Twitter : l’Afrique a-t-elle trouvé son Lincoln Memorial?

Le Lincoln Memorial, monument doublement historique pour la paix, la liberté et la justice, est situé à Washington aux États-Unis d’Amérique. Il symbolise également l’hommage au président Abraham Lincoln.

Le 16e président américain a, entre autres prouesses, conduit à l’abolition de l’esclavage aux USA. Mais aussi, le 28 aout 1963, Martin Luther a prononcé son discours «I have a dream» sur les marches du Lincoln Memorial. En pleine campagne de répression du mouvement de manifestation pour les droits civiques des Noirs, 200 000 personnes s’étaient alors réunies pour écouter le sermon pour l’égalité raciale aux États-Unis d’Amérique. Le prétexte de la manifestation du jour étant la célébration du centenaire de la proclamation de l’émancipation par le président Lincoln, décrétant l’abolition de l’esclavage.

Depuis bientôt 14 jours, le réseau social Twitter tend à se muer de plus en plus en copule pour les revendications de justice sociale, de paix, etc. Des influenceurs, des leadeurs d’opinion, des vedettes de la télévision (journalistes, acteurs, artistes musiciens) donnent de leur voie et de leur aura pour sensibiliser, condamner des actes politiques en Afrique. Résidents sur le continent ou à l’étranger, ils se mobilisent pour sortir de l’indifférence collective et provoquer une réaction des politiques face à des actes [graves] qui se déroulent au Nigéria, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Guinée, en République démocratique du Congo, au Ghana, au Libéria, en Afrique du Sud ou encore en Namibie.

Obélisque de liberté d’expression

Sur le réseau social Twitter, ils n’ont pas besoin d’autorisation de manifestation. Ils ne descendent pas dans la rue. Leur arme fatale, c’est l’hashtag (#), une technique d’écriture qui permet de populariser une actualité. 8 hashtags pour les manifestations virtuelles: au Nigéria, c’est #EndSARS pour dénoncer les violences, bévues (exécutions extrajudiciaires) policières contre les civils. Leur activisme a permis la dissolution de l’unité d’élite en question: le SWATT nigérian. Cette campagne a mobilisé les artistes musiciens Davido, Wizkid, le président de la BAD Akinwumi Adesina. La répression des manifestants a fait réagir Hillary Clinton sur Twitter.

Au Cameroun, deux hashtags se sont succédé. Le premier, #Endphonetax237, qui fustigeait la technique de collecte des droits de douane sur les consommateurs de smartphones et tablettes au Cameroun. Malgré le communiqué conjoint que les membres du gouvernement en charge des Télécommunications et des Finances ont signé le 29 septembre, mais aussi les arguments de défense de la ministre des Télécommunications sur Twitter le 10 octobre, le président de la République Paul Biya a suspendu la mesure à titre conservatoire.

Le second hashtag au Cameroun est #Endanglophoncrisis237. Il milite pour la fin des tueries dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Dans la traque des insurgés indépendantistes ambazoniens par l’armée régulière camerounaise, ceux-ci choisissent l’horreur en tuant les rares résidents de ces régions qui ont délaissé leur habitat. Jusqu’ici, les artistes originaires de ces régions et ceux de la partie francophone du Cameroun popularisent le mouvement. Ils ont l’appui de quelques leadeurs d’opinion et influenceurs tels que Rebecca Enonchong, tombeuse de la ministre des Télécommunications sur la collecte de la taxe sur les téléphones.

Au Congo, les hashtags #Congoisbleeding et #StopGénocideauCongo condamnent l’inaction pour la fin des tueries dans l’Est de la RDC, notamment à Beni ou encore à Bukavu. Les activistes, au rang desquels des artistes comme Fally Ipupa, des anciens chefs d’État, appellent à une mobilisation internationale pour des actes concrets en faveur de la fin des affrontements, des viols sur les femmes, des enrôlements d’enfants dans les groupes terroristes, ou encore l’insuffisante lutte contre les épidémies localisées.

La grande question est de savoir: y aura-t-il répression de ces manifestations numériques et des auteurs? Va-t-on en tirer profit pour mieux faire?

Rémy Biniou

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