Je sais qu’à la lecture du titre de cet article de presse, beaucoup seront heurtés par cette affirmation que je martèle avec force.

Pourtant, elle est le fruit de plus de trente années d’observation du comportement quasi-identique des parents dont les enfants échouent systématiquement à l’école. L’énoncer ainsi est aussi juste que de dire que d’autres parents sont également responsables du succès scolaire de leurs enfants. Là encore, on constate que les parents dont les enfants réussissent adoptent tous les mêmes comportements positifs et les bons réflexes lorsqu’il s’agit d’orienter leurs enfants. Ils acceptent sans réserve les conseils des chefs d’établissement et des conseillers d’orientation.
Aujourd’hui, avec la fondation GuYVone, nous organisons une série de séminaires en prélude à l’année scolaire 2025. Cette formation est destinée à certains parents d’élèves des écoles privées de Yaoundé et porte sur le thème : « Les bonnes décisions à prendre pour une orientation scolaire réussie des enfants dès la maternelle ». Jean Piaget nous a éclairés dans notre démarche grâce à ses théories sur « le développement cognitif de l’enfant », structurées autour de quatre stades principaux. 1/ Le stade sensorimoteur (0 – 2 ans), 2/ Le stade préopératoire (2 – 7 ans), 3/ Le stade des opérations concrètes (7 – 11 ans), Le stade des opérations formelles (11 ans et plus…)
Quant à Jean-Jacques Rousseau, il est formel : « La nature veut que l’enfant soit enfant avant d’être homme. Si nous voulons pervertir cet ordre, nous produirons des fruits précoces qui n’auront ni maturité, ni saveur, et ne tarderont pas à se corrompre. »
Cette citation nous interpelle sur la nécessité de respecter scrupuleusement le développement naturel de l’enfant, sans précipiter ni sa croissance ni son éducation. L’enfant doit grandir et se développer à son rythme, sans être soumis aux multiples pressions de parents qui projettent sur lui des attentes excessives en matière d’éducation.
Nous allons à présent recentrer notre réflexion sur les enfants et leurs parents en matière d’apprentissage. Qui sont les enfants ? L’enfant, c’est le jeu. Ont-ils tous les mêmes aptitudes, au même âge et dans le même environnement ? Non. Étant au cœur des apprentissages, remplissent-ils tous les conditions requises ? Non. Voilà pourquoi ils n’obtiennent pas les mêmes résultats. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Où et quand ont-ils véritablement trébuché ? Des réponses seront apportées pour davantage éclairer la lanterne des lecteurs.
À la lecture de cet article, chaque parent incriminé comprendra la part de responsabilité que ses manquements ont dans l’échec scolaire de son enfant. Dieu, qui a créé tous ces enfants, serait-il injuste au point de doter certains de compétences et de performances, et pas d’autres ? Non, Dieu est bon, juste et équitable. Cela nous pousse à nous interroger davantage : Pourquoi certains enfants échouent-ils alors qu’ils fréquentent de bonnes écoles, disposent de toutes les fournitures nécessaires et de moyens de transport adéquats ? Leurs enseignants sont assidus et engagés. Les encadreurs de maisons interviennent jusque tard le soir pour consolider les acquis. Internet est mobilisé pour les recherches dans tous les domaines. Tout cet investissement vise un seul objectif : la réussite scolaire, car personne n’inscrit son enfant à l’école en vue de son redoublement. Et que dire alors de l’intelligence artificielle, cette nouvelle trouvaille universelle, censée apporter des réponses à toutes les interrogations scolaires ? Malgré tout cela, l’échec persiste.
Mais derrière ce désir effréné de réussite que poursuivent les parents, se cachent des comportements nuisibles qui compromettent grandement leurs rêves légitimes. Ce sont tous ces « petits manquements », accumulés de manière régulière au fil des années, qui forment le socle solide de l’échec scolaire, annonçant d’autres échecs futurs. Mes propos s’appuient sur des observations empiriques issues de plus de trente promotions d’élèves dans une centaine d’écoles maternelles et primaires privées que j’ai vues défiler au fil de ces trois dernières décennies. Certains de ces enfants sont aujourd’hui insérés dans la vie professionnelle, conjugale ou familiale.
