Dans la capitale, la participation électorale a presque tourné à la désillusion. Dans plusieurs bureaux de vote, les agents d’Elecam ont attendu en vain des électeurs qui ne sont jamais venus. Les centres de vote clairsemés disaient tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas.

Des centres de vote vides, des cartes non retirées
Dès 8 heures, le constat s’imposait : la ferveur électorale n’était pas au rendez-vous. Au centre de vote du Lycée Général Leclerc, les assesseurs scrutaient une cour presque vide. « On dirait un jour férié sans enjeu », ironise Joseph, observateur accrédité. À l’École des Postes, même décor : des agents d’Elecam installés depuis l’aube, des urnes soigneusement scellées… mais très peu de votants. « Sur plus de 327 inscrits ici, nous n’avons pas vu la moitié », confie Mireille, présidente d’un bureau de vote. Les piles de cartes d’électeurs non retirées, posées sur les tables, rappelaient cruellement l’ampleur du désengagement. En fin de journée, les responsables d’Elecam les ont remises dans leurs sacs, repartant avec, comme symbole d’un scrutin qui n’a pas trouvé son peuple.
Un électorat presqu’absent
Dans les quartiers de Mvog-Ada, Essos ou Biyem-Assi, rares étaient les électeurs qui se rendaient aux urnes. La plupart des jeunes croisés dans les rues vaquaient à leurs occupations. « Voter pour qui ? », lâche Fabrice, étudiant, casque sur les oreilles. « On sait déjà comment ça va finir ». Une résignation froide, parfois teintée d’ironie, traduisait le fossé grandissant entre le discours politique et la réalité sociale. Pour Chantal, vendeuse au marché d’Etoudi, « les élections, c’est pour les politiciens, pas pour nous. Tant que la vie ne change pas, voter ne sert à rien ».
Une victoire sans élan populaire
Les premiers échos du dépouillement laissent présager une surprise : un candidat largement en tête, porté par un vote réduit. Mais derrière la légalité des chiffres, une question brûle : peut-on être élu sans l’adhésion de la majorité ? « Ce sera sans doute une victoire légale, mais elle restera politiquement illégitime », analyse un politologue de l’Université de Yaoundé II, sous anonymat. « La vraie leçon de ce scrutin, c’est le désaveu silencieux d’un système électoral qui ne parle plus à ses citoyens. »
Un dimanche de désintérêt
Dans les rues de Yaoundé, tout laissait pourtant penser qu’un scrutin présidentiel se déroulait. Les taxis ne circulaient pas normalement,les bars et marchés étaient fermés. « Le pays semble fatigué de voter », constate un journaliste local. « On est passé d’un peuple électeur à un peuple spectateur ».
Le verdict d’une démocratie qui renait
Ce 12 octobre, l’abstention a pris le visage du vrai vainqueur. Elle n’a pas eu besoin de campagne ni de discours pour s’imposer. Alors que les chiffres officiels sont attendus, une réalité s’impose : le pouvoir issu de ce scrutin devra gouverner un pays qui n’a, pour la plupart, pas voté pour lui. Et cette dissonance entre la légalité électorale et la légitimité populaire risque d’ouvrir un nouveau cycle de méfiance politique. « Ce vote, c’est comme une pièce de théâtre jouée devant des sièges vides », soupire un observateur au centre de Nkolmesseng. « Le rideau tombera, mais le public, lui, n’était pas là ».
Tom