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Le billet de la campagne: « Cameroun, le seul pays où… »

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Paul Atanga Nji :" le Cameroun est le seul pays où le terrain glisse en saison sèche"

« Le Cameroun est le seul pays où la terre glisse en saison sèche ». Une phrase peut devenir un rituel quotidien. « Le Cameroun est le seul pays où… » Chaque matin, dans les kiosques à journaux ou au détour des cafés, elle surgit, suspendue entre le café chaud et le regard des passants. « Le Cameroun est le seul pays où… » : des mots qui, à eux seuls, résument le pays, ses paradoxes et ses débats, et qui résonnent autant dans les discours du palais que dans les meetings de quartier.

Paul Atanga Nji : » le Cameroun est le seul pays où le terrain glisse en saison sèche »

Au pouvoir, elle est un outil de prestige. On la prononce avec solennité, comme un mantra, pour vanter les prouesses du gouvernement ou les exploits du président. « Le Cameroun est le seul pays où les routes relient les villages les plus reculés », clame-t-on dans un ton officiel. Ou encore : « Le Cameroun est le seul pays où nous avons su préserver la paix malgré les crises ». Et dans les couloirs du pouvoir, chacun répète cette phrase avec la conviction d’un écho ininterrompu, comme si l’unicité du pays se mesurait à la fréquence de son invocation.

Dans l’opposition, la formule se transforme, se retourne comme un gant. Même trois mots suffisent à pointer du doigt les manquements et contradictions : « Le Cameroun est le seul pays où des routes annoncées depuis dix ans restent des rêves de béton », ou encore, dans un murmure amer : « Le Cameroun est le seul pays où les élections se tiennent sans transparence et où la voix de l’opposition s’éteint dans le vacarme du pouvoir ». La phrase devient un symbole, une façon de rappeler aux citoyens que l’exceptionnel peut être aussi synonyme de frustration et d’attente.
Dans les rues, elle s’impose comme un refrain familier. Les passants, souvent mi-amusés, mi-exaspérés, se chuchotent la formule, la ponctuent de commentaires ironiques. À Ebolowa, dans les marchés, on entend : « Le Cameroun est le seul pays où même les affiches électorales semblent surveiller les opposants », et les rires fusent. Dans les salons de coiffure et les cafés, la phrase vire au mot de passe : elle introduit les conversations sur la vie quotidienne, les promesses non tenues, les espoirs et les regrets.

Cette phrase traverse le Cameroun comme une onde invisible. Elle se glisse dans les bulletins d’information, s’accroche aux pancartes des militants, et s’immisce dans les conversations des jeunes et des anciens. Chaque jour, elle rappelle que le pays est unique, mais que cette singularité peut se lire en plusieurs sens : celui de la fierté comme celui de l’ironie. Elle est le miroir de notre société, où chaque mot compte, où chaque nuance est scrutée, et où la parole publique devient un instrument de séduction ou de critique.

Et pourtant, malgré sa répétition, la phrase conserve sa puissance. Comme si l’entendre chaque jour, dans des contextes différents, rappelait aux Camerounais que l’exception n’est jamais univoque. Le Cameroun est le seul pays où trois mots peuvent signifier tout et son contraire, où la même phrase se retrouve sur les lèvres du ministre et du militant, sur les pancartes du pouvoir et celles de l’opposition, et dans le murmure des citoyens attentifs à chaque mot prononcé.

À force de l’entendre, on finit par l’intégrer à notre quotidien. Elle devient un guide ironique ou sérieux selon les moments, un leitmotiv qui traverse les cafés, les radios, les places publiques et même les réunions de famille. Chaque jour, elle s’impose, comme un écho du pays lui-même, unique et pluriel, paradoxal et fascinant. Et l’on se surprend à sourire, à réfléchir, parfois à se fâcher, devant cette phrase qui, malgré sa simplicité, capture l’essence d’un pays où tout peut sembler possible et impossible à la fois.

Oui, le Cameroun est le seul pays où une phrase peut vivre sa vie propre, dépasser les intentions de ceux qui la prononcent et s’installer dans l’imaginaire collectif. Et chaque jour, elle revient, inlassable, imposante, familière, nous rappelant que dans ce pays, même trois mots peuvent tout dire.

Jean-René Meva’a Amougou

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