Valentin Laïssoubo: mes mille et un voyages dans l’espace communautaire Cemac

L’homme d’affaires camerounais partage son expérience en matière de libre circulation

Comment vous définissez vous, explorateur, citoyen de la Cemac ou comme un commerçant de la sous-région?
Je me retrouve dans toutes les trois casquettes. Premièrement, je suis d’abord un homme d’affaires, ce qui fait que je fais la ligne dans toute la zone Cemac. La deuxième chose est que j’ai la carte de résidence en terre gabonaise et troisièmement, ces affaires me permettent de découvrir la réalité sur le terrain.

Parlant de la libre circulation, quels sont les goulots d’étranglement que vous rencontrés lors de vos différents déplacement en zone Cemac?
Les goulots d’étranglements existent, la libre circulation n’est pas effective jusqu’à présent. Pourquoi? Parce que le citoyen de la Cemac ne pouvant pas voyager par voie aérienne a des garrots en route. À chaque contrôle il y aura des questions idiotes en contrôlant soit la carte de vaccination et prétextant qu’elle est fausse, ou en contestant votre ordre de mission. Et là, il faut donner de l’argent. Bref à chaque contrôle par voie routière, il faudra débourser quelque chose.

Dans combien de pays de la sous-région est-ce que vous avez vécu ces situations?
Il y a des pays où l’on ne voie pas ces check-points bizarres, et où tu voyages en toute quiétude. Comme le Congo, la Centrafrique et le Tchad, mais il y a deux pays à savoir le Gabon et la Guinée Équatoriale ou on a ces goulots d’étranglements. Je prends par exemple le cas du Tchad, un membre de la Cemac n’a pas de problème peu importe la carte de vaccination, ceux qui sont en route savent que ce n’est pas leur travail. Mais au niveau du Gabon et de la Guinée Équatoriale, toute personne au contrôle est capable de dire que tel chose n’est pas bien, alors qu’il n’a pas la capacité ou la compétence de vérifier un document ou l’ordre de mission qui vous amène au Gabon. Ce sont des abus et des trafics d’influence de ce genre qu’on enregistre.
De deux, en ce qui concerne la libre circulation entre les personnes, je dirais que ce n’est pas effectif parce que chaque personne ayant une carte de résidence ou carte de séjour au Gabon, n’a pas le droit de sortir en terre gabonaise sans avoir pris un visa de sortie. Ce visa coûte énormément cher. Pour un débrouillard, il coûte en moyenne 60 000 FCFA. Ce qui est la quittance, on ne compte pas les autres pièces. Par contre, celui qui vient avec son passeport Cemac n’a pas de problème. Après les trois mois il peut ressortir sans problème.

Parlez-nous des expériences que vous avez vécues dans les pays de la zone Cemac comme le Tchad ou le Congo?
Je tiens à rappeler que j’ai voyagé dans tous les pays de cette zone, y compris Sao Tomé et Principe. Mon expérience est qu’en matière d’intégration, le Gabon et la Guinée Équatoriale sont des pays qui s’entendent plus avec les ressortissants ouest-africains par rapport aux membres de la Cemac en général, que ce soit le Tchadien ou le Congolais. Cela s’explique par le fait qu’à l’époque, il y a eu le phénomène de «feyman» et se sont les Camerounais qui étaient les champions dans ce domaine.
Comme le Cameroun est le leader, il contamine le reste des pays, l’image de malhonnête est restée dans leurs têtes. Ils confient plus leurs tâches aux Ouest-Africains qu’aux Camerounais. Heureusement que l’homme camerounais est un monsieur qui se bat. Que vous l’employez ou pas, il tire son épingle du jeu. Par contre au Congo, tu mènes ton activité sans problème, il n’y a pas de blocages administratifs. Tu arrives aujourd’hui, tu demandes un titre de séjour qui peut être accordé le même jour. En Centrafrique c’est la même chose, pour le Tchad, on n’en parle pas, il n’y a pas d’obstacle à l’intégration. C’est le Gabon et la Guinée Équatoriale qui entravent encore. Ils sont des Bacchus et on se connaît. Quand ils arrivent, on sait ce qu’ils veulent et ils savent qu’on comprend les codes. C’est-à-dire que quand un contrôleur prend ta carte de vaccination, dès qu’il commence à dire que ce carnet est faux, nous savons qu’il faut déjà leur donner quelque chose et dès que tu donnes sa passe. La corruption dont ils accusent les Camerounais cache en réalité leurs corruptions, ils se font l’argent en parlant tout le temps des Camerounais et c’est une corruption à outrance.

