À quelques heures seulement de la célébration annuelle de la Journée internationale de la Francophonie, trois États africains du Sahel (le Niger, le Burkina Faso et le Mali) se sont retirés presque simultanément (entre le 17 et 18 mars 2025) de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Un coup d’éclat d’autant plus marquant que tous trois en ont été des acteurs majeurs au cours de la longue histoire de cette institution créée à Niamey en 1970, et qui regroupe aujourd’hui 93 États et gouvernements ayant le français en partage. D’aucuns disent ne pas être surpris par le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Les militaires à la tête de ces pays n’ont jamais digéré la suspension de leur pays de l’organisation depuis les coups d’Etat qui ont renversé les présidents élus. Depuis, les trois pays clament leur souveraineté et se détournent de ce qu’ils appellent les liens de l’impérialisme. Selon les textes de l’Organisation Internationale de la Francophonie, tout état membre peut se retirer en envoyant une note verbale puis une note officielle au pays en charge de la présidence en exercice chargée d’informer le secrétariat général. Conformément à l’article 10 de la Charte de l’OIF, le retrait ne sera effectif qu’après une période de six mois, laissant un délai pour gérer la transition.
Le retrait d’un État d’une organisation internationale, tout comme son adhésion, est un phénomène classique qui relève de son imperium, autrement dit de sa souveraineté-liberté. Ce phénomène s’est d’ailleurs régulièrement manifesté dans les relations internationales, y compris au cours de ces dernières années ou décennies. On se souvient en effet qu’en début décembre 2003, le Zimbabwe quittait le Commonwealth. En octobre 2013, la Gambie avait claqué la porte de cette organisation anglophone regroupant désormais 53 États. Déjà, en 1995, le Nigeria avait été suspendu pendant quatre ans après l’exécution de neuf militants écologistes dont l’écrivain Ken Saro-Wiwa. Ainsi en est-il précisément du retrait effectif des trois États sahéliens du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, le 29 janvier 2025, comme celui du Royaume-Uni de l’Union européenne, depuis le 31 janvier 2020, ou comme celui du Burundi de la Cour pénale internationale (CPI), qui a pris effet à partir du 17 octobre 2017, celui du Royaume du Maroc de l’Union africaine en 1984 et de son retour dans la même organisation en 2017, ou encore celui des États-Unis, de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) en 2017 et de leur retour dans la même organisation en 2023, etc. Passons !
Ce sur quoi on peut s’intéresser, c’est en fin de compte une question d’équilibre entre les considérations historiques, les opportunités économiques et les intérêts géopolitiques. Pour certains, quitter le Commonwealth ou l’OIF pourrait être une étape symbolique et pratique vers l’indépendance et l’unité complètes dans un cadre panafricain. Pour d’autres, rester dans ces deux organisations offre de précieuses possibilités de collaboration, de développement et d’influence mondiale, sans nécessairement diminuer la souveraineté de l’Afrique. De nombreux critiques affirment (par ailleurs) que l’identité du Commonwealth ou de l’OIF, enracinée dans l’histoire coloniale, est dépassée. Bien que leurs identités se soit efforcées d’évoluer au-delà de leur passé impérial, pour certaines nations, leur héritage est toujours lié au colonialisme et à l’exploitation. Le symbolisme de l’association ne trouve plus d’écho auprès des jeunes générations africaines.
Rémy Biniou