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Yaoundé 72 : La loi et l’aloi du milieu

D’une pointe haute à une pointe basse, la charnière centrale des équipes africaines a connu un tournant important lors de la 8e CAN.

L’équipe nationale du Cameroun en 1972

« Le milieu, c’est le cœur d’une équipe», explique Jean-Paul Akono. Acteur en 1972, l’ancien international camerounais en sait quelque chose, lui qui a régné sur la défense des Lions indomptables en son temps. Alors, quand « Magnusson», devenu entraîneur, sort la brosse à reluire, ce ne sont pas des mots en l’air. «Que voit-on d’un match de foot à la télévision? Des dribbles, des buts, des passes, des parades, des tacles, généralement filmés en plan rapproché. Or l’essentiel d’une rencontre se joue souvent ailleurs: si les actions de but sont les sprints, la course de fond se situe au milieu du terrain. L’analyse est alors plus ardue, car les avantages pris sur l’adversaire sont plus difficiles à percevoir», dit Jean-Paul Akono. Il ajoute qu’«en 1972, il était assez difficile de réaliser que l’entraîneur congolais était venu avec une tactique jamais expérimentée jusque-là en Afrique».

Descriptif
Celui qu’en donne Jean-Pierre Sadi (autre expert camerounais du football), se lit sous deux angles: défensif et offensif. « J’étais tout jeune. Je regardais presque naïvement les matches. Avec du recul, je me rends compte qu’en passant de la pointe haute à la pointe basse, l’entraineur congolais venait justement pour poser des problèmes aux adversaires de son équipe afin de s’offrir des couloirs à partir desquels venaient tous les buts congolais en 1972», remet l’ex-coach des Lions indomptables. Jean-Paul Akono, son confrère montre comment, lors de la 8e CAN, cette tactique a brillé par sa science du placement. «50 ans plus tard, l’on remarque que les Diables Rouges disposaient d’un trio plutôt à l’aise balle au pied. Des années auparavant, on parlait souvent de cette équipe comme d’une équipe physique. Mais quand on a vu les joueurs sur le terrain, on avait vraiment un milieu avec des joueurs de foot, qui aimaient le ballon», dit-il.

Le tout dévoile autre chose déclinée par Jules Frédéric Nyongha: «en 1972, on a compris que le football africain évoluait», tranche-t-il. «On voyait bien que dans le jeu au milieu du terrain tout devenait une bataille et pas une guerre, car ce sont deux armées qui s’affrontent de façon ponctuelle. En souvenir, on dira que le vainqueur de la CAN 1972 avait peut-être réussi à positionner ses troupes en plaçant les éléments et profils qu’ils pensent être, d’une part, les plus à même de bloquer le jeu adverse et, d’autre part, de construire un jeu qui avait mis en difficulté l’adversaire en l’induisant régulièrement dans ce qu’on appelle le hors-jeu», commente le spécialiste de football.

L’autre chose dévoilée est la primauté des duels de un contre un. «C’est indéniable ! C’est en 72 que les gens (du moins les Africains) commencent à réaliser que plus le milieu de terrain est bas, plus il réussit à être cohérent dans la phase où l’équipe récupère le ballon pour mener une attaque rapide et, aussi, suffisamment alerte quand elle perd le ballon pour se repositionner et défendre. Remarquez que tous les buts congolais en phase sont partis de cette tactique. On s’était rendu compte de l’impact que cela avait sur le reste de l’équipe. En fait, certains joueurs touchaient très peu de ballons au cours d’un match mais étaient très précieux, car ils étaient une vraie plaie pour le milieu adverse. On disait de ces joueurs-là qu’ils faisaient un travail de l’ombre, le sale boulot parce qu’ils n’étaient pas actifs au sens où on l’entend actuellement. Mais ils empêchaient les joueurs adverses de se passer la balle suivant leur schéma habituel», explique Jules Frédéric Nyongha.

Jean-René Meva’a Amougou

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