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Emmanuel Bessong: L’actionnariat populaire et les tontines d’affaires sont des voies de contournement en cas d’accès difficile au crédit bancaire »

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Le Camerounais, ingénieur-conseil en ingénierie et introduction boursière des PME-PMI, pense qu’en les implémentant durablement, ces modes de financement peuvent aider les PME de la Cemac à la résilience.

C’est quoi l’actionnariat populaire?

D’abord la définition : « tel qu’elle existe dans les manuels (car ce n’est pas un concept que nous inventons en Afrique centrale), on vous dira que l’actionnariat populaire vise à permettre à un large public d’accéder à la propriété des entreprises et de participer à leur gouvernance. Vu sous cet angle, l’idée sous-jacente à ce concept est « la démocratisation de la propriété des entreprises et la réduction des inégalités des richesses. Permettre à un grand nombre de personnes de détenir les actions des entreprises relève bien souvent des politiques publiques.


Qu’en est-il de la tontine ?
Les tontines existent bien avant l’introduction de la monnaie dans l’économie. Elles doivent leur existence dans l’histoire lointaine et particulière de certains peuples. Si l’on s’en tient aux écrits des plus anciens, on peut dire que c’est au 2e siècle que les toutes premières tontines ont vu le jour. La religion bouddhiste et ses monastères ont été à l’origine de la propagation de cette pratique. Egalement appelées « Njangui » ici au Cameroun, les tontines d’affaires font généralement référence à un groupe de personnes partageant des liens communs (région, tribu, amis, collègues) qui décident de se réunir régulièrement pour mettre en commun leurs économies afin d’apporter des financements à leurs membres ou à leur communauté.
Pensez-vous réellement que l’actionnariat populaire et les tontines d’affaires peuvent sortir les PME de la Cemac du marasme dans lequel elles sont noyées depuis longtemps ?
Il faut d’abord dire que l’une et l’autre sont des instruments de consolidation de la souveraineté économique. Il faut également signaler que faire entrer des particuliers (ou l’épargne des ménages) comme actionnaires dans le capital de son entreprise est une solution pour les dirigeants fondateurs majoritaires qui ne veulent pas subir la dilution du contrôle inhérente au financement par capitaux propres. Et puis, ces techniques ne conviennent pas à de nombreuses PME, car elles requièrent un minimum de rentabilité immédiate ou à court terme ainsi qu’une position stable, solide et en croissance sur le marché. Elles exigent également un certain niveau de compréhension et de connaissances boursières de la part des dirigeants.
Maintenant, au regard de la gravité du problème de financement dans lequel sont plongées les PME de la Cemac, l’actionnariat populaire et les tontines d’affaires sont des voies de contournement en cas d’accès difficile au crédit bancaire. L’introduction en bourse permet également aux entreprises d’avoir plus de visibilité et d’améliorer leur crédibilité. Cela renforce la confiance des investisseurs dans l’entreprise et multiplie ses opportunités commerciales surtout lorsque les fournisseurs et clients sont eux-mêmes actionnaires de l’entreprise. Cette meilleure visibilité et cette crédibilité renforcée, obtenues sur les marchés financiers, ont pour corollaire une vraie reconnaissance des institutions financières qui sont alors prêtes à octroyer à de telles entreprises un financement relativement peu coûteux, avec des taux d’intérêts bas. Il en est de même pour les tontines d’affaires. Il s’agit d’organisations qui doivent surmonter certaines défaillances du système formel (par exemple, restrictions d’accès au marché bancaire), qui connaissaient davantage le système et les possibilités offertes pour des sources « non formelles » et qui comptent sur un réseau social solide. Chez nous en Afrique, on a juste que la différence que les tontines d’affaires fonctionnent dans l’informel alors que l’actionnariat populaire est plus ou moins structuré.


Cela suppose qu’il y a des contraintes, surtout en ce qui concerne l’actionnariat populaire…
Pour améliorer l’accès au financement des PME, il est crucial de mettre en place des solutions adaptées aux spécificités locales. Vous ne le savez peut-être pas, l’accès à des sources externes de financement demeure limité et plus de trois PME africaines sur quatre (77 %) dépendent de leurs fonds propres pour financer leurs activités, ce qui restreint leur capacité d’innovation et d’expansion. Pour une introduction à bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale, la PME doit avoir des fonds propres minimum de 200 millions FCFA, un chiffre d’affaires de 1 milliard et une capitalisation boursière minimale de 10 milliards FCFA. Ces critères difficiles à remplir par la plupart des PME.


Si alors les PME ont de telles possibilités, qu’est-ce qui bloque celles implantées en zone Cemac ?
Il ressort d’une manière globale que dans cette zone, la PME est une unité de production à propriété familiale ou individuelle. Cette perception découle de l’observation de l’organisation et de la répartition des tâches au sein de l’entreprise. En effet au centre des activités se trouve le principal actionnaire encore appelé chef d’entreprise qui est dans la plupart des cas le fondateur, le principal dirigeant et détenteur de la politique d’action et de la vie de l’entreprise. On remarque généralement que l’entreprise meurt aussitôt après une absence totale ou prolongée de ce dernier. Ici et là, partout dans la Cemac, l’on rencontre des PME où les promoteurs adoptent des comportements indélicats en s’arrangeant à être la personne centrale de son entreprise par le cumul des postes. Cette méthode de gestion leur serait préjudiciable lors de la recherche des financements externes. En effet l’établissement financier demande généralement à voir l’organigramme de la PME et surtout l’attribution de chaque poste à un agent compétant afin de s’assurer que les fonds apportés seront utilisés à bon échéant garantissant ainsi le remboursement en permettant de dégager une plus-value nécessaire à la croissance de la PME. Il serait donc en conséquence important pour les entrepreneurs de respecter un certain degré organisation à défaut d’un organigramme afin de maximiser leur chance d’obtenir un financement externe.
De plus pour ce qui est des PME des zones rurales ces entrepreneurs préfèrent prendre le risque de limiter le développement de leur entreprise en s’autofinançant au lieu de recourir à l’emprunt bancaire.
Par ailleurs, il est recommandé de développer des plateformes de financement participatif, assorties d’incitations fiscales pour les investisseurs, afin de diversifier les sources de financement et de stimuler l’investissement dans les petites entreprises. Enfin, simplifier les démarches administratives pour l’octroi de prêts et proposer des formations en gestion financière permettront d’améliorer la compréhension des processus bancaires et d’augmenter les chances de réussite des demandes de financement, notamment en Afrique centrale, où ces obstacles sont plus marqués.

Propos recueillis par JRMA

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