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Yaoundé : La vie dans les «Corona-hôtels»

La mise en quarantaine des voyageurs en provenance d’Europe consacre paradoxalement, et à la fois, quatre clichés : la naissance d’un nouveau vocabulaire au sein de l’opinion publique, la volupté et le mal-être parmi les personnes, ainsi que l’acharnement sur les réelles intentions des pouvoirs publics.

 

Un meeting politique, forte concentration humaine à éviter.

Quartier Mbog-Abang, à la sortie sud de Yaoundé, quelqu’un emprunte à l’ironie pour nous indiquer l’hôtel dans lequel sont confinés 22 passagers du vol international SN Brussels 369 arrivé au Cameroun dans la nuit du 17 mars 2020. «Ici, on appelle ça le Corona-hôtel. Voilà ça!», montre-t-il du doigt. Des marges de cette indication aux allures cavalières, une voix féminine enrobe l’affaire dans une couche de mépris: «Du vrai n’importe quoi!».

Mal-être
Cette nuit, l’entrée principale de l’établissement hôtelier grouille d’allées et venues. À l’angle, armes au poing, quatre agents de police s’avachissent sur des chaises basses. À la réception, l’ambiance n’a rien d’exceptionnel. En poste, une préposée au charme ensorcelant. Comme pour venir à bout de cette hébétude, l’on évoque le coronavirus et les dispositions prises ici pour contrer la pandémie. «Tenez votre masque, s’il vous plaît ; mettez-le et filez droit là-bas. Vous pourrez discuter avec le directeur d’exploitation dans son bureau», nous suggère la jeune dame.

Dans la pièce qui talonne le hall, c’est le bar. Ici, une dame à la carrure dessinée dans une robe pincée à la taille déambule. Elle est au téléphone. Elle prononce un étrange serment : «Je ne quitterai pas d’ici tant qu’on n’a pas encore formellement établi que je suis malade du coronavirus! Terminé!». Puis, arrive un inspecteur de police principal. Sans masque, il tente d’encadrer cette dame chauffée à blanc afin d’infléchir sa colère dans le sens d’une plus grande maîtrise. La bruyante se mure dans un silence lourd, perdue dans ses pensées, dans une sorte de rage muette.

Le regard acéré, elle rebondit faisant part de ses rondeurs qui ont disparu, laissant place à une maigreur révélant des rides. «À cause de cette satanée histoire de confinement!», ponctue-t-elle véhément, question de mettre en relief l’émouvante tournure que prend son séjour au Cameroun depuis le 17 mars dernier. Plongée dans l’épaisseur tragique de ce qui arrive aux personnes confinées dans les différents hôtels de la capitale, elle éprouve le sentiment de se perdre dans la suite qui leur est réservée.

Acharnement
Sur le coup, un homme à la voix de stentor monte à la charge: «On nous a pris ici pour aller effectuer des tests au Palais des sports. Bien curieux qu’il n’y ait pas de kits disponibles. Dans ce bordel, on est dans un grand trou noir où la contagion du coronavirus peut se jouer à tout moment». La suite de cette enflure verbale s’acharne sur les langueurs sereines des pouvoirs publics. Là encore, le phrasé de cet homme est plus profond, tant la signification des mots débouche sur la juxtaposition d’une chose et de son contraire. «On nous dit que tout est mis en œuvre pour circonscrire la maladie.

Mais en même temps, on laisse des gens entrer ici n’importe comment. On ne communique pas assez ! Qu’on nous dise qu’on veut juste nous espionner!», peste-t-il. La vérité, selon lui, est à lire dans l’escorte militaire dont bénéficient tous les confinés. Pour cela, l’homme signale une surveillance renforcée et ne se prêtant pas aux requêtes. «C’est un spectacle qui se joue sans relâche!», assène sa puissante voix. À l’épreuve du décryptage, parmi les «confinés», la situation nourrit quelques suspicions sur les intentions réelles des pouvoirs publics.

