À la chronique univoque de visite de travail, présentée aussi bien par la presse que par quelques analystes du sérail, il pourrait s’opposer d’autres formes de narration, réinterrogeant le rôle prêté aux récents voyages du ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République (SG/PR).

Pour un conteur habité par un souci de lister les dates, les lieux et les motifs de chaque voyage, il y a de la matière dans les récentes visites de terrain effectuées par le ministre d’Etat, SG/PR. Après avoir séjourné successivement à Yagoua, Maga et Kousseri (région de l’Extrême-Nord) du 15 au 16 février dernier (pour « évaluer les dégâts causés par les inondations qui ont touché la région il y a quelques mois »), Ferdinand Ngoh Ngoh est allé se rendre compte de l’état d’avancement des travaux de la route dite Boucle de la Lekié (région du Centre) le 9 mars 2025. Et puis, il a déposé ses valises à Douala. Dans la capitale régionale du Littoral, le plus proche collaborateur de Paul Biya a effectué une visite au port autonome de Douala le 15 février dernier, après avoir procédé la veille à l’inauguration du centre de production des titres identitaires, et multiplié des rendez-vous avec quelques personnalités. Ici et là, le ministre d’Etat, SG/PR était en « visite de travail ».
Mais, avec le temps, l’explication peut paraître un peu courte et bien d’autres éléments sont avancés des observateurs. Pour Njoya Abdouramane, « les descentes de Ferdinand Ngoh Ngoh se sont imposées comme la solution procédurale à des crises de leadership et de gestion du fractionnisme partisan que connait le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) dans ses bastions électoraux ». Selon l’homme politique, « c’est davantage pour permettre la survie du RDPC dans des localités où les populations sont désormais très marquées par l’épuisement programmatique et organisationnel de ce parti, que pour répondre à des enjeux de gouvernance ».
Perte du monopole
Selon d’autres analystes, en dehors de l’évaluation ou de l’inauguration de projet, les voyages du SG/PR ont épousé des gestes de campagne électorale. « Ressentant le besoin de faire oublier ses ambitions et de redéfinir l’étalon de sa réussite, le RDPC est presque sommé d’accélérer son calendrier dans des zones devenues presque rebelles. Et en ce sens, plus besoin d’y voir des signes d’une campagne électorale avant la lettre », soutient Haman Toukour, politologue basé à Maroua.
Longtemps cantonné à des débats d’experts, l’enjeu de l’élection présidentielles d’octobre 2025 refait surface avec la récente tournée de Ferdinand Ngoh Ngoh dans quelques localités du pays. « Cette tournée consiste d’abord à acter le constat d’échec d’une offre politique que ne parviennent plus à vanter les instruments classiques, les promesses fracassantes notamment », dénigre Prudence Wakam, jeune militante d’un parti de l’opposition.
Jean-René Meva’a Amougou