Le nom du défunt président gabonais fait vendre. Et bien des candidats le savent.

Un accident impliquant un véhicule de la campagne électorale de Brice Clotaire Oligui Nguema, candidat à la présidentielle gabonaise, s’est produit dans la nuit du dimanche 30 au lundi 31 mars 2025, à une dizaine de kilomètres de Ndjolé. « Si pour l’instant tout semble flou, il est que le véhicule comptant à bord le président du Rassemblement pour le Gabon (RPG) et directeur adjoint de la campagne d’Oligui Nguema, a brusquement quitté la route pour des raisons encore indéterminées. Aucune perte humaine n’est à déplorer, mais l’incident a causé des blessures légères », renseigne GMT (Gabon Media Time). Au sein de l’opinion publique gabonaise, les ressorts de cet incident sont nombreux. Parmi eux, il y a cette tension croissante que l’on retrouve un peu partout entre les candidats à l’élection présidentielle de ce 12 avril 2025. Pendant que certains voient une main divine qui veut « retirer » Brice Clotaire Oligui Nguema de la course, d’autres inscrivent le même incident dans l’extension indéfinie de la campagne électorale. Mais en prétendant éclairer cet ensemble, l’on s’abîme dans une contradiction : tous les candidats peinent à évoquer feu Omar Bongo, mais tous lui sont redevables », observe Léopold Nzambi. A la suite du journaliste gabonais, le sociologue Evariste Moundanga argumente : « Ce type d’explication, avec les sophistications qui lui sont accolées, ne manque pas de régenter le subconscient des candidats et des électeurs. En d’autres termes, cette causalité, agit de manière permanente et produit son effet en permanence. À dire vrai, c’est Bongo qui est l’arbitre de ce scrutin présidentiel ».
Illustrations
Le cas de Bilie-By-Nze est d’autant plus révélateur qu’il illustre les défis auxquels font face les anciens dignitaires du régime Bongo dans leur reconversion politique. Depuis sa démission du PDG en novembre 2024, l’ancien Premier ministre tente de se positionner comme une alternative crédible, critiquant ouvertement la junte militaire au pouvoir. « Certains au Gabon se posent un peu la question de cette candidature. Bon, ce n’est pas forcément une mauvaise chose qu’il y ait un opposant avec une vraie stature. Ceci dit, bon, c’était l’ancien, le dernier Premier ministre d’Ali Bongo, il représente quand même vraiment l’ancien régime, coopté, qui était vraiment les piliers du système, le PDG. », esquisse Florence Bernault, professeure d’histoire de l’Afrique subsaharienne à Sciences Po Paris, spécialiste de l’Afrique centrale.
Dans ses déclarations, le général Oligui Nguema alterne entre la valorisation d’un côté de l’héritage des Bongo, la restauration de la dignité. Il a méthodiquement attiré dans ses filets les poids lourds de Bongo-père.
Autour de lui, il a réuni la quasi-totalité des dignitaires du régime déchu, des anciens opposants et même des grandes voix critiques de la société civile. « Ce qui est rejeté finalement dans l’héritage Bongo, ce n’est pas Omar le père, c’est Ali, le fils qui a vu vraiment un divorce énorme entre la société civile gabonaise et son président et son entourage. Là, vraiment, c’est là-dessus que je pense que Brice Oligui Nguema veut faire une rupture. Donc c’est là où finalement Brice Oligui Nguema se situe, au carrefour d’une rénovation, restauration des valeurs anciennes, si vous voulez, et une rupture avec ce régime de quatorze ans où pour lui et pour quand même beaucoup de Gabonais, il y a eu un véritable dévoiement de ces valeurs », explique encore Florence Bernault.
Il y a quelques jours, l’unique femme candidate, Zenaba Gninga Chaning a indiqué avoir relu un discours d’Omar Bongo. Elle a mentionné avoir trouvé une boutade que « le père aimait réutiliser (« le Gabonais d’abord »). « C’est un peu l’exemple que je cherche à suivre », a-t-elle glissé au cours d’un échange avec des journalistes.
Ongoung Zong Bella
Mots pour maux
«Nous sommes entrés dans le temps où l’imposture n’a plus ni ressource ni réserve ». Esprit fort en gueule, Alain-Claude Bilié By Nzé parle avec un dégoût manifeste, du fatras de circonvolutions mensongères que Brice Clotaire Oligui Nguema a fait avaler aux Gabonais, « jusqu’à l’étouffement ». On pourrait s’en féliciter, songeant que ce verbatim participe du retour en force, après quelques années de placard, du dernier Premier ministre du président déchu en 2023, Ali Bongo Ondimba. Parmi les fieffés rebelles qui dénoncent les transfuges de l’ère Bongo, il y a Joseph Lapensée Essingone. Les anciens hommes du sérail gabonais, il les désigne par une image : «farandole d’hypocrites affairistes et de ludions médiatiques ». « On peut renâcler sur un soldat devenu civil, mais on ne peut lui reprocher d’avoir aux Gabonais leur dignité. Ma vision est celle d’un Gabon qui renait de ses cendres… Cette vision n’est pas un rêve, et si c’est un rêve pour vous nous allons le réaliser, elle est notre responsabilité commune. Voilà des rappels salutaires, pour ceux qui ont la mémoire courte comme pour ceux qui ne connaissent pas très bien le sujet », rétorque Brice Clotaire Oligui Nguema.
Lancée il y a quelques jours, la campagne électorale pour la présidentielle du 12 avril 2025 est un récit à plusieurs voix. Celles qui disent tout de l’ambiance dans les meetings, des touches personnelles de chaque candidat, de la place on et off des journalistes de divers bords qui gravitent autour des personnalités politiques, et ces candidats eux-mêmes. On s’arme de patience pour permettre aux urnes de désigner qui dirigera le Gabon durant les sept prochaines années.
Jean-René Meva’a Amougou