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 La Constitution camerounaise revisitée dans le détail 

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Par la puissance de son érudition, la mobilisation d’une expertise bigarrée, et son ambition de scruter dans détail la loi fondamentale, « La Constitution de la République du Cameroun. Commentaire article par article », vient prolonger et compléter de de nombreux travaux en cette matière. L’ouvrage en impose par son volume et son originalité.

Dépourvu de ce fameux « droit d’entrée » dans divers champs scientifiques, si cher au sociologue Pierre BOURDIEU (Sur la télévision. Suivi de l’emprise du journalisme, Paris, édition Raison d’agir, 2008, pp.75-76), le regard du profane sur l’ouvrage dont le Pr Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU a assuré la direction scientifique peut avoir une double dimension : phénoménologique et comparative ; les deux s’emboîtant, se renforçant et se complétant avantageusement. 

A cet égard, « La Constitution de la République du Cameroun. Commentaire article par article », apparaît tout d’abord comme une somme impressionnante par son volume : 1232 pages, dont 5 de paratextes (la « préface » de Jean du Bois de Gaudusson, et l’« avant-propos » du  Directeur scientifique). Le reste, soit 1227 pages, tient en 230 contributions signées de 125 experts (dont certains se signalent par plusieurs occurrences) qui passent en revue, avec un évident luxe du détail, les 69 articles de la loi fondamentale camerounaise. 

Sont ainsi examinés, passés par diverses grilles, dans un enchaînement logique dicté par leur ordre d’apparition dans la Constitution :

« Le préambule », « L’Etat et la souveraineté », « Le Pouvoir exécutif », « Le pouvoir législatif », « Les rapports » entre ces deux pouvoirs, « Le pouvoir judiciaire », « Les Traités et Accords internationaux », « Le Conseil Constitutionnel », « La Haute Cour », « Le Conseil économique », « Les Collectivités Territoriales Décentralisées », « La révision de la Constitution », « Les dispositions spéciale », « Les dispositions transitoires et finales »

Bien qu’aucun des articles de la Constitution du Cameroun n’ait été éludé- comment pouvait-il en être autrement ! -, force est de constater que les matières, objet des commentaires réunis, se signalent par un traitement contrasté du point de leur volume dans le livre.

Ainsi par exemple, le « Préambule » a nécessité 169 pages, les développements relatifs au « Président de la République » occupent 151 pages, alors que seulement – si l’on ose dire- 4 pages sont consacrées au « Conseil économique et social ».  Sur ce-dernier repère, l’on est fondé à se demander si ce traitement à première vue marginal, est dû au fait que le titre IX traitant de cette institution, est le plus court de la Constitution. 

Quoi qu’il en soit, et à titre d’hypothèse, la densité et l’intensité des propos semblent avoir été privilégiés.  Et, au-delà d’une simple arithmétique, les réflexions rassemblées témoignent d’une aventure scientifique pointilleuse et généreuse, apparemment soucieuse d’une certaine exhaustivité heuristique, dont on sait par ailleurs qu’elle demeure asymptotique. 

« La Constitution de la République du Cameroun. Commentaire article par article » s’impose sur un autre plan, par deux marqueurs significatifs : la diversité des ancrages épistémologiques des contributeurs ainsi que la notoriété incontestable de nombre d’entre eux. De toute évidence, ces deux paramètres contribuent à renforcer l’intérêt de ce livre, et achèvent, ce faisant de confirmer que la réflexion sur la Constitution n’est pas l’apanage des spécialistes de Droit constitutionnel. 

Après tout, n’a-t-on pas coutume de dire que « La Constitution est à la fois l’acte politique et la loi fondamentale qui unit et régit de manière organisée l’ensemble des rapports entre gouvernants et gouvernés au sein d’’un Etat en tant qu’unité politique d’un espace géographique et humain » ? 

Cette hétérogénéité des sphères scientifiques mobilisées dans le cadre de cet ouvrage, repose sur nombre de figures, au sens Eboussien de ce terme, c’est-à-dire

« […] un phénomène de perception : quelque chose ou quelqu’un qui prend soudain du relief à l’égard de ce qui l’entoure, son environnement, le fond sur lequel il se détache. Cette forme se distingue clairement des autres et se cale en elle-même, polarisant regards et attention. Elle est donc un surgissement ou une survenance, un événement qui sort du cours ordinaire des choses » [ Fabien EBOUSSI BOULAGA, « L’intellectuel commun », in A, KOM (Ed), Fabien Eboussi Boulaga, L’audace de penser, Paris, l’Harmattan, 2010, p.22]

L’on croisera ainsi, le politologue Luc SINDJOUN , le Sociopolitiste Mathias Eric OWONA NGUINI, au côté des juristes , qu’ils soient universitaires  (Etienne Charles LEKENE DONFACK, Marcellin NGUELE ABADA, Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU, Thérèse ATANGANA MALONGUE,  Alain Didier OLINGA, Alain ONDOUA, Patrick Edgard ABANE ENGOLO ), ou magistrats ( Vieux EYIKE), et l’on en oublie…

Sans doute faut-il y voir l’une des singularités saillantes de ce livre, qui paraît à la suite de bien d’autres offres d’intelligibilité de notre Loi fondamentale.

L’on mentionnera ici, sans en épuiser la liste, et en faisant litière des articles scientifiques, des travaux s’inscrivant  dans une dynamique collective, et portant l’estampille des démarches solitaires.

 Pour les premiers l’on avait déjà eu droit, au fil des ans, à « La Constitution camerounaise du 18 janvier 1996. Bilan et perspectives », sous la Direction du Professeur Alain ONDOUA (2007) ; « Droits constitutionnels et institutions politiques du monde contemporains », sous la Direction du Professeur Joseph OWONA (Paix à son âme !) ( 2010) ;  ou encore  « La Fonction présidentielle au Cameroun », sous la Direction du Professeur Patrick Edgard ABANE ENGOLO (2019).

Dans la seconde catégorie, « La Constitution de la République du Cameroun » du Professeur Alain Didier OLINGA, qui en est à sa « troisième édition revue et augmentée » depuis 2023, s’est imposé comme un incontournable, à bien des égards.

A l’observation, et à la lecture, sans préjuger de la réception que le livre suscitera dans les cercles des spécialistes, « La Constitution de la République du Cameroun. Commentaire article par article » sous la Direction du Professeur Jean-Louis ANTANGANA AMOUGOU, vient à la fois compléter et enrichir les repères d’une certaine herméneutique de la Loi fondamentale camerounaise, par l’originalité de sa démarche qui a visiblement fait le pari de l’approfondissement de chacune des parties pour conférer du sens au tout constitutionnel. 

Les exégètes attitrés formuleront sans aucun doute les critiques, relèveront les limites, et pointeront les insuffisances de ce travail. Le profane lui, observera déjà, à titre provisoire, et pour le regretter, que le Directeur scientifique n’ait pas jugé utile de publier en « Annexe » le texte de la Constitution, objet de commentaires savants, de manière à permettre au lecteur de disposer d’un document qui eût pu faciliter sa consultation. 

Malgré tout, étudiants, chercheurs de tous horizons, citoyens ordinaires, décideurs de tout bord tiennent en cet ouvrage, une œuvre précieuse. 

Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU ( dir), La Constitution de la République du Cameroun. Commentaire article par article, Paris, l’Harmattan, 2025, 1232 pages 

Par Valentin Siméon ZINGA

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