Sur place ici, un policier essaye de conférer une nouvelle résonnance au black-out décrié. «Cette mesure, dit-il, vise non seulement à contrôler la situation, mais aussi et surtout, elle doit être considérée comme protectrice que comme espionne». Et pour mieux lessiver les mots, le fonctionnaire de police explique que «c’est le désir de liberté et la psychose d’une éventuelle contagion». À son avis, ces deux variables additionnent leurs effets pour donner de la consistance à la colère.

«Je carbure»
Près du lieu-dit Carrefour Mvog-Mbi, toujours dans la capitale, en cette soirée du 21 mars 2020, quelques passagers du vol international SN Brussels 369 sont dans un autre hôtel. Sans masques, quelques-uns sont assis à l’entrée. Ici, la vie se gère au gré d’une hypothèse bricolée autour de la situation: «Si de nouveaux cas ne se signalent pas d’ici peu, on pourrait nous laisser aller dans nos familles», entend-on. À promener la vue et l’ouïe au fond du bar, une l’ambiance visiblement générée par l’imposante tournée alcoolique de ce soir s’impose. Des hommes et des femmes offrent d’eux-mêmes une image bien vaporeuse. Parfois, ils distillent à la fois une allure sévère et cool. Parfois aussi, imitant les accents français et italiens, ils adaptent leurs voix en roulant les «r» ou en roucoulant. On comprend vite que c’est un cercle de «Mbenguistes».

Face au reporter, certains s’efforcent de s’auto-réguler dans le sens d’une ormeta bien tempérée. D’autres se protègent derrière une définition extensive de la notion de vie privée et une parfaite connaissance des enjeux du temps. Ceux qui acceptent de se faire «malmener» par des questions de journaliste versent immédiatement dans l’éloge de la mesure de confinement de tous les voyageurs en provenance d’Europe. «D’après ce que nous avons vu là-bas, il y a lieu de féliciter le gouvernement pour avoir pris cette décision», confesse un homme entre deux gorgées de scotch whisky.

Il souhaite que prospèrent les préceptes sanitaires les plus rudes dans les prochains jours. À côté, le visage d’une femme s’éclaire de sourire lorsqu’elle nous confie que, «individuellement et quotidiennement, Paul Biya nous envoie 15 500 FCFA pour nos besoins en plus d’être bien logés et nourris». Peut-être, cela donne un nouveau ton à la vie ici et disqualifie un message qui devient banal au fil du temps: «ce sont les Mbenguistes qui viennent avec le coronavirus ici».

Parodiant une chanteuse camerounaise, quelqu’un dans ce cercle de «Mbenguistes» dit qu’il «carbure» malgré le confinement. Et pour montrer qu’il respire l’opulence, il présente une liasse d’argent. Le geste est orné d’une question: «quelle fille peut me refuser avec ça même si j’ai le coronavirus?». Toutefois, cette interrogation sert d’amorce à la description d’un autre phénomène : celui de la stigmatisation forgée depuis peu. Dans leurs propos, les uns et les autres relèvent le déclin d’affection qu’ils vivent. «Depuis que nous sommes ici, personne ne nous appelle plus, même dans nos propres familles», regrette une dame revendiquant le statut d’aînée d’une fratrie de 8 enfants.

Celle-ci souligne l’ignominie des attaques de quelques lutins ayant choisi contre elle un vocabulaire de haine et de mort. En tout cas, elle prétend comprendre «cette sorte de cirque où la passion du commentaire suspicieux progresse dans un contexte souillé par les fake-news et finit par remplacer toute soif de vérité». Et de conclure : «le coronavirus, c’est aussi une grande école de la vie. À l’aide de ce qui m’arrive, j’ai compris que la vie est tracée en deux cercles : celui de ceux qui vous aiment quand vous vous portez bien et celui de ceux qui vous rejettent au moindre soupçon».

Jean-René Meva’a Amougou

Zone anglophone

Pas de cas de Covid-19 dans le Nord-ouest

Contrairement aux annonces faites sur les réseaux sociaux, aucun cas n’a été recensé dans cette partie du pays.

