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Décembre, ce vieux farceur

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Voici revenu décembre, ce mois qui entre dans nos vies comme un oncle exubérant dont on adore l’énergie mais qu’on redoute pour notre portefeuille. À peine la première guirlande allumée que les dépenses faramineuses se glissent déjà sous la porte, persuadées d’être invitées d’office. Et nous, naïfs, nous les laissons entrer, parce que c’est la saison où l’on croit encore aux miracles… et aux promotions qui n’en sont pas.

Partout, l’inflation se promène avec l’assurance d’une célébrité internationale. Elle augmente les prix comme on augmente le volume d’une chanson qu’on n’aime pas, simplement parce qu’elle peut. Le moindre paquet de cacahuètes semble désormais facturé au gramme d’or pur, et l’on se surprend à comparer le prix du poulet à celui de notre dignité – le poulet gagne souvent.

Puis surgit le rituel annuel du “m’as-tu vu”. Ah, ce grand défilé populaire où tout le monde devient, l’espace d’un instant, influenceur semi-professionnel. Les tenues brillent, les chaussures étincellent, les coiffures défient les lois de la gravité et du bon sens. On se photographie devant des sapins rayonnants, dans des salons empruntés, ou même devant des vitrines qui ne nous appartiennent pas du tout. Le but n’est plus de célébrer, mais de prouver que l’on célèbre mieux que les autres. C’est une compétition officieuse dont personne n’a écrit les règles, mais que chacun s’applique à gagner.

Et les cadeaux… parlons-en avec tendresse, avant d’en parler avec douleur. On achète pour faire plaisir, pour faire bien, ou parfois juste pour faire semblant. Certains s’endettent comme si janvier n’existait pas, d’autres offrent des présents mystérieux qui nécessitent un manuel d’utilisation. Dans tous les cas, on dépense plus que prévu, on sourit plus que raisonnable, et on se convainc que l’esprit de Noël a certainement une ligne budgétaire cachée quelque part.

Mais derrière ces lumières éclatantes, une silhouette s’avance déjà : janvier. Discret, presque timide, mais redoutablement déterminé. Il vient avec son air sérieux, son calme administratif et ses factures qui ne connaissent ni magie ni paillettes. Janvier, c’est le mois qui nous regarde droit dans les yeux pour nous rappeler que nos calculs n’étaient pas des calculs, mais des illusions saisonnières. Il demande des comptes, il exige des bilans, il sonne la fin de la récréation.

Pourtant, malgré cette menace douce-amère, décembre conserve un charme irrésistible. C’est un mois où l’on rit trop, dépense trop, brille trop, mais où l’on vit aussi un peu plus fort. On s’autorise des excès qu’on regrettera bientôt, des promesses qu’on tiendra peut-être, et une joie qu’on n’explique pas vraiment. C’est le théâtre de nos contradictions, la scène de nos folies raisonnables, et le royaume du “on verra plus tard”.

Alors profitons. Dansons, bavardons, exagérons. Accrochons nos espoirs aux guirlandes, nos envies aux vitrines, et notre tranquillité aux quelques jours qui restent avant que janvier ne réclame son dû. Car au fond, si décembre est extravagant, bruyant et parfois tyrannique, il est aussi le seul mois capable de nous faire croire que le monde scintille un peu plus quand on regarde ailleurs.

Jean-René Meva’a Amougou

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