TNT (Télévision numérique terrestre) est de remplacer la télévisionanalogique, qui est/était le principal mode de diffusion des programmes TV par voie hertzienne (propagation des ondes radioélectriques en surface terrestre). Ce mode de diffusion des programmes de télévision a vu le jour grâce à l’intégration aux techniques de diffusion des principes relevant de l’informatique et des télécommunications.

La migration de la télévision analogique à la télévision numérique terrestre recèle plusieurs enjeux majeurs:

1-       Enjeu technologique

Toute évolution technologique majeure créée des bouleversements dans un ou plusieurs domaines d’activité de la vie publique. Généralement les acteurs existants s’adaptent ou disparaissent, et parfois, on assiste à la naissance de nouveaux acteurs. Pour le cas de la migration vers la TNT, les principaux changements sont :

  1. Au niveau des acteurs existants : La TNT consacre la séparation des métiers d’éditeurs deprogrammes (chaines de TV) et de diffuseurs de programmes TV (distribution des programmes vers le public à travers les ondes radioélectriques). Actuellement, par exemple, la CRTV est en même temps éditrice de programmes et diffuseur de programmes.
    1. Au niveau des nouveaux acteurs : les nouvelles activités créées avec l’arrivée de la TNT sont :
      1. Le multiplexage : procédé d’insertion de plusieurs chaînes TV dans une seulefréquence radioélectrique pour diffusion au public. Ainsi sur une seule fréquence letéléspectateur reçoit plusieurs chaînes TV (de 10 à 20 suivant les normes actuelles) au lieu d’une seule comme c’est le cas avec la TV analogique ;
      1. L’agrégation de contenus : Acquisition de droit de diffusion de plusieurs chaines pourconstituer un bouquet de chaînes gratuites ou payantes à diffuser au public.

D’autres activités connexes sont envisagées et tout ceci devrait se gérer dans un cadre réglementaire que les pouvoirs publics sont chargés de mettre en place. Ce qui a été fait avec lapromulgation des lois votées en Avril 2015 : l’une portant sur l’audiovisuel numérique et l’autre sur la révision de la loi sur les communications électroniques.

2-   Enjeux économiques

Aussi bien pour l’Etat que pour le secteur privé, la migration vers la TNT est génératrice de ressources qui sont non seulement issues des nouvelles activités qui vont se créer, mais aussi des principales actions identifiées ci-dessous :

a.    La vente du dividende numérique :

La TNT permet de réaliser une économie sur le spectre de fréquence radio électriquedédié à la TV. Cette économie appelée dividende

numérique est très prisée par les opérateurs de télécommunications. La vente de cette bande de fréquence à ces opérateurs par l’Etat a été estimée par les experts entre 70 et 100 milliards de francs CFA, sans compter les taxes que l’Etat pourrait imposer sur les activités créées dans cette bande de fréquence. A titre d’exemple, la vente du premier dividende numérique a rapporté à l’Etat français environ 1 600 millions d’euros.

b.   La distribution de la TV payante

L’arrivée de la TNT devrait faciliter l’accès des ménages, même ceux situés dans les zones les plus reculées, aux images de TV, et par conséquent, devrait aussi permettre d’améliorer le modèle économique de la Pay-TV. Les statistiques font état d’environ 40% de ménages pouvant être intéressés par la Pay-TV via la TNT, à condition d’avoir une bonne couverture territoriale des signaux de la TNT.

c.    La vente de droits de diffusion des programmes

La multiplication des canaux de diffusion créés par l’arrivée de la TNT va inciter à la création de nouvelles chaînes de TV. Toutes ces chaînes seront demandeuses de programmes à diffuser. On prévoit donc une explosion du marché de vente des droits dediffusion TV, ce qui devrait entrainer une industrialisation de la création et de la production de contenus audiovisuels.

d.   La vente de terminaux

La vente de nouveaux terminaux fixes et mobiles (récepteur TV, décodeurs) de réception de la TNT, constitue une opportunité à saisir par divers opérateurs économiques nationaux.