 

Dr Kingsley Che Soh est formel: «il n’y a jusqu’ici aucun cas confirmé de coronavirus infecté dans la région». C’est la ligne de force que le délégué régional du ministère de la Santé publique pour le Nord-ouest a signé le 20 mars 2020. Par cette note, le fonctionnaire rame à contre-courant des informations distillées sur les réseaux sociaux à propos des supposés cas de coronavirus infectés derrière St Agnes et à l’hôpital régional de Bamenda. «Tout cela est faux», martèle Dr Kingsley Che Soh.

Dans un autre communiqué, il dévoile également quelques mesures prises pour parer à toute éventualité. «Une équipe médicale et une ambulance seront stationnées au poste de péage à Matazen (frontière Ouest et Nord-ouest Ndlr) par Santa à partir de samedi 21 mars 2020 pour des dépistages systématiques de tous les voyageurs qui entreront dans la région du Nord-ouest pour éviter tout risque potentiel de la maladie du Covid-19», y lit-on. Aussi indique-t-il que des solutions hydro-alcooliques suffisamment subventionnées par le gouvernement seront mises à la disposition des structures sanitaires publiques à partir de mardi 24 mars 2020.

Dr Dénis Nsame Nforniwe, directeur de l’hôpital régional de Bamenda a quant à lui aménagé un centre d’isolement équipé dans cette formation hospitalière. A en croire Fung John, économe à l’hôpital régional, un comité de veille qui fonctionne 24h/24 a été mis en place ici. Aussi des outils de lavage des mains ont été placés au niveau de toutes les entrées principales de l’hôpital régional de Bamenda. Un communiqué a été commis par le directeur invitant le public à réduire à 10 le nombre de personnes devant assister à la levée de corps à la morgue, d’un membre de famille décédé. Le 19 mars, Dr Dénis Nsame Nforniwe a organisé une réunion de sensibilisation du personnel médical. Il a également proscrit les regroupements de plus de 50 personnes à l’hôpital. Il envisage un point presse mercredi prochain 25 mars avec les journalistes de Camasej ( Cameroon association of english speaking journalists).

Il est à noter que mercredi dernier 18 mars, le gouverneur Adolphe Lélé Lafrique Deben Tchoffo a organisé une réunion de crise sur la pandémie. Il a laissé entendre que seules les réunions d’urgence seront autorisées dans la région. Il a proscrit les réunions ou regroupements de plus de 50 personnes. Aussi conseille-t-il à ceux ayant programmé les obsèques et cérémonies de mariage de les reporter à une date ultérieure. Le délégué régional de la santé publique a saisi cette perche pour rassurer quant aux mesures mises en place pour prendre soins des cas suspects de Covid-19 dans le Nord-ouest.

Il a demandé à la population de respecter les mesures d’hygiène ( lavage constant des mains, utilisation du gel hydro alcoolique, éviter les salutations, embrassades, tousser dans un mouchoir ou au creux du coude, observer au moins un mètre d’écart face à un interlocuteur etc.). Le gouverneur a instruit le maire de la ville de Bamenda a prendre des dispositions avec ses services techniques afin de réduire le flux de personnes dans les marchés de la cité capitale. Le responsable d’Elecam a pris langue avec le numéro un de la région pour éviter le regroupement des foules devant les bureaux de vote. Les audiences ont été suspendues pour une durée d’un mois devant les tribunaux et cour d’appel dans le Nord-ouest.

Le 19 mars 2020, lors de l’installation du maire de la commune d’arrondissement de Bamenda 1er, le préfet Simon Émile MOOH a prié les personnes venues assister à cette cérémonie de libérer la salle des actes. Une manière pour lui de respecter la prescription de 50 personnes au maximum dans toute réunion. Seuls les 32 conseillers municipaux et quelques membres de son encourage ont pris par à cette cérémonie. L’église n’est pas en reste. En plus des mesures d’hygiène soulignées plus haut, l’évêque de Kumbo et l’archevêque de Bamenda ont proscrit la réception de la communion par la bouche. Les chrétiens doivent désormais recevoir le corps du Christ dans la pomme de la main. Suspension du geste de paix du Christ (salutation avec les mains) pendant la célébration eucharistique etc.

Zéphirin Fotso Kamga

Covid 19

Les chancelleries s’imposent une ligne de vie

Autrefois figés à d’autres contrôles, les services de sécurité s’appliquent désormais les qualificatifs de «très haute sécurité» face à la maladie.

