Plusieurs points clés: un narratif autour des avancées de la Cemac; une narration de celle-ci comme acteur résilient nécessitant une intégration plus poussée. Analyse.
Il y a un discours. Il y a sa forme. Il y a également des mots et leurs unités fonctionnelles. Pour articuler tout cela, Pr Faustin-Archange Touadera commence par préciser les prérogatives qui sont les siennes. «A l’occasion de la célébration de la Journée de la Cemac, le 16 mars de chaque année, que le Président en exercice de la Communauté adresse aux citoyennes et aux citoyens des six États membres, un message sur l’état de la Communauté et les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’intégration régionale», dit-il. Dans sa façon de préciser le contenu de son propos, le Président en exercice de la Cemac s’inscrit ensuite dans une dynamique factuelle appuyée par un bilan: «L’année 2024 qui vient de s’achever a été, pour notre Communauté, une année charnière au cours de laquelle les Peuples de nos six États membres ont célébré tour à tour les soixante (60) ans de notre processus d’intégration régionale (1964-2024) et les trente (30) ans d’existence de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (1994-2024). En termes de bilan, et en dépit de périodes souvent difficiles, marquées par des crises politiques ou économiques, l’intégration régionale dans le cadre de l’Udeac/Cemac peut se targuer d’avoir engrangé trois types d’acquis: le système institutionnel, l’union monétaire et l’union économique».
En montrant ainsi que son explication et son interprétation sont orientées et délimitées, le chef de l’Etat centrafricain invite ses concitoyens de la Cemac à prendre en compte un marqueur: la mondialisation. «Aujourd’hui plus qu’hier, face aux défis de la mondialisation, l’intégration des jeunes nations comme les nôtres est au centre de toutes les préoccupations, car elle donne corps à l’existence même de nos États. Le monde se raccourcit, les grands ensembles se développent, l’isolationnisme des États, hier stratégie de développement, est devenu aujourd’hui un non-sens et fait place à la création de grands ensembles économiques, à l’unité des nations et des peuples et à la coopération tous azimuts», fait observer Pr Faustin-Archange Touadera.
Ainsi, le sens qui se profile derrière ces observations se rapporte au contexte sous régional: «La Cemac, notre Communauté, ne saurait être en marge de cette évolution majeure, qui traduit sa marche irréversible vers un avenir radieux». Bien que la Cemac subisse des règles d’une géo-économie et d’une géopolitique mondiales de plus en plus contraignantes, Pr Faustin-Archange Touadera souligne qu’ «une attention soutenue doit être portée sur les échanges intracommunautaires afin d’avancer vers un développement effectif et équilibré des États membres».
Le discours du Président en exercice de la Cemac marque une inflexion dans la communication stratégique de la communauté. En ce sens, l’orateur associe réalisme géopolitique, ambition économique et fidélité aux valeurs communautaires, en articulant compétitivité, durabilité et coopération. Et il trace la voie: «La libre circulation est en ce sens un vecteur de facilitation de de la stratégie d’import-substitution autant que de la diversification économique, éléments essentiels d’amélioration de notre balance commerciale».
Bobo Ousmanou
Combats
«Promouvoir les libertés de circulation pour renforcer les échanges intracommunautaires en zone Cemac». Comme un petit morceau de quelque chose qui a l’air d’avoir tenu sa place dans le discours communautaire, la promotion de la libre circulation a encore été énoncée dans tous les pays de la Cemac. Quoi de commun entre ce qui a été dit avant et ce qui s’est dit le 16 mars dernier? La réponse, dans les deux cas, est vite donnée: beaucoup de choses. Au point qu’on pourrait se demander si l’on n’a pas affaire à une simple répétition inutile. Inutile, donc, de chercher l’originalité du thème de la 16e édition de la Journée de la Cemac célébrée le 16 mars dernier. Ce qui, en revanche, pourrait bien être dans l’air du temps, c’est ce que la Commission de la Cemac constate dans son communiqué de presse: «Bien que des textes régissant cette liberté aient été adoptés, leur application effective reste un défi. De nombreux citoyens de la Communauté continuent de faire face à des obstacles administratifs et à des tracasseries aux frontières terrestres, entravant ainsi les échanges économiques et humains».
Et c’est cela qui, assurément, donne le frisson. Et c’est cela qui, assurément, permet de dire que quelles que soient les formes par lesquelles se manifeste la volonté de construire une «Cemac des peuples», il y a toujours un combat entre les pensées conformes à cette visée et celles qui les contrecarrent. De là provient le caractère problématique de la Journée Cemac, dont la célébration, chaque 16 mars depuis 16 ans, donne systématiquement lieu à une série de discours sans effet concret. Tout se passe donc comme si la Journée Cemac s’efforçait de scander, à l’échelle sous régionale, une ambition à la fois proche et lointaine.
Mais Intégration, votre journal court vite. Il faut bien justifier son nom. Sans s’épuiser, il cherche à garder une distance qui lui sert à la fois d’hygiène et d’oxygène.
