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Journal Intégration

Étiquette : Environnement des affaires

  • Environnement des affaires : Ces frontières que la Cemac érige en murailles !

    Environnement des affaires : Ces frontières que la Cemac érige en murailles !

    L’un des leviers importants à actionner pour sortir la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) est d’intensifier les échanges entre les 6 pays. Principalement, la voie terrestre demeure privilégiée dans la réalisation de ce processus. Or, le Doing Business 2019 observe que malgré l’existence d’un régime préférentiel en termes de tarif de libre échange et l’union douanière, les frontières des 6 pays de la Cemac sont de véritables murailles. En importation comme en exportation, les procédures et documents administratifs sont énormes. Ce qui induit des pertes de temps considérables. Toute chose qui conduit les acteurs du commerce transfrontalier à mener leurs activités dans l’informel.

    Selon la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), une opération commerciale internationale moyenne implique entre 20 et 30 parties. Le commerce transf

    Des véhicules à la frontière Cameroun-RCA

    rontalier, lui, inclut non seulement des acteurs gouvernementaux tels que les douanes et les autorités portuaires, mais également des courtiers, des banques commerciales, des vendeurs, des compagnies d’assurance et des transitaires. La réalité dans la Cemac est parfois tout autre. L’une des réformes phares prônées par le Doing Business, pour faire des frontières des hubs d’affaire, est le décloisonnement des acteurs au niveau des frontières ainsi que la formation du personnel douanier.

     

     

     

    Le temps et le coût des procédures aux frontières des États membres sont les principales entorses au commerce transfrontalier.

    Les 6 États membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) appartiennent à deux communautés économiques. Outre la Cemac, ils appartiennent tous à la communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac). Dans ces deux configurations régionales, des régimes douaniers préférentiels existent pour faciliter les affaires. Bien plus, ces pays ont ratifié l’accord de l’organisation mondiale du commerce (OMC) sur la facilité des échanges. Or, les pays de la Cemac présentent des tarifications et des temps de passage à la douane qui sont tous aussi différents d’un pays à un autre. En plus, de manière uniforme, les procédures sont couteuses et lourdes.

    Exportations
    Pour ce qui est des exportations, les indicateurs du Doing Business démontrent qu’il faut en moyenne plus de 3 jours (89,16 heures) pour être en règle en termes de documents. Une fois à la frontière, c’est en moyenne plus de 6 jours qu’il faut attendre pour être en conformité. Le récent rapport de la Banque mondiale sur les marchés agricoles dans la Cemac indique d’ailleurs que pour échapper à ce problème, certains opérateurs économiques procédaient à des injections de substances pour conserver certains aliments en bon état de consommation.

    À côté des contraintes de temps, il y a les coûts des procédures qui sont, eux aussi, exubérants. Pour ce qui est de la conformité documentaire, il faut dépenser en moyenne 847,33 dollars (487.260,95 FCFA). Au niveau de la frontière, c’est de 991,66 dollars (570.214,06 FCFA) dont il faut s’acquitter. Pour exporter dans la Cemac, un opérateur économique, n’étant peut-être pas éligible au tarif préférentiel généralisé, a besoin de 1.057.475,01 (un million cinquante-sept mille quatre cent soixante-quinze) en moyenne.

    Importation
    La logique est identique pour ce qui est des importations. Avec 170,5 heures (7 jours) et 400 dollars (230.026 FCFA) pour les conformités documentaires. À la frontière, c’est 226 heures (9 jours) et 1112 dollars (639.470 FCFA) pour les conformités. Soit 16 jours et 869.496 FCFA.

    Optimisation
    Pour améliorer la performance du passage des frontières, le rapport suggère que les pays évoluent vers le traitement électronique des documents destinés à l’exportation et à l’importation. À l’effet de fluidifier les transactions, il invite les pays à améliorer l’infrastructure frontalière, en adoptant le poste-frontière unique et la qualité des corridors routiers régionaux. À titre d’illustration, le Rwanda a réduit le délai de mise en conformité à la frontière. Il a ainsi affecté du personnel de l’administration fiscale rwandaise et de l’administration fiscale tanzanienne au poste-frontière à guichet unique de Rusomo.