L’ambassade des Etats-Unis à Yaoundé.

On savait déjà qu’elles sont des forteresses pas facilement pénétrables. Ces derniers temps, à cause du coronavirus, cette image se raconte mieux aux entrées principales de toutes les chancelleries étrangères et organismes internationaux basés à Yaoundé. Pour l’essentiel, le spectre monstrueux de la maladie constitue un argument de poids parmi les personnels en faction.

Ce 20 mars 2020, devant l’ambassade du Sénégal à Yaoundé, le flot convivial n’est presque plus le même. L’ambiance met sous les yeux des rires mécaniques, pendant que les paroles des agents de sécurité manient la palette de mesures. Plus draconiennes que par le passé, une voix assure que «tout mouvement en groupe est formellement interdit ici».

Toujours ce 20 mars 2020, à la Rue Rosa Parks au quartier Bastos, l’angle sous lequel l’ambassade des États-Unis se révèle est à contre-fil du laisser-aller. Dans le langage précautionneux qui sied à la circonstance, un agent de sécurité nomme cela «un contexte grave». Ici, s’il est un débat qui n’arrive ni trop tôt ni trop tard, c’est bien celui sur les modes de transmissions du coronavirus. Selon le lieu où il se déroule, le contrôle des pièces se distingue du test de coronavirus. En fait, ce dernier est privilégié au premier.

C’est également le cas à la représentation Afrique centrale de la CEA (Commission économique pour l’Afrique). Dès le perron, une note instruit l’application stricte des mesures édictées par le service de sécurité. Celui-ci, renseigne une dame de service, a d’ailleurs accru le nombre de check-points. Au milieu d’un récit amer, notre interlocutrice raconte des séquences incandescentes avec certains usagers. «Ils disent que le coronavirus se passe du tout à la sécurité; alors ils sont ramenés à l’ordre quand ils tentent de nous imposer une démarche contraire à celle prescrite par l’OMS», relate-t-elle.

Devant l’ambassade de Chine, toujours au quartier Bastos, «pas d’affluence ici depuis deux semaines», confie un agent d’une société de gardiennage. Concentré et actif pour contrer le bruit tapageur et ravageur faisant des ressortissants chinois les «importateurs du coronavirus», l’ambassadeur a signé une note. Affichée sur la barrière, celle-ci rappelle que «sans exception, toute entrée est conditionnée par l’obtention d’un quitus du responsable de la sécurité». En approchant ce dernier, il détaille les étapes: lavage des mains, passage au test de température et contrôle des pièces personnelles.

Bobo Ousmanou

Des mots et… des Africains

Au sein des communautés étrangères basées à Yaoundé, des réflexions pointues sur le bilan du coronavirus dans leurs pays respectifs succèdent aux réponses parfois paniquées.

Quelques ressortissants étrangers à Yaoundé.

Au milieu de quelques Ivoiriens basés à Yaoundé, c’est le brouhaha de la critique. En tout cas, sans les nommer, les critiques visent surtout les autorités d’Abidjan: «On n’a pas su anticiper!», fulmine Serge Diakété. Selon cet homme d’affaires, l’arrivée du coronavirus en Côte d’Ivoire résonne comme un brutal retour de manivelle dans le déroulé historique des relations avec certains pays occidentaux. «Ces gens-là nous avaient promis de nous exterminer et voilà», dit-il avec conviction.

Au quartier Ékié, dans le 4e arrondissement de Yaoundé, une compilation des récentes actualités sur les mesures de confinement instaurées par les autorités de Kigali est au centre des commentaires entre Rwandais. Par le biais d’un langage convivial, mais mesuré, le satisfecit se lit en arrière-fond d’une petite évaluation faite par Gaston Buleli, le chef de la communauté. «Il faut cela pour que tout ne bascule pas après tant d’années d’efforts et de sang», avance-t-il confiant.

