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Diy Gid Biy: ici se retarde la fin du monde !

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Ici Diy Gid Biy

Désormais inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, le site reste fidèle à une filiation entre les Kirdis et l’univers invisible.

Ici Diy Gid Biy

«Gid Biy», expression en langue mafa, renvoie à un ensemble de valeurs spirituelles, sociales et politiques profondément enracinées dans le rapport à la terre, aux ancêtres et aux règles communautaires. Il incarne un système de croyances et de savoirs structurant l’organisation traditionnelle des sociétés montagnardes des Monts Mandara, au Cameroun comme au Tchad voisin. « Le paysage se lit comme un livre sacré composé de rochers, cavernes, sources qui deviennent les témoins silencieux d’une cosmologie communautaire fondée sur l’harmonie entre l’homme, la nature et l’invisible », explique Mamoudou Abba, historien à l’université de Maroua.

Le site se distingue par la complexité de ses dimensions culturelles. Moussa Mozogo, étudiant à l’université de Maroua, originaire du Mayo-Tsanaga fait observer que « chez nous les montagnards, chaque clan possède un autel des ancêtres, et le paysage est chargé de signes, de forces et d’interdits. Les rites agraires, cultes ancestraux et sociétés secrètes transmettent des savoirs et rythment le calendrier sacré. Dans nos communautés, le pouvoir traditionnel est collégial, non centralisé, fondé sur la parole des anciens, la réciprocité et la recherche du consensus ».

Des décennies d’oubli


Le 11 juillet dernier à Paris, lors de la 47e session du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco, le Cameroun a franchi une étape historique : le paysage culturel « Diy Gid Biy » des Monts Mandara a été inscrit sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial. Il devient ainsi le troisième bien camerounais reconnu par l’organisation onusienne, après la réserve du Dja et le site trinational de la Sangha. Cette consécration consacre un territoire sacré niché dans les hauteurs du Nord-Cameroun, berceau ancestral des peuples Kirdi dont les Mafa, Podoko, Zulgo, Guiziga, Mada, entre autres, porteurs d’une richesse culturelle millénaire diversifiée. A première vue, le touriste constate une architecture en pierre sèche, des greniers, masques et objets rituels traduisant une culture du sens et de la sacrée inscrite dans le relief.


De même, cette inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO marque une reconnaissance symbolique du génie culturel des peuples Kirdi, longtemps marginalisés dans les récits nationaux. Elle donne une légitimité nouvelle aux chefs traditionnels, aux anciens et à l’ensemble des savoirs endogènes aujourd’hui menacés. Face aux défis de la modernité dont le déplacement des populations, l’évangélisation, l’islamisation, la déconnexion des jeunes, le changement climatique, l’accaparement des terres, la communauté a réagi. On assistera à une résistance culturelle, avec la renaissance de rituels, la reconstruction d’autels, la transmission codifiée des savoirs.

Pour les générations futures

Cette reconnaissance internationale facilitera la mobilisation de financements publics et privés, avec le soutien de l’UNESCO, de l’Union européenne, de fondations ou d’ONG. Elle encouragera des partenariats entre chercheurs, universités, collectivités locales et communautés, autour de projets intégrés liant patrimoine, environnement et développement local.


Au-delà de sa portée identitaire, « nous avons espoirs que cette inscription ouvrira de nouvelles perspectives économiques et sociales en favorisant le développement d’un tourisme culturel, la création de circuits, musées communautaires et gîtes d’accueil. Nos frères et sœurs partis en ville pour chercher du travail reviendront participer au développement local », argumente Ganava Thomas, cultivateur à Koza. Par cette consécration, les peuples des Monts Mandara rappellent au monde que la diversité culturelle n’est pas un vestige du passé, mais une promesse d’avenir.

Tom

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