    Le commerce régional, dans l’espace Cemac, se produit principalement par voie informelle et n’est pas systématiquement enregistré dans les systèmes de données nationaux. Selon une étude sur le commerce informel, réalisée en 2015 par Robert Nkendah, «un peu plus de 155.000 tonnes de produits agricoles et horticoles non enregistrés ont été expédiées du Cameroun vers ses voisins de la CEMAC en 2008. Ces transactions avaient une valeur estimée à près de 38 milliards FCFA (environ 85 millions USD, taux de change moyen de 2008), représentant 0,4 % du PIB enregistré du Cameroun. La sous-déclaration du commerce se retrouve également au niveau des données officielles sur les biens importés». Au nombre des mobiles de cette grande activité informelle, l’étude évoque les formalités administratives et douanières décourageantes pour les opérateurs économiques.

    Zacharie Roger Mbarga

     

    Réforme des administrations douanières

    Le renforcement des capacités du personnel douanier sur les instruments et réformes de facilitation des échanges permettra directement d’agir sur les acteurs aux frontières.

    Selon l’organisation mondiale des douanes (OMD), la formation régulière des fonctionnaires des douanes et des courtiers en douane est positivement associée à une réduction des délais de conformité des documents et des frontières. La formation est également liée à la mise en œuvre réussie des réformes commerciales. En effet, la plupart des économies qui ont mis en œuvre des réformes commerciales telles que décrites par le Doing Business 2019 dispensent une formation régulière aux agents de dédouanement.

    Les agents des douanes effectuent plusieurs tâches notamment l’évaluation, les contrôles documentaires, les inspections physiques de la cargaison et les audits post-dédouanement entre autres. Ce sont ces mêmes agents des douanes qui préparent la documentation commerciale afin d’assurer le bon transfert de la cargaison. Compte tenu de ces tâches, le Doing Business estime que la communication et la formation sur les nouveaux processus, ainsi que sur les développements informatiques, sont essentielles. La facilitation des échanges étant un catalyseur de la croissance économique, former les parties prenantes à l’adoption efficace des réformes commerciales devrait constituer une priorité essentielle du gouvernement. Les données de Doing Business indiquent que le temps moyen nécessaire pour le dédouanement (exportations et importations) est environ 34 % plus court dans les économies où les agents de dédouanement reçoivent une formation régulière, par rapport à ceux où aucune formation n’est dispensée.

    Moyens opératoires
    Bien que les agences des douanes soient traditionnellement responsables de la collecte des recettes, de la gestion des frontières et de la prévention de la fraude, elles sont désormais censées rationaliser les processus de dédouanement, tout en garantissant la sécurité des frontières. Le nouveau rôle « dynamique » des agences des douanes exige que les agents de dédouanement maintiennent un haut niveau d’efficacité, de connaissance et de responsabilité, soulignant ainsi la nécessité d’un personnel douanier bien formé.
    En règle générale, les gouvernements sont chargés de concevoir et de mettre en œuvre leurs programmes nationaux de facilitation du commerce. Pour cette raison, ils sont souvent les mieux placés pour diriger les stratégies d’éducation et de communication des parties prenantes au sein de leurs administrations des douanes et de leurs comités nationaux de facilitation des échanges.

    Expérience
    Au Cap-Vert, la formation régulière des fonctionnaires des douanes a aidé le pays à mettre à niveau son système automatisé de gestion des données douanières. En janvier 2016, le pays est passé ainsi de SYDONIA ++ à ASYCUDA World, le système le plus actualisé et le plus répandu de gestion des données douanières. C’est le programme de coopération technique le plus important de la CNUCED, couvrant plus de 80 pays et 4 projets régionaux. Tout au long de l’année, le Cap-Vert a dispensé des formations aux fonctionnaires des douanes, aux courtiers et aux négociants. Ceci a permis à ces acteurs de se familiariser avec le nouveau système. La résultante a été la réduction de 24 heures, du temps de conformité des documents, tant pour les exportations que pour les exportations.

    Zacharie Roger Mbarga

     

    Le mauvais classement des pays de la CEMAC s’explique par l’insuffisance des réformes

    Socrates Foungou Segnou

    L’intégration pourrait faciliter l’effet d’entrainement dans la mise en œuvre de certaines mesures. Le renforcement des institutions à vocation régionale leur permettrait, à coup sûr, d’impulser des ajustements bénéfiques aux pays. L’élargissement du marché grâce à la libre circulation des biens et des personnes profiterait au développement des entreprises et aux commerces transfrontaliers figurant au rapport Doing Business

    Ingénieur financier, chercheur en Économie du développement et spécialiste en innovations financières, mécanismes de financements innovants et marchés des matières premières, il analyse les mobiles du classement peu flatteur des pays de la Cemac dans le Doing Business 2019. Notre expert démontre la valeur ajoutée de l’intégration régionale comme moyen d’optimisation des réformes pouvant faciliter les affaires dans la sous-région.

