Des accidents à la pelle. La loi ignorée. Explications.

C’est encore au lieu-dit « Montée Don Bosco » à Mimboman (Yaoundé 4e) que tout bascule ce mercredi 4 juin 2025 dans la soirée. La scène implique un camion et plusieurs véhicules, comme le montrent de nombreuses vidéos relayées sur les réseaux sociaux. Sur le carreau, une personne tuée sur le champ, selon un bilan non officiel. Chez les quelques blessés, la convalescence s’annonce longue et déchirante. « Qu’est-ce que je faisais exactement à cet instant-là ? J’aurai beau me concentrer de toutes mes forces, fermer les yeux pour mieux visualiser, jamais je n’y suis parvenu », se débrouille l’un d’eux. Si les premiers rapports d’expertise suggèrent plusieurs facteurs (vitesse excessive du camion pour aborder le virage de la route, usure des pneus et dysfonctionnement dans le système de freinage), un autre témoin a sa version. « L’axe Mimboman-Nkoabang est pourtant bien fait, bien dimensionnée, malgré sa longue colline au niveau de la descente Don Bosco qui enregistre des morts presque chaque année. On comprend alors que c’est une longue colline qui permet d’évaluer les bons chauffeurs et les véhicules en bon état. Du constat fait, peu de véhicules dits gros porteurs sont réellement en bon état sur cette colline, une véritable tricherie en matière de visite technique et de réparation des pannes », explique notre interlocuteur.
Son énoncé rappelle la tragédie survenue au même endroit ans la matinée du 17 novembre dernier. Ce jour-là, un camion provoque un accident. Un conteneur posé sans fil de soutien à l’arrière d’un camion-plateau se renverse, écrase deux véhicules et égratigne un troisième. Trois personnes meurent écrasées dans un taxi. En juillet 2023, au même endroit, un camion venu de Douala perd le contrôle et finit sa course folle sur une pompe à essence. Entre 2021 et 2022, on a assisté à de nombreux accidents, à l’occurrence deux au cours desquels des camions ont cassé les maisons.
Insouciance
Il y’a quelques années, l’État du Cameroun interdisait la circulation des véhicules gros porteurs en journée. « Manifestement, cette mesure est foulée aux pieds par des conducteurs », constate Bruno Mvogo Ella, syndicaliste. Et pour Martial Missimikim, expert en sécurité routière, « le secteur des transports est un secteur extrêmement délicat où des groupes de pressions opèrent ». Prise par ce bout, la situation laisse penser qu’un dispositif règlementaire existe. « Mais contrarié dans son application par des acteurs propriétaires de gros porteurs qui brandissent des manques à gagner, et qui excellent dans le trafic d’influence », glisse un fonctionnaire de police ayant requis l’anonymat.
Et parce que le lieu-dit « Don Bosco « continue d’assumer sa réputation de secteur fatal pour camions et riverains », notre source surfe sur quelques propositions. « A cet endroit, il faut tout simplement copier les bonnes pratiques qui ont produit de meilleurs résultats ailleurs. Ceci en concevant et en mettant en œuvre une stratégie de sécurité routière axée sur les facteurs de risques. Il faudrait aussi une bonne réglementation, sans oublier la gestion efficace de la flotte automobile avec des centres de contrôles techniques performants. Ensuite mettre à niveau les infrastructures et les équipements routiers, intensifier de manière permanente les campagnes de sensibilisation et d’éducation à la sécurité routière. Il faut bien encadrer le processus d’obtention du permis de conduite avec en amont des auto-écoles conformes à la législation, la mise en place d’un système d’alerte rapide en cas d’accident couplé à une prise en charge sanitaire à partir du lieu du sinistre. Au-delà, de ces recommandations stratégiques, nous pensons que l’urgence est de maintenir la pression sur la répression ».
Jean-René Meva’a Amougou