Sa confiance est d’autant plus perceptible qu’elle valorise la fermeture des frontières du Rwanda avec ses voisins, réputés «apporteurs de tous les malheurs». «Nous avons connu le génocide, cela a été planifié à partir des officines à l’étranger. Je pense que pour le coronavirus, c’est presque la même chose, quand on sait que c’est un espion étranger qui est venu avec chez nous», assume Gaston Buleli. Instruit par l’expérience camerounaise du confinement des personnes suspectées de porter le coronavirus, Gaston Buleli se réserve le droit d’apprécier la mesure. «Cela est contraignant, mais le jeu vaut bien la chandelle ici comme dans d’autres pays africains», évalue-t-il, en plus de montrer combien il est actif pour encourager ses compatriotes au respect des mesures prises localement.

Ce 19 mars 2020, Ali Hindraogo apprécie le quotient de détermination des autorités de Ouagadougou. À en croire le Burkinabè rencontré au quartier Tsinga (Yaoundé II), tel que relayé par les médias, le schéma de circonscription du coronavirus est à applaudir. «Notre président a bien vu», se réjouit-il, non sans mentionner que l’expérience actuelle est édifiante pour l’Afrique. En ces termes, il se lance sur une réflexion sur l’usure des anciennes politiques sanitaires ayant signé leur échec sur le VIH Sida, notamment au Burkina Faso. «Si on fermait les frontières comme cette fois, on n’allait pas avoir de nombreux cas chez nous», croit-il.

De son côté, le Gabonais Christian Bamgoudou évite d’ériger les Africains en champions de l’excuse et de l’innocence originelle. Au contraire, il dit avoir observé «l’incrédulité continentale». «Voyez-vous, il n’est plus aisé, partout sur le continent, de reprendre la main sur une maladie autour de laquelle nous avons été tous prévenus», regrette-t-il. D’ailleurs, notre interlocuteur ne s’interdit pas de discerner les conséquences de tout cela: «au Gabon, chez moi, les gens ont passé leur temps à dire que c’est une affaire des autres; et voilà!». D’après lui, les justificatifs plus ou moins forcés ont entraîné une grande confusion, puisque les gouvernants ont actuellement du mal à répondre aux exigences optimales de la situation.

Jean-René Meva’a Amougou

Plateforme de cours en ligne

Entre économies et dépenses

Solution miracle pour les uns, l’avènement d’un espace d’enseignement virtuel à l’Université de Yaoundé I est une charge contraignante pour d’autres étudiants.

 

Parmi les mesures barrières prises contre le coronavirus le 16 mars 2020 par Maurice Aurélien Sosso, recteur de l’Université de Yaoundé I, on a la suspension des cours en “présentiel” dans les amphithéâtres. À la suite de cette décision, et pour éviter l’interruption des enseignements, le patron de cette institution publique a prescrit «la création au Centre universitaire des technologies de l’information (CUTI), d’une plateforme dédiée à la mise en ligne des cours». Ce qui, d’une façon comme d’une autre, impacte fortement sur le vécu des étudiants.

Sur le plan économique, l’instauration de cette méthode de transmission des savoirs est très avantageuse. C’est du moins ce qu’ont laissé entendre certains apprenants rencontrés dans la ville de Yaoundé. «Avec cette plateforme, je vais réduire mes dépenses de façon considérable. J’habite le quartier Nkoabang et je dépense près de 900 FCFA de taxi par jour pour me rendre au campus. Il me suffira d’acheter un forfait internet de 500 FCFA, pour rester connecté pendant une semaine», indique Landry, régulièrement inscrit en Licence 2 en Lettres modernes françaises (LMF) à la Faculté des Arts, Lettres et Sciences humaines. Même tendance chez Jean J. Cet étudiant de la Faculté des sciences de l’éducation estime qu’en deux semaines, il n’aura à débourser que 1000 FCFA pour avoir accès aux cours de tous ses enseignants.

Comme ses deux camarades, Franklin voit en cette plateforme une aubaine. «Grâce à cette méthode, on ne sera plus obligé de se hâter pour nous rendre au campus. Il me suffira de me connecter à partir de mon lieu de service pour obtenir les cours et poser mes préoccupations à l’enseignant», explique l’étudiant en Master I LMF, et attaché commercial dans une structure de la place.