     

    À la lumière de la publication du dernier Doing Business, les pays de la Cemac sont classés entre la 166e et la 183e place. Qu’est-ce que cela vous suggère ?
    Une évolution récurrente en dent de scie depuis quelques années et qui, dans une analyse du panorama international marqué par la compétition commerciale entre les pays, peut s’interpréter comme une régression. Et pourtant le rapport Doing Business porte l’Afrique subsaharienne au-devant des pays les plus réformateurs depuis 2012. La publication du 16e rapport Doing Business 2019 ne déroge pas à la règle, avec pas moins de 107 réformes menées par ces pays, dont quatre figurent dans le top 10 mondial. Il s’agit notamment du Togo, du Kenya, de la Cote d’ivoire et du Rwanda.

    Le classement des pays de la CEMAC est effectivement peu encourageant, avec respectivement sur un ranking de 190 pays, le Cameroun (qui passe de la 163e à la 166e, avec +0,83 point), le Gabon (qui passe de la 167e à ma 169e, avec -0,23 point), la Guinée équatoriale (qui passe de la 173e à la 177e avec +0,27 point), la République du Congo (qui passe de la 179e à la 180e avec +0,36 point), le Tchad (qui passe de la 180e à la 181e, avec +1,15 point) et la Centrafrique (qui passe de la 184e à la 183e, avec +2,67 points). En effet, si ce mauvais classement des pays de la CEMAC vient en grande partie de ce qu’ils cumulent au cours des trois dernières années moins de 20 réformes, il ne faut pas soustraire les causes profondes. Celles-ci sont relatives d’une part au management peu variant qui caractérise ces pays (les changements de gouvernement sont de nature à insuffler un souffle nouveau et surtout des pratiques nouvelles qui, quelques fois, sont bénéfiques) ; d’autre part, un autre marqueur fort des pays de la CEMAC, c’est une absence des réformes notables dans le secteur des PME et de l’économie informelle (qui constituent la 90 % des initiatives d’investissement privés).

    On constate que les innovations permettant l’accès à la propriété foncière ou au crédit pour les petits investisseurs tardent à se mettre en œuvre. Ces PME sont aussi victimes de l’insolvabilité de leurs créanciers où figure en bonne place l’État, et ne disposent pas des ressources financières pour des procédures de recours juridiques couteuses en absence d’un cadre légal bien aménagé. Cependant, depuis 2010, les pays de la CEMAC disent mettre en œuvre des politiques globales et sectorielles visant à améliorer le climat des affaires et stimuler l’investissement dans les lieux d’origine des lois sur l’incitation des investissements et des institutions d’accompagnement des entreprises. Ces mesures, en plus de ne pas avoir un effet réformateur immédiat, mettent l’accent sur les dispositifs permettant d’attirer les IDEs, au détriment des dispositions d’incitation locales dans lesquelles ont brillé les pays africains les plus réformateurs, à l’instar du Rwanda et du Kenya.

    Deux ans après le sommet de Yaoundé, les réformes structurelles tardent à voir le jour, en particulier celles devant améliorer l’environnement des affaires. Quelle analyse faites-vous ?
    Il faut dire que le sommet extraordinaire de Yaoundé fut une rencontre de crise entre les chefs d’État de la CEMAC. En théorie, les crises sont des opportunités de réforme, les économies sont plus susceptibles de mettre en œuvre des réformes de la réglementation dans les domaines mesurés par Doing Business en cas de difficultés budgétaires. « Une crise économique crée une motivation plus forte pour la réforme qu’un changement de gouvernement » (Rapport Doing Business, 2018).