3-   Enjeu sociétal

Les médias en général, la radio et la TV en particulier, sont considérés aujourd’hui comme les principaux outils, d’information et d’éducation des populations. La multiplication des chaînes TV, induite par l’arrivée de la TNT, pose le problème des images et des programmes qui seront mises à la disposition du public. Il est question de se réapproprier et de maitriser le paysage audiovisuel national, afin que celui soit porteur des valeurs et des mœurs qui identifie le citoyen camerounais, au risque de s’exposer à une extraversion des comportements des citoyens consécutifs à un envahissement de notre paysage par des images venues d’ailleurs.

4-   La relance après la léthargie

En 2006, l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) fixe l’échéancier mondial de basculement de la radiodiffusion analogique au numérique respectivement au 17 juin 2015 pour les bandes IV/V (UHF), et au 17 juin 2020 pour la bande III (VHF), à minuit.

En conformité avec ces exigences internationales, le Cameroun adopte en 2012 son plan demigration au numérique (DSC-MN) préparé un an plus tôt par le comité CAM-DBS mis en place à cet effet. La même année, ce comité mute en Cameroon Digital Televison Project (CAM-DTV) chargé dusuivi de la mise en œuvre effective de la télévision numérique au Cameroun.

Pour mémoire, la mise en œuvre de la migration consiste, conformément au plan susmentionné, en la mise en place d’un réseau de stations de radiodiffusion numérisées à travers tout le pays avec pourobjectif, la couverture d’au moins 85% du territoire national et la mise en place d’un bouquet de chaînes nationales gratuites.

En raison des difficultés apparues dans l’exécution du projet CAM-DTV, le Cameroun n’a pas honoré les dates butoirs fixées par l’agenda international. Toutefois, en 2015, la CRTV a conduit, avec succès, un projet pilote de TNT expérimentale dans les villes de Yaoundé et de Douala avec la diffusion d’un bouquet d’environ 15 chaines nationales et internationales laissant penser que le

Cameroun avait effectivement basculé dans les délais. En fait il n’en était rien. A l’occasion de la CAN 2021, cette diffusion s’est étendue sur les villes de Garoua, Bafoussam et Buéa. Le départ en 2019 du ministère de la communication de Monsieur Issa Tchiroma a effacé des radars la TNT. Il faut attendre octobre 2022 pour que le gouvernement décide la reprise du projet CAM-DTV. Dans une déclaration à l’Assemblée nationale le 25 novembre 2022 lors de la présentation du Budget de l’Etat, le Premier ministre affirme : « Dans le domaine de la communication, le Gouvernement va s’atteler à la poursuite du projet de réhabilitation technique de la CRTV et la relance du projet de démarrage de la TNT dans le cadre d’une gestion intégrée. Il sera également question de redimensionner ce projet et, surtout, de rechercher les financements nécessaires à sa mise en œuvre ».

5-   La nouvelle donne

La volonté affichée est de doter le Cameroun d’une TNT pour tous, en tout lieu, dans tous lesréseaux, par tous les terminaux et véhiculant des contenus en qualité et en quantité, contribuant àl’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Dans cette veine, l’Unité Technique Opérationnelle a procédé à la définition du besoin réel actualisé pour la mise en place de l’infrastructure de la TNT au Cameroun. De nombreux chantiers couvrant les aspects juridique, institutionnel, technique, économique et financier ont été identifiés pour cette réalisation du projet de la migration de la radiodiffusion analogique au numérique en vue du basculement effectif de l’ensemble du pays. Citons-en quelques-uns parmi les plus emblématiques :

  • Adapter le cadre juridique et réglementaire, ainsi que les organismes à l’environnement numérique pour garantir des conditions optimales d’exploitation de la TNT;
  • Construire une infrastructure de communication numérique de terre unifiée comportant environ124 sites et au moins deux multiplex d’une capacité de 5O chaînes minimum chacun. Certains experts estiment qu’il faut quatre multiplex.
  • Accompagner la politique nationale de création des contenus au travers de son industrialisation, etpromouvoir / protéger les cultures locales et nationales ;

§  0rganiser, en trois ans, l’offre d’une centaine de chaînes de télévision – qui seront réparties sur au moins deux multiplex (voire

quatre) – afin d’offrir au plus grand nombre de Camerounais et à toutes les catégories de public l’accès à la TNT.

