Stimuler l’intégration régionale par l’intégration financière via le mobile money en Afrique centrale

Il a été démontré dans la littérature économique que le mobile money est un outil qui permet de réduire l’exclusion financière des populations dans les pays en développement.

 

De même, il constitue un moyen important pour atteindre l’objectif ultime d’une économie sans signes monétaires. Dans la sous-région, le nombre de transaction de mobile money est passé de 97 millions en 2016 à près de 1 milliard en 2020. D’après le rapport de la BEAC sur les services de paiement par monnaie électronique en 2020, les transactions de recharges, transferts, retraits et des paiements de services, ont été réalisées à hauteur de 93% par le truchement du mobile money. C’est donc un instrument qui émerge comme moyen privilégié de transferts de fonds dans la sous-région, représentant 99% des transactions. Par ailleurs, les compagnies de téléphonies mobiles opérant dans la sous-région ont quasiment adopté un service actif du mobile money depuis 2011. En cela, l’Afrique centrale présente les caractéristiques favorables à l’expansion de ce mode de paiement.

Par définition, le mobile money est un instrument de paiement non rattaché à un compte bancaire, mais plutôt stocké dans la carte SIM d’un téléphone mobile. Ce service ou application permet aux utilisateurs d’exécuter des ordres de dépôts de transfert de fonds, de payer des factures et de convertir en liquidité de la monnaie électronique à partir des points de vente agrées. Sur ce point, on peut dire que le mobile money fonctionne sur un mécanisme comparable aux cartes de crédit (Visa, Mastercard, etc.).

L’intérêt de faire du mobile money un outil d’intégration régionale en Afrique centrale découle du besoin sans cesse grandissant d’une intégration par le bas. La facilité d’accès et à l’utilisation à toutes les couches de la société qu’offre ce mode paiement peut entraîner un accroissement des échanges aussi bien financiers que commerciaux entre les agents économiques opérant dans la sous-région. En effet, la difficulté d’accès aux banques classiques par des populations vulnérables et le risque financier élevé qui les caractérise peut être minimisé par le mobile money et dynamiser les échanges extra-frontaliers entre les petits marchants et/ou commerçants. Pour aboutir à une intégration financière réussi par le mobile money, il est souhaitable d’élaborer un système d’interopérabilité entre les différents acteurs du système financier de la sous-région, et la définition d’un cadre réglementaire adéquat pour le fonctionnement du mobile money.

Le modèle collaboratif actuel sur lequel repose l’offre de paiement mobile, et qui consiste pour les banques classiques à émettre la monnaie électronique en s’appuyant sur un partenaire technique qui est ici un opérateur de téléphonie mobile, doit s’étendre à tous les acteurs de la téléphonie opérant dans l’ensemble de la sous-région. Au vu de la situation actuelle, il faut noter que le mobile money est distribué par plusieurs compagnies de téléphonie mobile, chacune ayant l’exclusivité dans la réalisation des transactions. Cette exclusivité donne l’impression que ces réseaux sont disjoints, ce qui va à l’encontre de l’interopérabilité souhaitée.

Par conséquent, la mise en place d’un mécanisme de coordination ou un système de messagerie inter-opérateur sur la monnaie électronique garantissant une meilleure tarification, offrirait des possibilités aux usagers de l’Afrique centrale d’effectuer des transactions avec un plus grand groupe de personne indépendamment de la nationalité ou de la compagnie de téléphonie mobile.

L’émergence des paiements basés sur l’infrastructure de téléphonie mobile est une innovation qui peut permettre en même temps l’inclusion financière en Afrique centrale mais également l’intégration régionale. L’effondrement des barrières aux frontières qui découle d’un système d’interopérabilité entre compagnie de téléphonie mobile peut réussir à dynamiser les échanges intra-CEEAC qui demeure encore à des niveaux très faibles pour une union économique, soit moins de 5% du commerce total sur la dernière décennie.

 

Par Charly ONDOBO TSALA, chercheur en Economie, Université de Ngaoundéré, chef de département des affaires économiques et statistiques OBSIC-AC.

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