Dans un check-point camerounais, là où tu débourses 2000, là-bas tu débourses 6000 FCFA. Je peux évaluer que de la frontière du Cameroun qui va de Kyé-Ossi, jusqu’à Libreville, on a 650 km et on a 120 000 à 150 000 FCFA à donner avant d’y arriver. Avec les biens, il faut doubler. Hormis la douane et les autres papiers phytosanitaire. Or, par voie aérienne, dès que vous arrivez et après le contrôle de l’émi-immigration, on vous pose quelques questions. Et dès que la personne chez qui vous allez est venu ou alors la certification d’une activité est prouvée, ça va. Les goulots d’étranglements sont par route. Par la mer, c’est aussi compliqué parce que ce sont les biens qui circulent. La chance que nous avons est que nous avons les animaux et ils doivent être accompagnés de personnes physiques, ce qui fait qu’on peut encore nous accorder deux ou trois bergers par paquebot jusqu’à l’arrivé. Le transport de personnes n’est pas autorisé.

Depuis combien de temps vous parcourez la sous-région?
Je parcours les pays de la zone Cemac en non-stop depuis 2010. J’ai 12 ans d’expériences en tant que voyageur, j’ai déjà voyagé en empruntant toutes les voies de transports terrestre, maritime et aérien.

En dépit de ce que vous décrivez, est-ce que les pays de la sous-région n’ont pas fait des efforts pour faciliter la libre circulation?
Les gouvernements font tout pour que la libre circulation soit effective, c’est nous-mêmes les citoyens qui bloquons. Soit les autres veulent entrer dans un territoire comme le Gabon sans papier, ce qui n’est pas normal, soit les responsables de la circulation des pays d’accueils à leur tour sont corrompus, c’est une gangrène. Au Gabon par exemple, on confond donc aussi un sans papier à celui qui a les papiers, tout le monde paye, c’est ce que nous déplorons.

De 2010 à nos jours, qu’avez-vous constaté comme changement de manière concrète?
Déjà, les mentalités étaient remplies de préjugés, sans oublier que dans les zones urbaines comme la capitale, il y avait les contrôles intempestifs, ce qui a diminué. Deuxièmement, si vous êtes arrêtés, une fois que c’est prouvé que vous êtes un citoyen de la zone Cemac, on vous libère. Actuellement, tu as moins de problème qu’un ressortissant de l’Afrique de l’ouest, je parle là du niveau étatique. Plus encore, on connaît le ton des différents ressortissants de la sous-région, quand un Camerounais parle on sait.

Au niveau des biens, ça circule. Tout d’abord, on a par exemple du camerounais dans les plats de la sous-région en tant que mamelle nourricière avec un pourcentage très élevé. Pour la commercialisation, nous avons des syndicats, je suis dans le secteur du bétail et le nôtre a des bureaux au Gabon et au Cameroun, donc tout est coordonné.

Au niveau de votre pays d’origine qui est le Cameroun, est-ce que le gouvernement vous facilite l’obtention des documents et le suivi?
On n’a pas vraiment de problème parce que l’État ne nous a pas interdit d’exporter, sans oublier que les chancelleries sont à l’écoute et elles discutent avec nous. C’est le cas de notre ambassade au Gabon.

Pourquoi vous parlez régulièrement du Gabon?
Mes affaires marchent mieux au Gabon parce qu’à l’intérieur, tu circules bien. Il est moins enclavé que les autres pays. En Guinée Équatoriale, il y a des mentalités rétrogrades qui entravent la circulation à l’intérieur. En RCA, le pays est tellement enclavé que tout se passe uniquement à Bangui. En termes de transactions bancaires, on n’a pas de banque ou les monnaies électroniques, tout est physique en matière d’argent, ce qui attirent les bandits et les coupeurs de route comme au Tchad. Or, il y a une seule route entre le Cameroun et le Gabon, donc il y a plus de sécurité dans la circulation au Gabon.

Quel est votre souhait en ce qui concerne l’amélioration de la circulation?
Notre souhait est qu’on enlève le visa de sortie pour les membres résidents et les Bacchus qu’on rencontre par voie terrestre.

Quel est le conseil que vous pouvez donner à un citoyen de la Cemac qui veut voyager?
En tant que citoyen pétri d’expérience dans le monde du commerce entre le Cameroun et le Gabon, je demande à tout citoyen commerçant ou citoyen lambda de s’acquitter de tous les papiers administratifs, avant de se lancer dans le voyage, quel que soit le pays, même de la sous-région.

N’importez-vous pas les produits de la sous-région au Cameroun?
Moi je fais dans l’import-export. Aujourd’hui j’importe les produits gabonais. Dans ma boutique, j’ai un coin made in Gabon. Vous imaginez, c’est en plein centre-ville de Yaoundé et actuellement, les Gabonais d’ici et les Camerounais qui vivaient au Gabon se ravitaillent chez moi. On a des bières étrangères comme la Regab, les sardines et les vêtements par exemple.

Interview menée par
André Gromyko Balla

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