Selon le gendarme de la finance sous régionale, tous les écarts de conduite sont désormais suivis de près.

Trimestre après trimestre, la bonne santé des banques de la Cemac se confirme. Année après année, la taille de leurs bilans explose. Au 31 mars 2025, les 53 banques actives dans la région affichent un total bilan de 25 974 milliards FCFA (+11 % sur un an), des dépôts en hausse à 18 330 milliards FCFA et un excédent de trésorerie de plus de 9 000 milliards FCFA. Le bénéfice net cumulé s’établit à 450 milliards FCFA à fin 2024, soit deux fois plus qu’en 2019. Dans la foulée, le système bancaire sous régional est miné par des dérives structurelles : une concentration excessive des financements, une surexposition au risque souverain, une dépendance accrue à un nombre réduit de clients et de secteurs, et des difficultés à respecter certaines normes prudentielles imposées par la Cobac.
Lors de la 14e réunion annuelle de concertation du président de la Cobac avec la profession bancaire et financière de la Cemac tenue à Bangui (RCA) le 23 juin dernier, Yvon Sana Bangui n’a pas manqué de mettre à nu les stratagèmes des banquiers. Selon le gouverneur de la Beac, la grande majorité d’établissements assujettis à mettre au premier plan leurs objectifs de rentabilité, quitte à s’affranchir des règles de prudence édictées par l’organe de supervision bancaire.
Sur le coup, des efforts réglementaires pour cloisonner le risque au sein du secteur bancaire sous régional ont été complétés par l’adoption de règles prudentielles drastiques, en matière de solvabilité et liquidité. Les grandes banques ont même été priées de réfléchir par avance à l’organisation de leur propre faillite. Ces mesures doivent permettre «de répondre aux leçons de la crise en matière de régulation, de supervision et de gestion des risques des banques. La palette de mesures qui concernent les capitaux et les liquidités vont renforcer les banques et créer un système bancaire et financier plus sain », précise une source proche de la Cobac.
L’encours des dettes émises sur le marché obligataire régional a explosé, passant de 1 011 milliards FCFA en 2018 à 7 669 milliards FCFA en mars 2025. Une dynamique alimentée par les besoins budgétaires des États, notamment en réaction à la crise du Covid-19, et par la titrisation des arriérés intérieurs. Conséquence, les banques délaissent progressivement le secteur privé. En valeur relative, les concours au secteur privé sont passés de 66 % des financements bruts en 2018 à 49 % en mars 2025. Inversement, les concours aux Etats sont passés de 25 % à 42 % sur la même période. Les banques devront également se doter d’un ratio d’endettement pour contenir leur dette, d’amortisseurs financiers afin de pouvoir faire face à des situations difficiles et d’un niveau minimum de liquidités.
Rémy Biniou