    L’une des résolutions figurant au 17e point du rapport final mentionne effectivement la nécessite d’améliorer substantiellement le climat des affaires en zone CEMAC, afin de promouvoir de manière vigoureuse l’activité économique créatrice de richesses. Le paradoxe est cependant celui de vouloir mener des réformes parfois couteuses sur les finances publiques, tout en s’engageant, à l’occasion du même sommet, dans des programmes de resserrement budgétaire avec les institutions de Brettons Wood. Les tensions monétaires ont été au plus haut au cours des deux dernières années, avec la réduction significative des réserves de change, le ralentissement de la croissance et la dynamique inquiétante de l’endettement. Toutes choses qui justifient que le déploiement des États sur le terrain des réformes dans la pratique des affaires ait manqué de moyen.

    Les pays de la Cemac restent moins réformateurs en matière de création d’entreprise, de transfert de propriété, de raccordement à l’électricité, d’insuffisance de Commerce transfrontalier, de législation des affaires et du marché du travail, d’exécution des contrats et de résolution de l’insolvabilité. Quelle est la situation ?
    En effet, sur les 11 indicateurs utilisés par le Doing Business pour mesurer les réformes utiles au développement des affaires (création d’entreprise, obtention d’un permis de construire, raccordement à l’électricité, transfert de propriété, obtention de prêts, protection des investisseurs minoritaires, paiement des taxes et impôts, commerce transfrontalier, exécution des contrats, règlement de l’insolvabilité et régulation du marché du travail) les indicateurs que vous citez reçoivent les cotations les plus basses et sont donc de nature à abaisser la note globale.

    Si l’on s’intéresse à ces indicateurs au cas par cas, on peut relever des constats importants. De prime à bord, le « règlement de l’insolvabilité » qui, selon le rapport, n’est pas un problème propre aux économies de la CEMAC. En effet, l’ensemble des pays d’Afrique Subsaharienne accuse un retard important du point de vue de cet indicateur par rapport aux grands pays notamment ceux de l’OCDE. Concernant la création d’entreprise, le Tchad, le Gabon et le Cameroun marquent des points dans la mise en place d’un guichet unique pour les formalités de création d’entreprise, alors que la Centrafrique se distingue par la réduction du capital minimum pour les sociétés formelles. Il reste cependant fort à faire, notamment quant à la dématérialisation totale du processus de création d’entreprise, et qui pourrait considérablement réduire les coûts de mise en place des nouvelles entités.

    En matière de réformes portant sur l’accès au permis de construire et le raccordement à l’électricité, seul le Gabon se démarque. En effet, il a, dans le premier cas, adopté un nouveau code encadrant les permis de bâtir, sous l’égide de l’Agence Nationale de l’Urbanisme, des Travaux topographiques et du Cadastre (ANUTTC). Dans le second cas, il a été question de l’amélioration de la transparence dans les tarifs ainsi que des facilités de raccordement au réseau. Pour ce qui est du transfert de propriété, le Tchad s’illustre grâce aux réformes mises en œuvre par l’Agence Nationale des Investissements et des Exportations (ANIE), en faveur de son Plan stratégique 2014-2018, et consistant en une réduction de divers frais et taxes sur les procédures. Aucune autre réforme importante à mettre à l’actif des pays de la CEMAC en dehors de «l’exécution des contrats» ou l’ensemble des pays membres de l’OHADA ont adopté des mécanismes alternatifs de règlement des différends.
    Dans l’ensemble, très peu de réformes notables, ce qui justifie le fléchissement dans le classement Doing Business.

    On s’en rend pourtant compte, l’intégration régionale plus approfondie, à laquelle les institutions de Bretton Woods et des Nations unies invitent ces pays pourrait régler tout cela. S’agit-il d’un vœu pieux, ou alors les États peuvent-ils capitaliser à travers des stratégies régionales ?
    Peut-être pas créer un bond en avant (les réformes restent individuelles et les pays les plus réformateurs ne sont pas pour autant les plus intégrés), mais l’intégration pourrait faciliter l’effet d’entrainement dans la mise en œuvre de certaines mesures. Le renforcement des institutions à vocation régionale leur permettrait à coup sûr d’impulser des ajustements bénéfiques aux pays. L’élargissement du marché grâce à la libre circulation des biens et des personnes profiterait au développement des entreprises et aux commerces transfrontaliers figurant au rapport Doing Business. L’intégration régionale pourrait aussi harmoniser certaines procédures en les rendant moins complexes, toutes choses qui seraient bénéfiques au classement des pays de la CEMAC.