J’imagine déjà certains lecteurs s’interrogeant sur la taille de mon échantillon ou remettant en question la rigueur de l’analyse. Mais ces critiques légitimes n’altèrent en rien la pertinence du raisonnement que je développe ici et que chacun peut aisément vérifier dans son environnement immédiat. L’échec scolaire a bel et bien des répercussions qui dépassent largement le cadre académique.

Quels sont donc ces « petits manquements » qui desservent nos enfants en situation d’apprentissage ?
Ce sont des choix faits par les parents en toute conscience, mais qui ont un impact direct ou indirect sur le cerveau de l’enfant. Ce dernier, siège de l’apprentissage, fonctionne selon une structure précise. Stimulé anormalement, mal entretenu, il perd certaines de ses facultés. Chacune des aptitudes scolaires ou sociales est contrôlée par une région spécifique du cerveau. Lorsqu’une de ces zones est affectée, l’enfant peut devenir inapte à maintenir la posture corporelle, écrire, voir correctement, gérer l’information, conserver l’équilibre, parler, entendre, goûter, sentir, associer visuellement, mémoriser, s’exprimer, créer, coordonner, résoudre des problèmes, lire rapidement, etc.
Ces capacités sont toutes régies par les lobes cérébraux. C’est à ce niveau que la responsabilité des parents devient centrale dans l’échec scolaire de leurs enfants. La description qui suit n’est pas exhaustive, mais elle brosse le cadre dans lequel s’installe l’échec.
De la conception à la naissance.
Le père et la mère de l’enfant doivent effectuer des examens de compatibilité avant la conception afin de s’assurer que l’enfant à naître ne souffrira pas d’un handicap affectant son apprentissage. Durant la grossesse, l’absence de suivi prénatal expose déjà le futur élève à des difficultés. Le stress, l’angoisse ou l’anxiété vécus par la mère pendant sa grossesse influencent le développement du fœtus. À la naissance, ignorer les recommandations médicales pour une croissance harmonieuse expose l’enfant à de futures difficultés d’apprentissage.
Son entrée à la maternelle
Dès l’âge de trois ans révolus, l’enfant doit être inscrit à la maternelle. Il est crucial de respecter les âges scolaires afin que l’enfant atteigne la SIL entre (5), 6 et 7 ans. Lorsqu’un parent choisit d’ignorer cette exigence, l’enfant est soumis à divers types de stress nuisibles à ses apprentissages.
Il y a, entre autres, le stress lié à la comparaison. L’enfant ressent une pression pour satisfaire les attentes de ses parents et enseignants. Il ne comprend pas pourquoi il échoue là où ses camarades brillent. On ne l’applaudit jamais, on se moque de lui, et la maîtresse le regarde avec incompréhension. Il vit une frustration quotidienne en voyant les sourires et les encouragements offerts à ses camarades plus âgés, mieux préparés, et plus aptes. Ne comprenant pas pourquoi il peine à suivre comme ses camarades, l’enfant se replie sur lui-même. Il finit par détester l’école. Certains tombent malades fréquemment durant l’année scolaire. L’environnement scolaire ne leur est pas favorable, car ils n’ont simplement pas le même âge que les autres. Ces enfants avancent tant bien que mal jusqu’à atteindre un niveau où ils sont bloqués. Là commence une lente déperdition scolaire, conséquence directe d’une décision parentale inadaptée.
Des programmes scolaires, du rythme de vie et des emplois du temps, des évaluations : tout est conçu ici en fonction de l’âge de l’enfant. Certains enfants vivent chaque année scolaire dans le stress, convaincus à tort qu’ils sont faibles. En réalité, ils sont victimes d’une mauvaise orientation. Ils vivent des années « en classe », mais pas des années « de classe ». Plus tard, on aura des diplômés « par césarienne » obtenu par le biais de répétitions intensives, jusqu’à l’université parfois.
Son entrée au primaire
À l’école primaire, les moyennes acceptables doivent rester au-dessus de 16/20 jusqu’au CM2. Pourtant, certains directeurs d’établissement imposent, à juste titre, le redoublement à certains élèves car ils ont constaté que les lacunes déjà accumulées par les enfants ne leur permettent pas de tenir face aux apprentissages de la classe supérieure, une décision que de nombreux parents rejettent très souvent en invoquant la « promotion collective ». Ils choisissent alors de transférer leurs enfants dans d’autres écoles, pensant contourner les recommandations de l’administration. Ce petit manquement contribue à préparer soigneusement le lit de l’échec scolaire.