  • Mettre en place les mesures incitatives pour la création des entreprises privées de production de contenus
  • Mettre   en   place   le   Compte   d’Affectation    Spéciale   (CAS)   pour   le Développement de l’Audiovisuel
  • Définir l’orientation des contenus des chaînes du bouquet public de base accessibles gratuitement à tous les citoyens
  • Élaborer et mettre en œuvre des dispositions réglementaires sur le quota minimum de contenus nationaux dans les programmes des chaînes de TV

6-   Quel est l’état des lieux à l’heure actuelle ?

Deux entreprises ont été retenues pour la mise en place du réseau de diffusion TNT sur l’ensemble du territoire national. Une entreprise belge Studiotech et une entreprise camerounaise Avilyos. Ces entreprises sont censées apporter les financements des institutions financières étrangères etseraient actuellement en négociation avec l’Etat du Cameroun en vue de la finalisation des contrats.Il faut se féliciter qu’une entreprise camerounaise ait été retenue pour la construction de l’infrastructure de la TNT. D’un coût d’environ 90 milliards de francs CFA, les travaux sont prévuspour durer 24 mois. Il faut espérer que cette fois-ci les délais convenus seront tenus. Car la TNT est un outil de souveraineté dont le Cameroun ne devrait pas se priver longtemps. Il n’a échappé à personne qu’au Cameroun, toutes les chaînes locales y compris la CRTV sont uniquement dans lebouquet d’un seul opérateur, étranger de surcroit, Canal+. L’avènement de la TNT permettrait auxchaînes locales d’être présentes dans un bouquet national avec pour avantages une augmentation del’audience et la possibilité d’être regardé en mode DTH par satellite avec une petite antenneparabole pour les clients les plus reculés et situés dans la sous-région !

En guise de conclusion, pour illustrer comment une transition numérique inachevée agit comme un frein structurel au plein épanouissement, nous allons donner la parole à un connaisseur d’un pays voisin qui met en lumière l’enjeu crucial pour l’industrie nigériane des médias et du divertissement que constitue la TNT. Voici selon lui, une analyse des implications et quelques pistes de réflexion pour envisager des solutions :

1.    Les opportunités perdues par une transition retardée

  • Pour Nollywood : Malgré son succès international, l’industrie peine à démocratiser l’accès à ses productions localement. Une diffusion numérique efficace (via des plateformes locales ou une TNT performante) pourrait :
    • Élargir le marché domestique : Des solutions comme IROKOtv (plateforme africaine de streaming) montrent la voie, mais manquent de soutien infrastructurel (coût de la data, couverture réseau).
    • Stimuler l’innovation : Outils interactifs, VOD locale, monétisation des contenus via la publicité ciblée (aujourd’hui captée par YouTube/Netflix).
    • Pour la télévision : Le retard numérique maintient le pays dans un modèle analogique coûteux :
    • Perte de revenus publicitaires : Les annonceurs se tournent vers le digital (réseaux sociaux, plateformes étrangères), privant les chaînes locales de ressources.
    • Fracture informationnelle : Les zones rurales, privées de signaux numériques, restent dépendantes de médias peu diversifiés.

Voilà ce qui attend le Cameroun si nous continuons à tourner le dos à la TNT !

Source principale : CAM-DTV. Synthèse de Jean Vincent Tchienehom

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