Le programme économique régional (PER) le prévoyait et nous maintenons de le dire. Nous allons faire une révision de l’état d’exécution des projets prioritaires élaborés en 2010. Avant de commencer avec l’exécution de nouveaux programmes, nous devons savoir quel est l’état d’exécution de tous ces projets, pour voir quels sont les projets qui ont été exécutés et ceux qui ne le sont pas encore. Cela nous permettra de faire une reprogrammation. 2025 était une vision et elle continue de l’être.
Après le point avec les institutions sous- régionales et au-delà de ce que vous avez dit jusqu’à présent dans le discours de clôture, quel est le dossier qui vous paraît le plus urgent et par lequel vous allez commencer?
En ce qui concerne la situation de retard ou de blocage dont souffre la Cemac en ce moment-ci, mes discours font partie de la pensée de l’individu. Ça fait aussi partie des projets que nous allons élaborer ensemble. C’est-à-dire l’équipe dirigeante de la Commission, afin de rattraper ce retard. Avec de la rigueur, nous avons une programmation des activités que nous allons exécuter au fur et à mesure. Pour ce faire, nous sommes en train d’identifier les aspects qui provoquent ce retard. Alors, nous allons chercher les financements, afin que toutes les actions prioritaires que nous prévoyons réaliser au cas où la Commission arrive à avoir des moyens, puissent être exécutées au fur et à mesure. Il y a des aspects qui ont eu un retard. Je ne peux pas oser donner des explications ici. Mais, nous connaissons tous les difficultés. Vous avez suivi les panels sur l’immigration ici à travers le commissaire qui a bien détaillé les plans de facilitation, soit des échanges, soit de la libre circulation. Et les structures chargées d’accélérer le processus de la libre circulation ont demandé un moratoire parce les études ont trop duré. Pourquoi? Parce qu’il n’y a pas eu un suivi-évaluation de notre côté. Les mandats pour accélérer certaines dispositions étaient les conditions pour arriver à la libre circulation. Celui qui était chargé de l’affaire était d’Interpol. C’est-à-dire des structures de contrôle et de la mise à disposition des instruments de voyage.
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Cela dit, le passeport biométrique est déjà une réalité dans tous les États. Mais, pour que la libre circulation soit maintenant effective, il va falloir la construction des postes de contrôle au niveau des frontières terrestres, leurs équipements, ainsi que la formation des policiers des frontières. Tous les policiers de frontières doivent avoir une formation harmonisée pour éviter les traitements différents. Donc, les dispositions sont prises pour sortir de ce blocage.
Vous êtes sans ignorer qu’en Afrique centrale, la Cemac a un problème de compétitivité par rapport à la Cedeao. Comment est-ce que vous entendez gérer cela à partir de maintenant?
Notre équipe prévoit de travailler et de s’entretenir avec les présidents de la Cedeao et de l’Uemoa, pour voir plus loin les actions que nous pouvons développer ensemble. Vous savez dans le passé, il y avait de forts échanges entre la Cemac et l’Uemoa, quand il y avait la circulation parallèle du franc CFA de l’Afrique centrale et le franc CFA de l’Afrique de l’Ouest. Mais, les conséquences de cette libre circulation des billets des deux Banques centrales a fait que la Cemac était obligée de réaliser une étude, une réflexion pour freiner la libre circulation des billets parallèles dans un même espace. Donc, il y a des aspects sécuritaires, économiques, monétaires, qui prévoient que les deux communautés ne peuvent pas vraiment s’échanger librement sans passer par les structures du secteur bancaire, c’est-à-dire les établissements de banque. Il faut faire des échanges à travers des banques commerciales, mais pas dans les sacs. C’est ce qui se passait avant et cela avait un coup au niveau de la Banque centrale au moment de rapatrier nos billets qui sont déplacés dans une autre Zone. Donc, c’est la raison pour laquelle on a pris des dispositions pour éviter la libre circulation des billets de deux genres monétaires différents.
Les institutions spécialisées et les agences d’exécution de la Cemac sont des structures qui concrétisent l’intégration régionale sur le terrain. Avec les difficultés de mobilisation du fruit de la Taxe communautaire d’intégration (TCI), quelles sont solutions, selon vous?
Les difficultés de collecte de la TCI ne freinent pas seulement les institutions spécialisées, mais aussi la Commission pour réaliser les programmes prévus dans son plan d’action. Raison pour laquelle il y a une mission de haut niveau qui est allée chercher le financement chez les partenaires financiers de l’Europe et d’autres zones. Tous les projets intégrateurs présentés aux partenaires financiers seront adoptés lors de la table ronde organisée à Paris en novembre 2023.
Concernant l’épineux problème du déplacement des populations de la Cemac sur le plans aérien, peut-on s’attendre à la création de la compagnie Cemac au cours du quinquennat?
La compagnie aérienne Air Cemac était un projet proposé par l’organe supérieur de la Communauté. La Commission dans le passé a travaillé au-delà pour réaliser des structures qui n’ont pas abouti. Avec le temps et malgré les dépenses que les chefs d’État avaient consenties, l’organe supérieur a décidé d’annuler ce projet. Parce que les fonds mis à la disposition par les États étaient mal gérés. L’orientation de la création de cette compagnie aérienne était mauvaise. Air Cemac dans sa construction initiale était pour garantir les liaisons entre les capitales des pays membre de la Cemac. Ce qui était proposé à l’époque était pour faire la concurrence avec les autres compagnies aériennes. Le partenaire qui devait prendre une partie des actions de cette compagnie aérienne a abandonné le projet. Parce qu’il ne voulait pas de concurrence entre la compagnie Air Cemac et les autres compagnies européennes. Dans notre projet, nous n’avons pas encore réfléchi à la création d’une compagnie aérienne. Nous priorisons d’autres actions que nous allons élaborer ensemble et présenter à nos supérieurs pour son adoption. La Cemac peut soutenir une compagnie privée dans les six États, en essayant de revoir à la baisse certaines taxes qui peuvent pénaliser l’efficacité de cette compagnie.