Investissement
Pour d’autres pensionnaires de cette institution universitaire, la plateforme des cours en ligne est plus une équation difficile qu’un avantage. «Pour prétendre à cette plateforme, je dois disposer d’un smartphone. Or, je n’en ai pas. Et pour avoir un bon smartphone, il faut dépenser au moins 50 000 FCFA. Cette somme représente un gros investissement, dans la mesure où il m’est déjà difficile de payer mes droits universitaires d’un trait, sans oublier le loyer et autres», explique Alain, étudiant en première année Philosophie. Pour Julien, si l’équation de la plateforme des cours en ligne est difficile à résoudre, elle n’est pas inaccessible. Bien qu’il n’ait pas de smartphone, il dit pouvoir compter sur la générosité de ses camarades et voisins de chambre. «J’ai convenu avec mes camarades d’utiliser leurs smartphones. À défaut de cela, j’irai dans un cybercafé. Je n’ai pas le choix», conclut-il.

Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

Coronavirus

Coût pour coup sur l’économie

Depuis la survenue de la pandémie Covid-19 dans le pays, les milieux d’affaires payent un lourd tribut. Situation aggravée avec l’instauration, le 17 mars dernier, de 13 mesures barrières par le gouvernement.

1-Transports affaiblis
Le secteur des transports est enrhumé par le coronavirus. Les chiffres ne sont pas encore connus, mais selon les acteurs, «le coronavirus fait mal aux affaires». Et ce ne sont pas les agences de compagnies aériennes qui démentiront cette version. Elles déplorent plusieurs pertes financières dues à cette pandémie. «Des vols sont annulés chaque jour; des clients décommandent leurs billets d’avion, sur instructions de leurs entreprises ou du fait d’événements internationaux annulés. Ça crée un manque à gagner énorme», confie le responsable d’une compagnie aérienne dont la destination dominante depuis le Cameroun est la Chine.

Agences de voyages
Les agences de voyages elles aussi sont victimes du Covid-19. «L’un de nos plus gros clients a annulé 80% des billets réservés. Au sein de cette firme internationale, la consigne des dirigeants est de privilégier les vidéoconférences aux déplacements hors des zones de résidences», révèle une source qu’a approchée le confrère du quotidien national Cameroon Tribune.

Taxis
À cause du coronavirus, le transport urbain va mal. Désormais interdits d’admettre deux passagers à la cabine avant de leurs véhicules, les chauffeurs de taxi disent souffrir le martyre. C’est que les conditions sont devenues ardues. «Il n’y a ni élèves ni étudiants à transporter le matin. On dirait que les gens ont vraiment réduit leur déplacement. Et dans l’après-midi, quelques rares fonctionnaires se déplacent. Et comme si cela ne suffisait pas, on nous demande d’éviter de surcharger», explique François, chauffeur de taxi. L’impact, explique le quinquagénaire, est mesurable au niveau de la recette. «Il est prévu que je verse 50 000 FCFA de recettes chaque semaine.

Mais à l’allure où vont les choses, je doute de pouvoir atteindre 40 000 FCFA de recettes», regrette-t-il. Sur le même sujet, Jacques réclame au gouvernement la baisse des impôts. Christian, lui aussi conducteur, souhaite pour que les propriétaires de ces véhicules réduisent le montant de la recette. Et, conclut un autre, dans un contexte pareil, «il serait plus judicieux de ne plus travailler du tout, au lieu de faire des dépenses pour acquérir du carburant, sans toutefois rentrer dans ses frais».

2-Commerce
Du fait de la suspension des importations de divers produits en provenance de la Chine et d’autres pays touchés par le COVID-19, une psychose s’est installée. Dans les marchés, on assiste à une flambée des prix des objets importés.

Depuis février 2020, les prix des motos ont augmenté de façon considérable. Un commerçant rencontré à quelques encablures du quartier Briqueterie, haut lieu de vente de ces machines mobiles, s’explique. “Les importateurs ont augmenté les prix des motos. On est passé de 420 000 à 470 000. Pour celles de 460 000, le prix oscille désormais entre 520 000 et 530 000”, lance-t-il. D’une boutique à l’autre, le constat est le même: le coronavirus a enrhumé les prix. Et la raison, évoque un acteur du secteur, est “la suspension des importations de ces outils”. Les consommateurs n’ont donc d’autre choix que de se conformer à la nouvelle donne.

