À Bangui, la 16ᵉ Conférence des Chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) s’ouvre ce 10 septembre 2025 dans un climat d’attente et de symboles forts.

Au cœur des débats : l’effectivité de la libre circulation dans l’espace communautaire, le retour du siège de la Commission à Bangui et la consolidation du projet d’intégration régionale.
Baltazar Engonga Edjo’o, Président de la Commission de la CEMAC, souligne l’importance de ce rendez-vous pour l’avenir de la sous-région. « La Conférence permettra d’examiner les avancées en matière d’intégration économique et de dresser le bilan des grandes réformes engagées », explique-t-il, citant notamment le PREF-CEMAC et le PRAFI. L’occasion également de passer le témoin de la présidence tournante, de Faustin Archange Touadéra à Denis Sassou N’Guesso, un geste qu’il qualifie de « moment hautement symbolique, garant de continuité et de solidarité ».
Un sommet attendu, une organisation rodée
Les préparatifs se sont déroulés dans « les meilleures conditions », selon le Président de la Commission. Les délégations affluent déjà vers Bangui, illustrant « le climat de confiance et de mobilisation » autour de ce sommet. L’événement est d’autant plus significatif qu’il marque le retour du siège de la Commission de la CEMAC dans la capitale centrafricaine, après plusieurs années de délocalisation. C’est, à en croire Baltazar Engonga Edjo’o, l’un des temps forts de ce sommet. Pendant des années, l’instabilité politique et sécuritaire de la Centrafrique avait conduit au repli des institutions vers des capitales jugées plus sûres. Ramener la Commission au cœur de Bangui, c’est envoyer un message : la CEMAC assume la solidarité avec un pays longtemps meurtri par la guerre. Ce geste illustre à la fois une reconnaissance de l’amélioration de la situation sécuritaire et la volonté des dirigeants de replacer la République centrafricaine au centre du jeu communautaire. « C’est un symbole fort pour notre institution comme pour la République centrafricaine », estime Baltazar Engonga Edjo’o. Pour lui, ce retour « illustre la volonté de consolider l’unité et la proximité avec les populations », tout en constituant « un signe de solidarité de la sous-région envers un pays frère qui a payé un lourd tribut aux crises ».
Pour le président de la Commission, le retour à Bangui sert aussi de vitrine politique : montrer à l’opinion publique que la CEMAC ne se limite pas à des discours technocratiques, mais qu’elle peut incarner une fraternité concrète. Pour Faustin Archange Touadéra, dont le mandat de président en exercice de la Conférence s’achève, l’événement a valeur de couronnement. Pour son successeur, Denis Sassou Nguesso, il s’agit d’un signal de continuité : l’intégration régionale ne peut être qu’un processus collectif et durable, au-delà des alternances institutionnelles.
Libre circulation : un acquis encore fragile
Au cœur des débats, figure une question sensible : la libre circulation des personnes dans l’espace communautaire. Sur le papier, elle est désormais une réalité : les ressortissants des six pays de la CEMAC peuvent voyager sans visa dans l’espace communautaire. Une avancée « majeure et irréversible », insiste le Président de la Commission.
De l’avis de Baltazar Engonga Edjo’o, deux obstacles persistent. Le premier est d’ordre structurel : l’insuffisance des infrastructures de transport et de communication, qui freine les échanges et maintient des coûts élevés. Le second relève de la gouvernance : la persistance des tracasseries administratives et de barrières injustifiées aux frontières. Pour y remédier, la Commission mise sur la construction de corridors modernes et la mise en place de postes de contrôle transfrontaliers uniques. Objectif : fluidifier les échanges et simplifier les procédures.
Des inquiétudes sécuritaires
Certains craignent que cette liberté accrue de circulation ne favorise les trafics et l’insécurité transfrontalière. Une inquiétude jugée « légitime » par le Président de la Commission, qui assure que la question est prise « très au sérieux ». Des mécanismes de coopération renforcée en matière sécuritaire et migratoire sont en cours de mise en place, afin de concilier ouverture des frontières et protection des citoyens.
Retombées économiques et sociales
Malgré les lenteurs, les bénéfices commencent à se faire sentir. Plus grande mobilité des populations, échanges commerciaux facilités, opportunités accrues pour les opérateurs économiques : les acquis existent, même s’ils ne sont pas toujours perçus par le grand public. Au-delà de l’économie, cette mobilité favorise également une meilleure intégration culturelle et sociale, cimentant « le sentiment d’appartenance à une même communauté ».
Une vision pour l’avenir
Pour Baltazar Engonga Edjo’o, la 16ᵉ Conférence doit ouvrir une nouvelle étape : « Après ce Sommet et le retour du siège de la Commission à Bangui, nous voulons poursuivre l’intégration avec rigueur : mise en œuvre plus stricte des réformes, levée des obstacles à la libre circulation, dynamisation du marché commun et renforcement de la solidarité entre États ».
Son ambition est claire : bâtir une CEMAC « forte, résiliente et prospère », au service direct des citoyens. Car l’intégration ne peut se réduire à des décisions politiques ou à des textes réglementaires : elle doit se traduire, dans la vie quotidienne des populations, par une liberté réelle de circuler, de commercer et de construire ensemble un avenir partagé.
En ce sens, le sommet de Bangui n’est pas qu’une rencontre institutionnelle. Il incarne une promesse : celle de transformer la CEMAC en une communauté d’États mais surtout de peuples, soudés par des intérêts communs et un destin régional.
Jean-René Meva’a Amougou