    Peut-on réellement faire autrement que ce qui est visible à l’heure actuelle dans la Cemac ?
    En effet, même si le rapport se félicite d’avoir inspiré, depuis son avènement en 2003, plus de 3500 réformes, notons que, sans briller fondamentalement du point de vue du classement, on peut très bien s’affirmer comme puissance économique à l’instar de l’Afrique du Sud (seulement 82e) et du Nigéria (146e). Dans bien des cas, les réformes, parfois couteuses, se mettent en place plus aisément lorsque le pays s’est fortement développé, en mettant l’accent sur d’autres créneaux comme le commerce des matières premières comme ce fut le cas pour les Émirats Arabes unis. Un développement analogue pourrait être fait par les pays de la CEMAC (pour la plupart exportateur de pétrole), mais ça reste une stratégie risquée à cause de l’exposition à la dégradation des termes de l’échange à l’international. C’est pourquoi l’accent est mis sur la diversification des sources de création de richesse, ce qui oblige les pays d’Afrique Centrale à assainir leur environnement des affaires pour stimuler l’investissement. Si des pays à niveau de développement comparable ont réussi nombre de réformes qui ont apprécié leur classement [ Rwanda (52 réformes), le Kenya (32) et Maurice (31) ], l’on a toutes les raisons de penser que l’exercice reste accessible aux pays de la CEMAC. Tout cela doit cependant s’inscrire dans une nouvelle culture managériale.

    Propos recueillis par
    Zacharie Roger Mbarga

     

     

  • Environnement des affaires : La Cemac recule

    Environnement des affaires : La Cemac recule

    En décembre 2016, le sommet extraordinaire de la Cemac de Yaoundé a consacré l’amélioration substantielle du climat des affaires comme l’un des piliers de la sortie du marasme économique actuel. Les pays de la Cemac, deux ans après, continuent de reculer dans le classement de la Banque mondiale. À l’exception de la Centrafrique et dans une moindre mesure de la Guinée Équatoriale, tous les pays de l’espace communautaire reculent dans le classement depuis 2017.

    Cette fois, la performance est inférieure à celle de l’Afrique subsaharienne. En implémentant 107 réformes l’an dernier contre 83 l’année précédente, cette partie du continent enregistre un nouveau record pour la troisième année consécutive : au moins une réforme dans 40 des 48 économies de cette zone. La région compte d’ailleurs quatre des 10 économies les plus réformatrices de cette année : le Togo, le Kenya, la Côte d’Ivoire et le Rwanda. Si les réformes introduites par les pays d’Afrique subsaharienne couvrent un grand nombre de domaines, beaucoup concernent le transfert de propriété et le règlement de l’insolvabilité.

    La Cemac est donc l’une des régions les moins réformatrices du monde, tout au moins sur le plan de l’amélioration des affaires. Le dossier propose une large vue du déficit dans lequel la Cemac se plonge davantage, obérant un peu plus, et sur la base de sa propre feuille de route, ses chances d’une sortie planifiée de cette crise économique.

    Environnement des affaires

    La Cemac dans le brouillard

    Avec une moyenne pondérée de 41,89 en matière de facilité à faire les affaires, la sous-région se situe parmi les 15 performances (178e) mondiales les moins réformatrices et donc les moins attractives.

    Les pays de la Cemac, comme ceux de l’Afrique subsaharienne, ont entrepris des réformes. Au total, 16 réformes ont été engagées entre juin 2017 et mai 2018. Le Gabon est, de loin, le pays le plus réformateur, avec 6 rénovations socioéconomiques mises en œuvre au cours de la période identifiée. Mais dans l’ensemble, les pays sont de très loin compétitifs. Pour démarrer une affaire, il faut attendre en moyenne 34,5 jours, et avoir satisfait au moins à 9,5 procédures.

    L’accès au crédit est un autre serpent de mer dans la région. L’indice de solidité des droits légaux s’établit à 6. Celui de l’information sur la profondeur du crédit se fixe en moyenne à 1,83 et la couverture du registre de crédit frôle à peine les 11,4% d’adultes.

    Une fois qu’on veut installer une affaire, on est confronté au problème de la fourniture d’électricité. L’opérateur économique en zone Cemac est en moyenne connecté à l’électricité après 103 jours et 5,5 procédures. L’administration fiscale vient parachever cette course des opérateurs économiques contre eux-mêmes en zone Cemac. Le Doing business 2019 révèle que les entreprises perdent en moyenne 62,55 % de leurs bénéfices dans les taxes et contributions. De même, tous les contribuables (privés et publics) effectuent 50 paiements de taxes en moyenne par an. Ils perdent ainsi 600 heures (soit 25 jours) à essayer de régulariser leur situation fiscale.

