Home PANORAMA ZIMBABWE : les signes discrets d’une renaissance

ZIMBABWE : les signes discrets d’une renaissance

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Ambassador Ali El-Hefni Chairman of the Panel of Eminent Persons African Peer Review Mechanism

Après une mission d’évaluation, Ali El-Hefni, un responsable du Panel des Personnalités Éminentes du Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (MAEP) révèle un pays en pleine mutation, loin des perceptions figées.

Ambassador Ali El-Hefni
Chairman of the Panel of Eminent Persons
African Peer Review Mechanism

Dix ans après la chute de Robert Mugabe, le Zimbabwe peine encore à se défaire de son image de pays en crise permanente, rongé par l’hyperinflation, les pénuries et l’isolement diplomatique. C’est pourtant un tout autre paysage que décrit l’Ambassadeur Ali El-Hefni, président du Panel des Personnalités Éminentes du Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (MAEP), au terme d’une mission menée en octobre 2023. Le diplomate, mandaté pour évaluer l’état de la gouvernance et les réformes engagées depuis l’adhésion du Zimbabwe au MAEP en 2020, affirme avoir observé « un pays en transformation silencieuse ». Selon lui, le Zimbabwe s’efforce de remodeler ses fondations politiques et économiques depuis l’arrivée d’Emmerson Mnangagwa au pouvoir et le lancement de la « Deuxième République » en 2017.

Un pays toujours sous sanctions

La trajectoire du Zimbabwe reste indissociable des sanctions occidentales imposées depuis l’ère Mugabe, en réaction à la redistribution des terres arables au début des années 2000. Une réforme violemment contestée à l’international mais considérée par Harare comme un rééquilibrage historique. Malgré la persistance des sanctions, qui limitent l’accès du pays aux financements internationaux, le gouvernement Mnangagwa a choisi de miser sur ses propres ressources et de diversifier ses partenariats économiques, notamment vers l’Asie et le Moyen-Orient. C’est dans ce contexte qu’El-Hefni dit avoir observé « une volonté manifeste de rupture ».

Des chantiers industriels qui interrogent les observateurs

Au-delà de la capitale, où se concentrent habituellement les réformes les plus visibles, la mission du MAEP s’est rendue dans plusieurs provinces. Le diplomate y décrit une capacité industrielle en plein renouveau : un complexe sidérurgique à grande échelle, des investissements dans l’exploitation du charbon pour soutenir la production électrique, et l’émergence d’unités de transformation destinées à l’exportation. Ces projets s’inscrivent dans la stratégie de la Deuxième République : transformer localement les ressources minières, notamment le platine, le lithium et l’or, afin de conserver une partie de la valeur ajoutée sur le territoire. Une ambition qui, si elle se concrétise, permettrait de réduire la dépendance du pays vis-à-vis des importations manufacturières.

L’innovation comme clé de la nouvelle stratégie

Mais c’est dans le secteur de l’enseignement supérieur que le Zimbabwe semble avoir entrepris sa transformation la plus ambitieuse. Sous l’impulsion de Mnangagwa, des centres d’innovation ont été créés dans les principales universités du pays. Ils offrent aux étudiants et jeunes diplômés des espaces pour développer des prototypes, des solutions technologiques locales et des start-ups. Pour Ali El-Hefni, cette orientation constitue un « virage stratégique » : « Le niveau d’implication des jeunes est impressionnant. Le Zimbabwe veut se positionner comme un acteur scientifique majeur en Afrique australe ». Cette politique répond également à une réalité sociale : la fuite des cerveaux, longtemps chronique, pèse lourdement sur la capacité du pays à se stabiliser.

Nouveaux symboles, nouvelle gouvernance

Les transformations ne sont pas seulement économiques. La construction d’une ville satellite de Harare, incluant un parlement flambant neuf — l’un des plus modernes du continent — symbolise la volonté du gouvernement de tourner la page Mugabe et d’afficher une nouvelle image institutionnelle. Parallèlement, la Deuxième République mène une réforme de décentralisation destinée à renforcer les pouvoirs des dix provinces, notamment dans la gestion agricole et l’aménagement des infrastructures locales. Une politique qui vise à améliorer l’autosuffisance alimentaire, un enjeu crucial pour un pays doté de terres fertiles mais régulièrement exposé aux sécheresses.

Un optimisme mesuré

Reste que ces évolutions se déroulent dans un contexte politique encore sous tension. L’opposition continue de dénoncer un climat peu favorable au pluralisme et à la transparence électorale. Sur le terrain économique, l’inflation et la faiblesse de la monnaie nationale rappellent que les défis restent considérables. Pour autant, la mission du MAEP oblige à reconsidérer certains angles morts. Si le Zimbabwe n’a pas encore gagné son pari, il tente manifestement de réécrire son récit, loin des caricatures et du fatalisme qui ont longtemps dominé. Comme le résume Ali El-Hefni : « L’expérience zimbabwéenne mérite d’être observée avec nuance, et sans doute avec davantage de respect ».

Tom.

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