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Bonabéri : Le « ndjansang » à fleur de peau

Des statistiques de la Société Camerounaise de Dermatologie (Socaderm) placent l’arrondissement de Douala IV au top des zones où hommes et femmes dépigmentent volontairement leurs corps.

Pr. Cécile Zoung Kanyi Bisseck, la présidente de la Socaderm

Avec 27,8% de sa population qui se décape la peau, voici Bonabéri au firmament d’un classement des localités camerounaises dans lesquelles des femmes et des hommes dont l’âge oscille entre 15 et 50 ans, modifient l’apparence de leur peau à l’aide d’un produit toxique. A Kumba (Sud-ouest), la pratique est aussi courante. La ville occupe la seconde place au classement (24,1%). Elle est talonnée par Yaoundé (Centre), Kribi (Sud) et Bagangté (Ouest). Les statistiques dans ces localités affichent respectivement 19,6%, 11,1% et 10,3%. Les données sont issues d’une enquête menée par la Socaderm sur la base des consultations médicales et des visites «de plus de 10 000 femmes dans les centres spécialisés ces deux dernières années». Elles ont été rendues publiques le 21 juin 2019 à Yaoundé au terme des Premières journées camerounaises de dermatologie-vénérologie.

Pour les organisateurs de ces assises, les données ainsi présentées sont indicatives d’un fléau qui s’étale jusqu’aux confins des zones rurales. «Là-bas, et beaucoup plus en ville, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, nantis et pauvre sont en mal de teint clair», affirme Cécile Zoung Kanyi Bisseck, la présidente de la Socaderm. L’agrégée de dermatologie, enseignante à la faculté de médecine et des sciences biomédicales de Yaoundé décrit la pratique : «Il s’agit, dit-elle, de l’application sur tout le corps de plusieurs composés: laits ou crèmes à base d’hydroquinone au-delà du seuil de 2 % ou de crèmes et gels à base de corticoïdes puissants qui comportent notamment du mercure et ses dérivés cancérigènes». Elle poursuit: «Les plus nantis se font des injections avec des effets instantanés, tandis que les moins riches utilisent tout ce qui leur passe par la main, tout ce que leur propose «la parfumerie du coin», au mépris des risques encourus sur le plan sanitaire tels les cancers de peau… Aussi n’est-il pas étonnant de voir un homme ou une femme avec des pieds ou des mains noires alors que le visage est presque métissé».

Causes
La Socaderm pointe le «poids économique des industries cosmétiques» dans le pays. Le Dr Odile Ngoro, dermatologue-infectiologue accuse aussi «des pharmaciens devenus commerçants de ces produits» et dénonce « la complicité des médecins » qui prescrivent ces produits illicites. Sur certaines ordonnances, décrie-t-elle, l’on retrouve par exemple le «gluthatione», produit éclaircissant vendu à 250 mille FCFA la boîte.

En plus des facteurs socioculturels (mythe du «blanc» et le complexe négatif du «noir»), Emmanuel Armand Kouotou, premier Camerounais agrégé en dermatologie, accuse un certain laxisme: «on laisse proliférer des chimistes d’un autre genre à chaque coin de rue ; la surveillance des importations est parasitée par la corruption».

Jean-René Meva’a Amougou

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