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Regard de l’expert sur l’actualité financière en zone Cemac : la monnaie, bien particulièrement rare depuis 10 ans

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Pr Marius AYOU BENE

L’actualité financière dans la zone CEMAC a été dominée cette semaine par trois évènements majeurs : la production de nouvelles pièces de monnaie par la BEAC dès le début du 2ème trimestre 2025 ; le projet de loi américain réclamant la transparence sur les réserves de change CEMAC en contrepartie de l’aide du FMI ; le colloque financier international portant sur la dette souveraine des États membres de la CEMAC et les opportunités de sa restructuration.

La monnaie est un moyen d’échange (de paiement), une unité de compte, une réserve de valeur, une norme de paiement différé. Elle se présente souvent sous les formes fiduciaire, scripturale ou électronique. C’est dans sa forme fiduciaire, notamment les pièces de monnaies, que ce bien est particulièrement rare dans le contexte CEMAC depuis 10 ans environ.


1-Nouvelle gamme de pièces de monnaie
De par sa fonction de moyen de paiement, la rareté des pièces de monnaies dans cette zone d’échange, qui tire ses causes dans leur composition (les matières premières utilisées pour leur fabrication), les défaillances du système sécuritaire, leur détournement pour leur utilisation dans le secteur de la bijouterie, continue de compromettre significativement la fluidité des transactions commerciales. Elle impacte négativement aussi bien le chiffre d’affaires des commerçants que le pouvoir d’achat des populations qui sont parfois obligées d’acquérir d’autres biens, pas toujours nécessaires, faute de monnaie.


Toutefois l’alternative du mobile money demeure insuffisante du fait des coûts associés à cette plateforme de paiement, ainsi que son adoption limitée aux surfaces commerciales conventionnelles. C’est dans ce contexte que l’annonce de la tournée de Monsieur le Gouverneur de la BEAC auprès des Chancelleries des pays membres de la CEMAC, visant à préciser les contours de l’émission prochaine d’une nouvelle gamme de pièces de monnaie baptisée « type 2024 », est accueillie avec beaucoup de satisfaction. L’on apprend ainsi que la principale innovation de ces pièces résidera dans les matières premières utilisées pour leur fabrication. Ces dernières ont le mérite d’en garantir à la fois la sécurité et la durabilité à travers l’introduction d’une technologie bimétallique, et le désintérêt des bijoutiers à les transformer en bijoux de toute sorte.


2-De la censure américaine
Cette semaine l’ouragan Trump, qui semblait affecter les seuls concurrents directs des Etats-Unis d’Amérique, s’est abattu sur la zone CEMAC avec l’annonce de l’introduction d’un projet de loi, le « CEMAC Act » au Congrès américain, par le républicain Bill Huizenga, en vue de forcer les pays membres de la zone à plus de transparence sur leurs réserves de change, sous peine de la suspension des aides de la première économie mondiale au FMI pour toute initiative de financement en faveur de la sous-région Afrique Centrale. Les réserves concernées sont alimentées par les entreprises extractives, majoritairement les multinationales pétrolières, et constituées dans le cadre du fonds de restauration du passif environnemental, devant notamment servir à la réhabilitation des sites exploités. Elles ont fait l’objet d’un dispositif réglementaire, introduit par la BEAC en 2018, qui fixe la date du 30 avril 2025 comme deadline pour que les entreprises concernées s’y conforment ; les contrevenants étant exposés à des sanctions allant jusqu’à des pénalités de l’ordre de 150% de leur contribution audit fonds. Ce dispositif, motivé par la volonté de clarifier le traitement comptable des fonds destinés à la restauration environnementale dans le secteur pétrolier, s’inscrit dans un contexte de renforcement de la surveillance des réserves de change régionales. Les responsables américains dénoncent en effet que ces fonds, contractuellement réservés pour la réhabilitation, pourraient être indûment intégrés aux réserves officielles, ce qui fausserait la situation financière des États membres.


Au-delà de ces motivations institutionnelles, le CEMAC Act, apparait comme un outil de lutte pour la préservation des intérêts économiques américains, notamment à travers la défense des entreprises extractives américaines opérant dans la sous-région. Il démontre également la volonté politique de la super puissance à maintenir les économies de la CEMAC dans une fragilité qui lui est profitable de tout point de vue. Il devient urgent pour les pays de la sous-région de mettre davantage l’accent sur la gestion efficiente des finances publiques, afin de réduire leur dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds dont les interventions sont accompagnées des conditions extrêmement contraignantes en défaveur de l’émergence.


3-La restructuration de la dette souveraine des Etats membres
Outre ces contraintes, celle de la restructuration de la dette souveraine des Etats membres de la zone CEMAC constitue également un frein leur développement. C’est pour adresser ce problème structurel que le Cameroun a abrité du 10 au 11 avril 2025 un colloque international sous le thème : « Dette souveraine des États membres de la CEMAC et opportunités de restructuration ». Sous la houlette des sociétés de bourse camerounaises Contacturer Capital et Horus Investment Capital, assistées par le cabinet Akoa Mballa & Co, et la supervision du Ministère camerounais des finances, les participants ont débattu sur la nécessaire soutenabilité de l’endettement public des économies de l’Afrique Centrale dans un contexte de tensions de trésorerie aigues.


Pr Marius AYOU BENE
PhD Financial Mathematics
Senior Risk Analyst
Financial Engineer

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