Home PANORAMA Nous souffrons d’un déficit de souveraineté

Nous souffrons d’un déficit de souveraineté

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La démocratie libérale est morte en Occident. Pourquoi? Parce que le pouvoir y est désormais confisqué par des oligarques, des multinationales, des bureaucraties opaques, bref, par des élites déconnectées de la volonté des peuples.

Ce désenchantement n’est pas nouveau. Il avait été pressenti par les grandes voix africaines et afro-caribéennes du XXe siècle. Dans « Les Damnés de la Terre », Frantz Fanon lançait déjà un cri d’alarme: «Camarades, ne perdons pas de temps en stériles litanies ou en mimétismes nauséabonds. Quittons cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde, cette Europe qui a stoppé la progression des autres hommes et les a asservis à ses desseins et à sa gloire, cette Europe qui, au nom d’une prétendue aventure spirituelle étouffe la quasi totalité de l’humanité.»
Fanon ne dénonçait pas seulement la violence coloniale. Il attaquait un système qui se pare des habits de la civilisation tout en légitimant les pires formes de domination.

Fanon nous invite à inventer, à cesser de croire que l’émancipation viendra de l’extérieur. Ses mots prennent aujourd’hui une résonance particulière. Ils nous rappellent que l’essentiel n’est pas de singer les modèles étrangers, mais de construire un avenir en accord avec nos réalités, nos douleurs et nos aspirations.

Force est de constater que l’instauration de la démocratie à l’occidentale n’a pas été la panacée annoncée. Depuis 1990, les alternances démocratiques n’ont pas entraîné de ruptures profondes dans la gestion des États.
Les institutions restent faibles, manipulables. Les Constitutions sont modifiées pour permettre des troisièmes ou quatrièmes mandats. La justice est instrumentalisée, les médias achetés ou réduits au silence, les opposants emprisonnés ou exilés.
Et, pendant ce temps, la misère s’installe, les jeunes fuient, les ressources naturelles sont pillées, souvent avec la complicité de l’élite politique elle-même.

Le mal de l’Afrique ne vient pas tant d’un déficit de démocratie que d’un déficit de souveraineté. Tant que nous dépendrons des décisions prises à Paris, à Bruxelles ou à Washington, tant que notre monnaie sera imprimée dans des banques centrales étrangères, tant que nos armées seront entraînées pour protéger des intérêts étrangers, la démocratie ne sera qu’un vernis.
La vraie indépendance, c’est celle qui donne la capacité à un État de décider pour lui-même, par lui-même et en fonction de ses besoins réels. C’est cela, le combat fondamental du XXIe siècle africain: retrouver la maîtrise de nos terres, de nos économies, de nos esprits.
Certains pays ont commencé à tirer les leçons de ces échecs. Pour eux, ce dont l’Afrique a besoin, ce n’est pas de singer Washington ou Paris, Pékin ou Moscou mais de créer un modèle africain de gouvernance, enraciné dans nos traditions, nos structures sociales, nos aspirations modernes.

Aimé Césaire avait raison en déclarant que « l’heure de nous-mêmes a sonné ». Pas l’heure de l’imitation. Pas l’heure du compromis permanent. Mais celle du choix: choisir la souveraineté, choisir l’invention, choisir la dignité.
Frantz Fanon nous avait avertis: tant que nous resterons attachés aux modèles qui massacrent l’homme au nom de la civilisation, nous ne serons jamais libres. Le piège, ce n’est pas l’absence de démocratie. C’est la fausse démocratie sans indépendance.
À nous de faire en sorte que nos jeunes n’aient plus à fuir, que nos ressources ne soient plus volées, que nos États soient enfin des États libres, forts, respectés. L’Afrique ne doit plus courir. Elle doit se lever.


Jean-Claude Djéréké

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