Plusieurs écoles et institutions supérieures appartiennent déjà à la Cemac. Peut-on attendre la création d’une université d’enseignement général?
Toutes les années, les recteurs des universités de l’Afrique centrale se réunissent. Il y a un projet piloté par la Commission de la Cemac. Celui d’essayer d’élever certaines universités au niveau des centres d’excellence universitaire de la Communauté. Les études sont en cours. Nous n’avons pas encore focalisé l’attention dessus. Les commissaires responsables de ces départements vont revoir les dossiers concernés et les actualiser en fonction des universités qui se sont inscrites pour une transformation en centre d’excellence universitaire communautaire. Le nouveau commissaire va dynamiser ce processus. Il ne s’agit pas de créer une université de la Communauté. Celles qui existent peuvent valablement former nos étudiants. Ce qu’on avait prévu pendant la réforme institutionnelle, c’est prioriser la libre circulation des étudiants inscrits dans les universités communautaires reconnues.
S’agissant de la fusion entre la CEEAC et la Cemac, quelle est la place qu’occupera ce projet dans la nouvelle dynamique?
Les dirigeants de la Cemac sont en train de définir sur les projets prioritaires afin de dynamiser le processus d’intégration dans la zone Cemac. Pour la rationalisation des deux institutions, il y a un Comité de pilotage qui est créé et il y a aussi une partie des actions de la réforme de la CEEAC dont nous attendons qu’elles s’achèvent. Après l’adoption des textes révisés en 2020 à Libreville, il était question de créer encore d’autres institutions communautaires comme le parlement régional, la Banque de développement régionale, la Cour de justice régionale, la Cour des Comptes pour compléter la réforme de la CEEAC. Le Copil CERs piloté par un ministre de la sous-région est en train d’élaborer les textes qui vont aller au-delà, pour fusionner les deux institutions. Au niveau du Conseil des ministres, il y a un traité qui était adopté, mais qui sera complété lors du Sommet des chefs d’État. S’il y a une volonté politique des onze États membres de la CEEAC, l’Union économique peut être mise en application. Mais pour l’Union monétaire, il en faut encore du temps.
La plupart des démembrements de la Commission de la Cemac éprouvent des difficultés structurelles qui en font des entreprises fondamentalement déficitaires et partant, inopérantes. Comment sortir de cet étau?
Ce n’est pas de la responsabilité de la Commission et encore moins des institutions communautaires de résoudre le problème du secteur privé. Les sociétés elles-mêmes vont jouer leur rôle d’acteur pour développer l’économie. Quant aux entreprises en difficulté, c’est à elles de sortir de cette crise. Ce n’est pas un projet communautaire. Nous somme une Commission et les institutions communautaires vont jouer le rôle d’assistance.
Sur la politique d’intégration sous-régionale, êtes-vous optimiste pour la suite?
Bien sûr avec le dynamisme que nous allons entreprendre après cette réflexion, l’intégration sous- régionale sera renforcée. À condition que chaque responsable soit à la hauteur des défis, pour réaliser les actions prévues dans nos programmes qui seront élaborés dans la collégialité.
Y a-t-il des innovations avec vous pour que les choses se concrétisent finalement?
Toutes les préoccupations manifestées par les institutions spécialisées et nos programmes seront fusionnés pour élaborer un plan de stratégie de la Communauté. Les actions et les préoccupations manifestées feront l’objet d’une prévision dans l’élaboration du budget 2024.
Le Programme économique régional de la Cemac ambitionne en 2025 de faire de l’espace communautaire un espace émergent et intégré. Nous sommes à deux ans de cette échéance adoptée en 2010. Est-ce que ses objectifs seront atteints?
Le programme économique régional (PER) le prévoyait et nous maintenons de le dire. Nous allons faire une révision de l’état d’exécution des projets prioritaires élaborés en 2010. Avant de commencer avec l’exécution de nouveaux programmes, nous devons savoir quel est l’état d’exécution de tous ces projets, pour voir quels sont les projets qui ont été exécutés et ceux qui ne le sont pas encore. Cela nous permettra de faire une reprogrammation. 2025 était une vision et elle continue de l’être. Alors, quelles sont les actions qui ont été exécutées afin que la Cemac trouve une situation de satisfaction. On va évaluer, puis réajuster le PER.
Quel est le regard de la Commission sur la crypto-monnaie au regard des mutations actuelles?
La problématique de la crypto-monnaie est une responsabilité de l’institut d’émission (Beac), qui réalise une réflexion et une étude à présenter à l’organe supérieur de la Communauté. Ce n’est pas la responsabilité directe de la Commission. Parce que le gouverneur de la Banque centrale a eu un mandat de travailler en concertation avec la Commission pour faire des propositions sur cette monnaie électronique. C’est une responsabilité directe de la Banque centrale pour faire des réflexions et apporter des propositions.
Interview proposée par Diane Kenfack