Sur cet axe qui relie Yaoundé à la région de l’Ouest, le renchérissement des prix du transport et ses effets roulent à grande vitesse.

Il fait beau à Mimboman (Yaoundé 4), ce lundi 17 novembre 2025, mais le soleil ne fait pas sourire Tchana Henri. Cet opérateur économique venu de Centrafrique, habitué à la débrouillardise, se retrouve pris dans les mailles d’un week-end impitoyable sur la Nationale nº3. Pour rallier Yaoundé et honorer les obsèques de son père à Baham, il a dû payer 15 000 FCFA pour lui et sa suite, alors qu’il avait réglé 5 000 FCFA à l’aller. « C’est une arnaque organisée », souffle-t-il, les yeux mi-clos comme pour mieux avaler l’amertume. « Les transporteurs à l’ouest augmentent le prix sans prévenir. Quelle image donne-t-on aux étrangers ? »
Le pauvre Henri, débrouillard dans l’âme, voit ses plans tomber en poussière. « Je devais acheter des choses pour Bangui, mais le week-end a tout dévoré », soupire-t-il, la larme au bord de l’œil, tandis qu’il tente de garder contenance face à son ami qui l’accompagne au marché central. Ici, le week-end est roi et le tarif grimpe plus vite que le mercure d’un mois de mars. « À partir de jeudi, tout change. Surtout le dimanche, la route devient un festival de prix », explique Dongmo Fabrice, habitué de cette ligne. Les « prix du week-end » sont désormais inscrits dans les habitudes, et du lundi au mercredi, ils hibernent dans l’ombre.
Certains parlent même de piège de deuil : les chauffeurs savent que les voyageurs qui se rendent aux obsèques n’ont pas le choix, ils doivent revenir à Yaoundé ou Douala pour reprendre leurs activités. Et hop, le portefeuille se vide comme par magie. La ligne devient un théâtre où se jouent les règles impitoyables du commerce opportuniste : certains ne conduisent que le week-end, cumulant ce travail avec d’autres activités, parfois officielles. « Mon frère, professeur à Bafoussam, conduit la ligne Bafoussam–Dschang du jeudi au dimanche. Résultat : il gagne plus et construit son duplex au village », confie un habitant de Bansoa.
Dans ce ballet des surcoûts et des calculs tactiques, le voyageur est roi de la débrouille, jonglant entre ses obligations, son budget et son indignation. Les routes de l’ouest ne sont pas seulement des voies de communication : elles sont des arènes où la patience se mesure en FCFA, où l’humour survit aux factures et où l’on apprend, parfois à ses dépens, que le week-end peut coûter… le prix d’un petit royaume.
André Gromyko Balla