    D’où le point de vue de l’économiste gabonais May Mouissi : «tandis que les pays de la Cemac font des rénovations d’étapes et n’avancent que très peu, les autres pays, désireux d’attirer des investisseurs, y vont fondamentalement. C’est faute de faire du surplace que l’Afrique centrale généralement se retrouve en arrière-train».

    Léthargie
    La résolution 17 du sommet extraordinaire de la Cemac de 2016 à Yaoundé stipule que les chefs d’État ont décidé de «renouveler leur engagement commun, ainsi que leur détermination à améliorer substantiellement le climat des affaires en zone CEMAC, afin de promouvoir de manière vigoureuse l’activité économique créatrice de richesses, et mobiliser de façon optimale les recettes fiscales internes». À côté de la diversification des économies, l’amélioration de l’environnement des affaires fait partie des réformes structurelles que la Cemac s’est engagée à implémenter. Ces mesures visent à permettre aux 6 pays de la sous-région de sortir du climat économique critique actuel, en plus de raffermir leurs économies pour mieux résister aux chocs exogènes.

    Dans son allocution, en ouverture du récent sommet extraordinaire de la Cemac, le président de la commission de la Cemac a réitéré l’emphase qu’il fallait désormais porter à la mise en œuvre des réformes. Daniel Ona Ondo disait alors qu’«il est plus que jamais impératif d’accélérer les réformes structurelles en cours visant la diversification de l’économie, l’amélioration du climat des affaires et l’approfondissement de l’intégration régionale».

    Zacharie Roger Mbarga

    Les pays et les réformes 

    Cameroun
    166e en 2019, 163e en 2018 et 166e en 2017.
    2 réformes :
    En matière de création d’entreprise, le Cameroun a facilité la création d’une entreprise en publiant en ligne les avis de constitution de société via le guichet unique. En matière d’exécution des contrats, l’État a adopté une loi réglementant tous les aspects de la médiation en tant que mécanisme alternatif de résolution des conflits.

    Gabon
    169e en 2019, 167e en 2018 et 164e en 2017.
    6 réformes :
    Pour la création d’entreprise, le Gabon publie désormais un avis d’incorporation avec l’enregistrement de la société auprès du guichet unique.
    Pour les permis de construire, le pays a mis en œuvre la responsabilité décennale et a réduit les coûts d’obtention d’une autorisation de sécurité incendie.

    En matière de branchement à l’électricité, l’État procède désormais à l’enregistrement des données pour l’indice annuel moyen de la durée de coupure du système et l’indice moyen de fréquence des interruptions du système. En outre, le régulateur national contrôle désormais les performances du service public sur l’effectivité de l’approvisionnement.

    Pour l’enregistrement d’un bien immobilier, la transparence du cadastre est désormais de mise. En matière fiscale, deux taxes supplémentaires sont prélevées : la taxe spéciale de contribution de solidarité et la taxe de formation professionnelle.

    Pour ce qui est de l’exécution des contrats, le Gabon s’est aligné sur le régime camerounais.

    Guinée Équatoriale
    177e en 2019, 173e en 2018 et 178e en 2017.
    1 réforme :
    Pour améliorer l’exécution des contrats, la Guinée Équatoriale s’est alignée sur le régime du Cameroun.

    Congo
    180e en 2019, 179e en 2018 et 177e en 2017.
    2 réformes :
    En vue d’optimiser l’enregistrement de propriété, le Congo a réduit les frais de transfert de propriété. Pour ce qui est de l’exécution des contrats, l’État a réformé en suivant le régime du Cameroun.

    Tchad
    181e en 2019, 180e en 2018 et en 2017.
    3 réformes :
    Pour fluidifier la création d’entreprises, l’enregistrement des statuts se fait auprès du Guichet unique. En matière d’enregistrement de propriété, l’État tchadien a réduit de moitié les frais d’enregistrement. Pour ce qui est de l’exécution des contrats, le Tchad a réformé sur le modèle camerounais.