D’autres parents vont jusqu’à faire sauter plusieurs classes à leurs enfants, dans l’espoir de « gagner du temps » sur le plan pédagogique. Ils confondent vitesse et précipitation, et exposent leurs enfants à des conséquences souvent irréversibles. Ces enfants vivent avec la peur constante de ne pas réussir, développent un profond sentiment d’incompétence, et perdent toute confiance en eux. Progressivement, ils se posent des questions existentielles sur leur identité et leur place dans la société. Pourquoi ? Parce que ce sont leurs propres parents qui ont pris des décisions irrationnelles qu’eux, les enfants, doivent désormais assumer, à tout prix. Et cela, malgré les sacrifices que ces mêmes parents ne cessent de rappeler au quotidien à ces enfants « piégés ». Ce sont ces parents qui, croyant bien faire, ont en réalité hypothéqué l’avenir scolaire de leurs enfants.
Il en est de même pour ces familles dans lesquelles l’on retrouve une dizaine de téléphones androïdes, plusieurs téléviseurs, tablettes et ordinateurs connectés en permanence à Internet via la fibre optique. Tout cela sans conscience des effets néfastes des ondes électromagnétiques sur le cerveau des enfants, dont la performance scolaire s’en trouve durablement affectée. Ce sont encore les parents qui introduisent tous ces appareils dans le foyer, détruisant ainsi progressivement l’équilibre et la santé familiale.
L’un des signes révélateurs d’un mauvais choix parental en matière d’orientation est l’usage du fouet pendant les séances de répétition à la maison. Les programmes scolaires sont conçus pour une assimilation sereine. Si vous devez fouetter ou gronder un enfant pour qu’il comprenne, cela signifie qu’il n’est tout simplement pas dans la classe qui correspond à son âge. Il n’est pas responsable de ses lacunes. Il est puni parce qu’il est incapable de faire ce qui est au-dessus de ses capacités. Imaginez qu’on vous demande de porter sur la tête d’adulte un fût de 200 litres d’eau, et qu’on vous fouette parce que vous n’y parvenez pas. Voilà le schéma ! Il en est de même pour ces enfants soumis à des violences et maltraitances éducatives en raison de leur mauvais positionnement scolaire. On entend souvent cette phrase :
« Oui, Monsieur le Directeur, nous allons renforcer à la maison avec les répétitions. »
Non, cela revient à stresser encore davantage l’enfant avec une pression supplémentaire inutile. Certains enfants se cachent dès qu’ils entendent l’annonce du répétiteur, d’autres pleurent à l’arrivée de ce dernier car le temps passé avec lui devient un véritable supplice.
Dans l’enseignement secondaire
Tous ces petits manquements cumulés depuis la conception de l’enfant influencent directement son orientation en classe de seconde. Certains élèves ont besoin de répétiteurs dans presque toutes les matières y compris en éducation physique et sportive, car leurs lacunes sont généralisées et multiformes. Et pourtant, d’autres élèves réussissent brillamment sans aucun soutien extérieur. Ce paradoxe est frappant. Ce qui est encore plus surprenant, c’est que certains enseignants, eux-mêmes professionnels de l’éducation, sont parmi ceux qui appliquent ces « petits manquements », avec cette justification :
« Je suis du domaine, je sais ce que je fais. »
Mais une chose est certaine : lorsqu’un élève brillant saute une classe, il perd de sa superbe. Il ne sera plus jamais aussi performant. C’est comme s’il était abattu en plein vol. Il devient moyen, frustré, et risque même de sombrer dans une dépression silencieuse. Être brave dans une classe ne signifie pas qu’il faut absolument passer à la suivante en cours d’année.
Les parents doivent résister aux sirènes venant parfois même des enseignants de leurs les incitants à faire sauter une classe à leur enfant, ou à le transférer au cours de l’année sous prétexte qu’il « perd son temps dans sa classe actuelle ». C’est une grave erreur.
Connaissez-vous des personnes ayant fait le probatoire trois, quatre fois, voire plus ? J’en connais qui l’ont tenté neuf fois. Et le baccalauréat ? Certains l’ont présenté plus de huit fois et ne l’ont jamais obtenu. Ces cas sont souvent les conséquences directes de sauts de classes précoces ou de ces « petits manquements » répétés.
