Ces formations sanitaires sont tenues, plus que par le passé, à préserver la vie des parturientes et des enfants à naître.
Des comptes sont désormais demandés aux personnels des maternités pour chaque décès de parturientes enregistré dans les centres de santé. Le ministère de la Santé publique est devenu plus regardant sur les erreurs commises pendant la prise en charge de ces patientes. Et ses instructions sont plus fermes. D’autant plus que les statistiques nationales dressent un tableau noir de la situation. Le ratio de mortalité maternelle est passé de 430 décès pour 100.000 naissances vivantes en 1998 à 782 en 2011, lit-on dans le Programme multisectoriel de réduction de la mortalité maternelle et néonatale 2011-2020. «Nous sommes maintenant appelés à référer toutes les patientes présentant des complications de nature à engager leur pronostic vital. Il faut les transférer vers des hôpitaux présentant un meilleur plateau technique et une équipe médicale complète», explique Pauline Manga, sage-femme dans une formation privée à Yaoundé. La quinquagénaire ne tarit pas d’exemples tirés de son expérience pour mettre en lumière les situations qui peuvent contraindre au recours à cette mesure. «J’ai reçu une dame dans la nuit de lundi à mardi. Elle n’avait pas fait ses visites comme il fallait de sorte que je me retrouve donc face à un enfant en position transversale. La maman elle-même était tellement fatiguée. De tels cas sont extrêmement dangereux même pour le bébé. J’ai dû référer le patient vers un hôpital de référence en vue d’une césarienne. C’est là-bas qu’elle aurait dû directement se rendre si elle avait fait rigoureusement son suivi», se souvient-elle.
Les complications qui peuvent survenir durant l’accouchement sont de nature et d’origine diverses. Monique Baas, major à la maternité du Centre intégré de la Cité Sic à Douala, cite de mémoire la stagnation de la dilatation qui conduit à un travail anormalement long. Elle ajoute à cela, l’éclampsie, les difficultés dues à un bassin rétréci, l’hyper ou l’hypotension, et la consommation de quelques breuvages par les patientes. «Quelquefois, le personnel de santé lui-même est à l’origine des complications qui surviennent. Certains aiment faire des touchers vaginaux toutes les dix minutes ce qui n’est pas bon pour le col. Le timing est de deux heures. Et lorsqu’ils font cela quelques fois la femme à des saignements. On nous demande de respecter scrupuleusement toutes les recommandations parce qu’au final, deux vies sont en danger», relève-t-elle.
Nouvelles directives
La diplômée en soins infirmiers met par ailleurs en lumière l’étendue des nouvelles directives du ministère de la Santé publique. Celles-ci contraignent désormais le personnel des maternités à assurer le suivi des parturientes durant le transfert jusqu’à la fin de la prise en charge à l’hôpital. Un pari qui n’est pas toujours gagné face à la circonspection des familles. «On doit appeler le 1015 pour avoir une ambulance. Mais parfois on rencontre un membre de famille qui décide de mettre la femme sur la moto. Là, on ne peut que négocier pour recourir à un taxi parce que certaines femmes ont besoin de perfusion pendant le trajet», relate-t-elle.
L’utilisation des perfusions et injections est désormais récurrente pendant les accouchements. L’ocytocine y contenue crée une dynamique dans la dilatation du col de l’utérus. Le recours à ces intraveineuses change la donne en matière de gestion des complications. «Les nouvelles recommandations voudraient que la femme fasse normalement ses visites. Et si tu as été bien suivie, tu travailles normalement. S’il y a maintenant un problème, on peut intervenir avec une perfusion ou alors une injection de magnésium. Parce qu’à un moment quand le col fait comme s’il ne veut pas s’ouvrir, on fait une injection de magnésium sur le col. Ça va lâcher», indique Sidonie Dona, sage-femme dans une clinique privée du 5e arrondissement de Yaoundé. L’on apprend d’elle que la durée du travail chez une femme est de six à huit heures, surtout s’il s’agit d’une première portée. «Au-delà, la maman peut se retrouver en situation de vulnérabilité. Chez certaines, cela aboutit souvent à une extrême fatigue. Elle n’a même plus la force de pousser. C’est également un risque pour l’enfant qui peut boire le liquide amniotique ou écoper d’un stress, ce qui l’expose à des risques sur son développement neurologique», indique cette dernière. Elle est suivie dans cette lancée par Monique Baas. «Avant, il n’y avait pas ces recommandations parce qu’avant ces produits n’étaient pas toujours disponibles et on était obligés d’attendre jusqu’au moment où le corps allait agir seul et là on partait facilement à plusieurs jours. Imaginez la souffrance de la maman».
Rapport
Toutes ces professionnelles s’accordent sur un point. Toutes les expériences n’ont pas une fin heureuse. Il faut alors se plier aux contrôles des autorités sanitaires. Ceux-ci visent à déterminer exactement les causes de la mort. Le centre de santé demande des explications à ses employés. Un rapport est dressé et transmis au district qui se charge de le transmettre à la délégation régionale. Celle-ci se charge, après vérifications, de remonter l’information au ministère de la Santé publique suivant les standards. Cette étape n’est pas de tout repos. «J’avais reçu une jeune femme qui refusait d’obéir à toutes mes recommandations. D’abord, elle avait perdu les eaux longtemps avant son arrivée chez nous. Ce n’est pas bon et je ne parvenais à rien faire parce qu’elle ne voulait rien entendre. On a réussi à sortir le bébé par voie basse. Mais il avait besoin de réanimation. On a tout fait mais c’était tard. Seul le témoignage de sa sœur, présente dans la salle sur ma demande, a permis de me disculper devant la famille et mes supérieurs. Depuis-là, je réfère systématiquement ce genre de femmes», raconte Monique Baas. La professionnelle ne se lasse cependant pas de sensibiliser les femmes au respect scrupuleux des consultations prénatales, des examens médicaux; ainsi qu’à procéder aux quatre échographies recommandées.
Louise Nsana