    RCA
    183e en 2019, 184e en 2018 et 185e en 2017.
    2 réformes :
    Pour faciliter la création d’entreprises, la République centrafricaine a réduit le capital minimum requis pour la constitution d’une société. Pour ce qui est de l’exécution des contrats, elle applique la réforme du Cameroun.

    ZRM

     

    Martin EYEBE SOPPO

    Pour qu’on puisse penser dévaluation du Fcfa, il faudrait que l’une des devises constituant nos réserves de change perdent sa valeur d’origine

    « L’objectif de la zone qui lance une politique de dévaluation est d’améliorer la balance commerciale. Mais il faudrait être propriétaire de la monnaie émise. Nous avons une réserve de change dont on reçoit une quotité, l’Euro, qu’on n’émet pas et qui ne correspond pas à l’offre globale des économies

    L’expert en problèmes économiques et financiers est titulaire d’un 3e cycle en sciences des organisations option finance d’entreprise, marchés financiers, marchés de capitaux et bourse de commerce. Il est diplômé du CBOT (Chicago Board of Trade) à Chicago et à Philadelphie en bourse d’instrumentalisation de capitaux pour des options négociables. Il estime que l’instrument monétaire de la zone Franc est un avatar. Et donc l’optimisation de la compétitivité des économies de la Cemac devrait passer soit par la dévaluation des avoirs du Fmi soit par la dévaluation de l’Euro. Il nous livre sa théorie en exclusivité !

    Sommes-nous réellement concernés par le mécanisme de dévaluation, dans la zone Franc, par rapport à nos réserves de change ?
    Aujourd’hui, la Bourse de Paris est attendue en baisse dans le sillage de Wall Street et des marchés asiatiques après un communiqué de la Fed qui laisse la porte ouverte à une hausse des taux en décembre.
    En fait, nous sommes en plein dans la théorie des avantages comparatifs. Une vraie conjonction des théories économiques qui permettent de comprendre pourquoi une dévaluation est possible ou non. Ici l’Etat peut décider politiquement de dévaluer pour des raisons stratégiques autres que techniques. Mais ayons toujours en mémoire, tel que nous l’avons déjà évoqué, que les réserves de change sont les moyens de règlement dont disposent les autorités monétaires d’un pays ou d’une zone. C’est à dire la banque centrale ici la B.E.A.C, pour solder les déficits de la balance des paiements de la zone envers l’étranger. Ces réserves sont libellées en devises étrangères dont l’émission ne nous appartient pas.

    Et, c’est dans ce couloir que se situent les exportations des pays de la zone CEMAC qui alimentent le compte des réserves de change. Nous sommes en phase avec le gouverneur de la BEAC pour dire qu’il n’y a aucune raison de dévaluer. Mais nous ajoutons aussi que les mécanismes propres à l’économie qui alimentent les options technique de dévaluation ou non n’indiquent pas une dévaluation. Alors pour qu’on puisse penser dévaluation du Fcfa, il faudrait que l’une des devises constituant nos réserves de change perde sa valeur d’origine. C’est-à-dire : dévaluation de l’euro ou du dollar ou d’autres éléments constituant réserves. En ce moment-là on va faire une pondération dans le panier et voir le pourcentage qu’on va pondérer au décrochage du FCFA. Cela signifie aussi que toute correction à la hausse devra aussi bénéficier au FCFA.

    La Banque des États de l’Afrique Centrale joue-t-elle son rôle ?
    Oui ! Elle joue techniquement son rôle sur les fonds qui lui sont alloués pour répondre aux positions de l’offre et de la demande monétaire. Mais elle voudrait bien jouer totalement ce rôle en fonction de la taille de l’économie de la CEMAC qu’elle couvre. Mais elle a des limites conjoncturelles.

    Pourquoi ?
    En théorie, les banques centrales ont d’abord été des banques commerciales dotées d’une charte et de privilèges plus ou moins étendus d’émission de billets en échange du financement de la dette publique. Cependant, leur définition et leurs fonctions ont évolué en même temps. À mesure que se développait l’usage de la monnaie scripturale émise par les différentes banques, la banque centrale est devenue la « banque des banques ». C’est-à-dire l’agent de leur refinancement.