Les bars au régime
Dans le secteur des débits de boisson, les choses ne vont pas mieux. Le gouvernement camerounais a exigé que dès 18 heures précises, tous les bars soient fermés. Cela, apprend-on, concourt à limiter la propagation de la maladie. Si la mesure affecte les disciples de Bacchus, elle a aussi un impact néfaste sur les recettes des entrepreneurs, propriétaires de ces hauts lieux de jouissance.

C’est la situation que vit Paul au quartier Carrière (Yaoundé II). “C’est dans la nuit que j’enregistre le plus grand nombre de clients. Et depuis pratiquement deux jours, je suis obligé de fermer. À cause de cela, j’ai perdu énormément d’argent”, confesse-t-il, au bord de l’indignation. Mêmes cris dans le bistrot de Jérémie, non loin du lieudit Chapelle Ngousso. “Mon chiffre d’affaires a baissé de 80 %”, explique-t-il, sans décliner les chiffres exacts. Un autre acteur de ce secteur demande au gouvernement de “voir dans quelle mesure juguler les pertes économiques” dues à ces mesures. Et il n’est pas le seul à penser ainsi.

Commerce dans les établissements
Pour les commerçants installés dans les établissements scolaires et universitaires, rien ne va plus. Avec la fermeture temporaire (mais non délimitée dans le temps) de ces lieux d’apprentissage, ils sont astreints aux congés forcés. Un vrai “cauchemar”, d’après une vendeuse dans un lycée de Yaoundé. “Depuis que l’école est fermée, je ne sais pas quoi faire. Je n’ai pas d’autre endroit où vendre mes beignets. Dans mon quartier, il y a déjà des femmes qui le font”, décrit-elle. Chez Hermine, vendeuse au Lycée de Ngoulmekong (Yaoundé IV), c’est le noir : «L’interruption de nos commerces a été brusque. Et ce n’est pas du tout facile pour nous qui sommes habituées à interrompre nos activités en juin, après les examens officiels”, dit-elle, avant d’ajouter: “sans cette activité, on survit seulement».

Même situation à l’Université de Yaoundé I. Boutiques et restaurants sont hermétiquement fermés. Astreint au service minimum, le seul café ouvert peine à maintenir son chiffre d’affaires. “Je travaille habituellement avec quatre personnes, mais aujourd’hui, et jusqu’à nouvel ordre, je ne travaillerai qu’avec une seule personne”, explique M. Abé, propriétaire des lieux. Dans ce contexte, difficile d’engranger des bénéfices. La preuve, brandit-il, “mon chiffre d’affaires a chuté de 98 %”. Malgré cela, l’homme n’est pas prêt à prendre congé, puisqu’il faut satisfaire sa clientèle, désormais réduite aux seuls personnels administratifs et assimilés.

Cosmétiques et autres
À un taxi de là, précisément au Marché central, la situation semble stable, pour le moment. Mais les dires des uns et des autres présagent une flambée des prix dans les prochains mois. C’est le cas des produits cosmétiques, des jouets d’enfants, des vêtements, etc. Sur le même sujet, des commerçants rencontrés au marché Mokolo entrevoient, eux aussi, une inflation. “La situation est compliquée, et je pense que si ça continue ainsi, les prix vont augmenter. Et ça risque d’être encore plus difficile, dans un contexte où il n’y a même pas déjà assez d’argent en circulation”, confie Éric, vendeur des produits de beauté.

Pourtant, lors d’une concertation entre Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce, et les acteurs de l’import-export et de la grande distribution, on a appris qu’il n’y a pas de raison que naisse une spéculation. Parce que, ont brandi les exportateurs, les différents stocks peuvent permettre l’approvisionnement du marché camerounais pendant quatre mois encore. Et pour s’en convaincre, le Mincommerce s’invite dans les magasins et boutiques pour déjouer les tours des inflationnistes.