Je devine déjà certains lecteurs rétorquer qu’ils ont sauté plusieurs classes et qu’ils n’ont jamais redoublé jusqu’à occuper aujourd’hui une bonne position sociale. Je ne parle pas ici de cette infime minorité
« sauvée par la grâce ». Je parle surtout de cette grande majorité, stressée, submergée, et victime d’une perte cruelle d’estime de soi. Ces élèves qui, dès qu’ils sont interrogés, ne suscitent que des rires dans la classe parce que personne n’attend plus rien de bon venant d’eux.
Après le baccalauréat
C’est souvent à ce moment-là que les difficultés s’intensifient. Dès l’obtention du baccalauréat, les parents ne savent plus quelle orientation donner à leurs enfants. Les décisions hâtives prises depuis la maternelle ont brouillé les talents naturels des enfants. Tout se fait désormais par tâtonnements, dans l’espoir qu’ils finissent par trouver leur voie après plusieurs échecs dans différentes filières.
Le plus cruel dans ce processus est la tendance de certains parents à imposer à leurs enfants une filière ou une formation sans tenir compte des aspirations profondes de ces derniers. C’est la dernière erreur fatale, celle qui désorganisera toute la vie future de l’enfant.
Certains responsables d’établissement prennent le soin d’expliquer aux parents ce qui est réellement adapté à leur enfant, mais bien souvent, c’est en vain. Notre société a instauré des règles que personne ne respecte. Beaucoup perçoivent les recommandations comme des affronts. Il suffit d’observer le comportement de certains conducteurs aux feux rouges, qu’ils brûlent sans scrupule, narguant ceux qui respectent les règles. Je m’abstiendrai ici de parler de nos frères à deux roues…
Quand tout est déjà en place pour l’échec.
Malgré toutes ces mauvaises décisions accumulées depuis la conception de l’enfant, on continue de lui demander de réussir à ses examens. Pourtant, tout a été mis en œuvre pour que l’échec soit sa seule perspective.
Un signe révélateur que l’élève n’est pas dans sa classe est l’usage du fouet à la moindre difficulté de compréhension. Certains vont jusqu’à glorifier cet instrument traumatisant, prétextant qu’il est à l’origine de leur propre réussite, oubliant qu’ils sont entrés en SIL à l’âge de 12 ans, dans les années 60 et 70.
Il est temps de le dire : l’enfant n’est pas responsable de sa mauvaise compréhension à l’école. Il ne sait même pas ce qui lui arrive, car les conditions d’apprentissage de base n’ont pas été respectées. Et même s’il devient le plus âgé de sa classe, cela ne garantit ni sa maturité, ni son aptitude. La maturité n’est pas une question d’âge, et l’ancienneté dans le système scolaire ne confère pas nécessairement la maturité intellectuelle. Votre fille de 12 ans, dont le corps laisse croire à celui d’une femme, ne doit pas, pour autant, être poussée vers le mariage. Cette image illustre bien ceux qui pensent que l’enfant doit avancer vite, « parce qu’il grandit vite ». Grave erreur.
L’enfant n’est pas un objet que l’on déplace à sa guise pour « gagner du temps ». Un penseur l’a dit avec justesse : « Le temps ne pardonne pas ce qui se fait sans lui. »
En guise d’interpellation
À tous ceux qui vont commencer à « tricher » avec l’âge scolaire de leurs enfants dès la rentrée de septembre 2025, il est encore temps de faire marche arrière. Laissez votre enfant avancer avec ses camarades de la même tranche d’âge.
Et rappelons-le une dernière fois : lorsqu’un élève est performant dans une classe, cela signifie simplement qu’il est bien adapté à cette classe. Cela ne signifie nullement qu’il doit en changer précipitamment ou sauter un niveau. Les enfants précocement orientés auront toujours des lacunes. Leurs résumés seront souvent incomplets, et ils termineront difficilement leurs épreuves dans les délais. Avoir l’âge requis pour une classe ne signifie pas qu’il n’y aura jamais de difficulté. Cela veut simplement dire que l’apprenant sera prédisposé à ce type d’apprentissage. En cas de difficulté, il aura les ressources nécessaires pour bénéficier d’une remédiation efficace et durable.
Par Guy François DOMTCHOUANG
Enseignant-Chercheur indépendant, Conseiller pédagogique.