    De ce fait, elle exerce une action directe sur leur liquidité en leur fournissant de la monnaie centrale. Dès lors, une question se pose : cette hiérarchisation des systèmes bancaires constatée de nos jours dans tous les grands pays est-elle le résultat d’interventions exogènes de la puissance publique ? Ou est-elle le fruit de forces endogènes propres à l’évolution des systèmes bancaires qui se seraient eux-mêmes dotés de banques de « premier rang » ?

    Le rôle de la banque centrale est aujourd’hui directement relié à l’unité et à la pérennité du système de paiement. Elle est la garante de la monnaie nationale et assure la confiance en elle. Pour cela, elle doit d’abord veiller à la stabilité de la valeur interne et externe de la monnaie.

    En pratique, les fonds alloués sont des valeurs de contrepartie d’une partie de la réserve de change à savoir l’euro qui nous permet d’avoir une parité fixe contre les autres valeurs de la réserve de change. Un mécanisme assez complexe !

    A notre avis, c’est sur cette valeur qu’il faut parler de dévaluation. Selon la conjonction des économistes évoquée plus haut, lorsqu’un gouvernement ou une zone, comme celle qui nous concerne, décide de relancer sa compétitivité économique, puisque la valeur de la monnaie baisse, les exportations augmentent. Cependant, les produits importés deviennent plus chers. L’objectif de la zone qui lance une politique de dévaluation est d’améliorer la balance commerciale. C’est le mécanisme classique appliqué à partir des théories contemporaines sur la croissance. Mais, il faudrait pour ce faire être propriétaire de la monnaie émise, nous avons une réserve de change dont on reçoit une quotité, l’euro, qu’on n’émet pas et qui ne correspond pas à l’offre globale des économies.

    Peut-on décider de la flexibilité de l’euro, le trésor n’étant pas la banque centrale européenne ?
    Nous craignons que ce soit difficile car les monnaies sont tout d’abord territoriales. Ensuite, elles sont interchangeables parce qu’elles obéissent à des chartes précises. En outre, leur masse correspond à l’offre et à la demande de leur zone d’émission. Sur la base de la masse des exportations de nos produits, nous avons une valeur dont les émissions hors zone ne correspondent pas à notre offre globale. Celle que génèrent nos produits à la consommation courante.

    Si on obéit à la théorie de la politique monétaire moderne, une dévaluation serait un abaissement officiel de la valeur de la monnaie d’un pays. Or nous n’avons pas de monnaie dans le cadre d’un système de taux de change fixe par lequel l’autorité monétaire fixe formellement un nouveau taux par rapport à une devise de référence ou à un panier de devises. Nous n’émettons pas, c’est ceux qui ont la devise étrangère qui ont une politique propre à eux-mêmes. Toutefois si on modifiait la parité du taux fixe, ce serait alors comme un billet de change ou une monnaie virtuelle dont les bénéficiaires seraient les pays de la zone.

    Que préconiser ?
    S’il y a une rupture brusque du mécanisme, cela va entrainer un choc qui va avoir des conséquences sur plusieurs économies européennes. Car en impactant une seule valeur du serpent monétaire qui constitue l’euro, il y aurait des répercutions spectaculaires au niveau du marché financier et surtout du marché européen de capitaux. Il faudrait peut-être garder la parité et observer la non convertibilité de la quotité qui nous revient sur le partage de valeur liées à l’exportation.

    Notre avis importe certainement peu ! Mais de notre point de vue, il serait judicieux de ne plus convertir en FCFA la quote-part en devises de la zone pour permettre à la BEAC au même titre que d’autres d’intervenir au forex. Cela permettrait, sans bouger la provision au compte du trésor français, de pouvoir se refinancer sur le marché financier à des taux intéressants à partir uniquement des primes dédiées comme effet de levier. L’avantage de ce procédé nous permettrait d’éviter les éventuelles dévaluations de contrepartie comme celle qui nous pend au nez.

    Pendant ce temps, la diversité des ventes internes, exportables vers d’autres directions, nous emmènerait un panier de devises qui renforcerait notre monnaie nationale. Il faut quand même savoir que sur nos produits courants, la banane plantain est consommée dans toute l’Afrique, le manioc est consommé en Asie et en Amérique latine. Le sésame et la gomme arabique sont consommés en Inde. Le maïs est consommé aux Etats-Unis et les ignames en Afrique du Sud. Toutes ces directions représentent des renforts potentiels en termes de réserve de change qui vont accélérer la croissance des produits tels que le cacao et autres en continuant d’alimenter le compte du trésor français.