L’agroalimentaire bien portant
De tous les secteurs, seul l’agroalimentaire peut se targuer de tenir le coup. Il en a pour un bon moment encore. À ce titre, “le coronavirus n’est pas une menace au Cameroun”, affirme Luc Magloire Mbarga Atangana, ce 11 mars 2020 à Yaoundé, aux côtés des importateurs qui s’en vantent. À contrario, le ministre camerounais du Commerce présente la situation comme une opportunité pour son pays. En effet, explique-t-il, “cette épidémie peut faire baisser les prix de certains produits parce que la demande dans les pays producteurs est faible”.

Entre le 1er janvier et le 3 mars 2020, on a enregistré près de 41 000 tonnes de poissons importés et plus de 100 000 tonnes de riz qui comptent parmi les produits les plus consommés au Cameroun.

Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

 

Lutte contre le coronavirus

La Banque mondiale prescrit une synergie d’actions

Avec des milliers de morts à son actif à travers le monde, le Covid19 est désormais l’épée de Damoclès qui plane sur l’économie mondiale. La situation est inquiétante. Ce d’autant plus que, «personne ne peut dire avec certitude quel sera l’impact économique réel de cette flambée épidémique. Il y a encore trop d’inconnues : durée de l’épidémie, nombre de pays touchés et capacité des pays à se mobiliser durablement pour apporter une réponse coordonnée et concertée rapide» indique Ceyla Pazabasioglu. Dans un billet publié le 09 mars 2020 sur le site de la Banque mondiale, la vice-présidente pour le pôle Croissance équitable, Finance et Institutions (EFI), de cette institution financière, fait une analyse de la situation qui prévaut dans le globe depuis décembre dernier.

A l’en croire, il faut mettre un terme à la propagation de la maladie le plus tôt possible. Auquel cas, l’économie mondiale va s’écrouler. «Les chaînes de valeur mondiales, qui représentent près de la moitié des échanges mondiaux, commencent à pâtir de la fermeture d’usines et du redémarrage tardif de l’activité. Viennent ensuite les flux financiers étrangers, qui pourraient fuir les pays touchés par le coronavirus.

Puis le capital humain et financier national, de plus en plus sous-utilisé avec l’arrêt des usines et le confinement des travailleurs chez eux. Il s’agit ensuite du secteur touristique et du voyage, touché de plein fouet par la baisse de la demande et des restrictions de déplacement toujours plus contraignantes, alors qu’il constitue pour de nombreux pays en développement une source importante de revenu. Et, pour finir, l’effondrement des cours des matières premières, qui va pénaliser les pays en développement tributaires de ces recettes essentielles», énumère le haut cadre de l’a société internationale.

Dans ce contexte de haute tension, seule une réponse rapide, coordonnée et ambitieuse peut permettre de préserver les vies humaines et d’atténuer les préjudices économiques, écrit l’économiste turque. Ouvertement, l’institution de Bretton Woods appelle les gouvernements à travailler ensemble pour éradiquer cette menace commune. «Les gouvernements doivent se garder de toute tentation protectionniste, qui ne fera qu’exacerber les perturbations dans les chaînes de valeur mondiales et accentuer une incertitude déjà grande. Surtout, ils doivent éviter de restreindre les exportations de denrées alimentaires et de produits médicaux vitaux pour, au contraire, rechercher ensemble des solutions visant à accroître la production et la satisfaction des besoins là où ils sont les plus critiques», lit-on.

Dans cette lancée, les pays développés doivent commencer à apporter leur aide bienfaisante aux pays de l’Afrique noire frappés de plein fouet par le mal.

De son côté, la Banque mondiale rassure. Selon Ceyla Pazabasioglu, «Les pays en développement peuvent compter sur le Groupe de la Banque mondiale pour les aider à prendre les mesures nécessaires». D’ailleurs, l’institution internationale a déjà débloqué 12 milliards. Et elle ne compte pas s’arrêter à ce niveau, si les gouvernements sont favorables à son appel à la mutualisation des forces.

Pour rappel, cette pandémie intervient dans un contexte où, l’économie mondiale commençait juste à redémarrer après la troublante crise financière de 2009.

Joseph Julien Ondoua Owona (Stagiaire)

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