Dans les quartiers populaires, l’on utilise ce sable pour la construction des maisons. Tellement il est prisé, les conflits éclatent parfois entre les voisins.
La construction de l’autoroute Yaoundé-Nsimalen ne crée pas seulement les malheureux auprès des populations autochtones, du fait du déguerpissement subi. Nombreux parmi ceux-ci en aussi tirent des bénéfices. Le cas de Joël Mveng, 30 ans révolus, et peintre. Ce jeune camerounais vivant à Meyo dans le 4e arrondissement de Yaoundé réussit l’exploit de construire une maison plain-pied moderne de trois chambres, deux douches et deux salons avec du sable de rigole. Un sable provenant des dépôts alimentant les travaux de réalisation de l’infrastructure. «Je ne pouvais jamais avoir les moyens financiers pour commander 4 ou 5 camions 10 roues de sables. Matériel constituant au moins 70% d’agrégat entrant dans la réalisation de cet ouvrage. La construction de l’autoroute m’a permis de le faire et aujourd’hui, je suis chez moi», renseigne le jeune homme. En fait, Joël construit sa maison avec les résidus de sable qu’il recueille dans les rigoles. «Lorsque les pluies tombaient, je jubilais. Parce qu’après, je me rendais dans les bas-fonds pour prendre le sable carrière et le gravier que je stockais. À un moment, j’ai commencé à taper les parpaings et lorsque j’ai eu plus de 2 000, je me suis lancé comme les blagues», relate-t-il. Joël dit avoir acheté uniquement le ciment pour le gros-œuvre. «Et les chinois m’aimaient, ils appelaient parfois pour prendre le béton restant à la fin de la journée», se souvient-t-il.
Le peintre est même devenu un modèle auprès des parents du village. «Tu ne peux pas construire une maison comme l’a fait ton aîné. Tu viens disputer la chambre avec ton petit frère», assène dame Nga. Cette maman fustige l’attitude irresponsable de son fils de 30 ans.
Vente
Sur l’axe Mvog-Mbi poste centrale, juste à côté d’une grande quincaillerie, Henri est un retraité recyclé dans la vente des sacs de sable. La saison de pluie est synonyme de vache grâce pour lui. C’est un sable original de couleur marron prélevé dans les rigoles après la tombée de la pluie. Il met son produit dans les sacs de ciment. «Je préfère les sacs d’une autre marque pour leur durabilité», explique-t-il. Il dit prélever pas moins de 30 sacs de sable après chaque pluie. Il vent le sac de sable à 200 FCFA. «Actuellement, j’ai une commande de 100 sacs et 87 sacs sont à la maison. Dès qu’il pleut à nouveau, je vais compléter», révèle le retraité. Son client a besoin de ce sable pour mélanger avec celui fin. «Il n’a pas assez de moyens pour acheter le sable Sanaga». Il se félicite d’ailleurs d’être un citoyen exemplaire. «Je cure les caniveaux et l’eau circule sans problème. Est-ce que cet endroit était comme ça avant?», se félicite-t-il.
Transformation
À Kondengui non loin de la prison centrale de Yaoundé, papa Mbarga utilise le sable des rigoles pour fabriquer les parpaings qu’il vend à un prix élevé. Un seul parpaing coûte 500 FCFA et le prix n’est pas discutable. À titre d’exemple, l’on apprend que sa propre maison, une villa de 5 chambres est entièrement construite avec ce sable. Les voisins sont les premiers à apprécier la qualité. «Les parpaings de papa Mbarga sont très solides. Nous les appelons les vibrés de Mbarga», précise Jean Ngoumou, voisin du fabricant. Mr Jacob lui attribue même la paternité de cette utilisation. «Je peux dire que c’est le premier à utiliser ce sable à Yaoundé. Il le ramasse depuis la fin des années 80», se souvient-il.
Conflit
Au quartier haoussa dans la ville de Mfou, les rigoles sont transformées en mines de sable exploitées par les riverains. Ici, l’extraction de ce sable laisse de gros trous. Et la récolte de cet agrégat pendant la saison pluvieuse, cause des tensions entre les voisins. Cela aboutit très souvent à des joutes verbales, des bagarres et plaintes sont parfois déposer auprès du chef de quartier. Au lendemain de la pluie du 21 septembre, la matinée du quartier est animée. Trois voisins se disputent les rigoles. Chacun d’eux à l’aide de pelles et de brouettes veut ramasser les alluvions drainées par la pluie. Mais M. Alo’o s’y oppose. «Sortez de ma parcelle, vous creusez et qui va boucher les trous, je vais avertir chez le chef. J’aime la paix», argumente le monsieur. M. Ayangma demande à son fils de continuer le ramassage. «La route n’est pas la propriété de quelqu’un», rétorque-t-il. M. Ottou le troisième cobelligérant est obligé de jouer les médiateurs. «Nous pouvons nous asseoir et trouver une solution. Pour ma part, je ne ramasse plus. Mais, M. Alo’o, vous ramassez souvent hors de votre sphère. À malin-malin et demi», prévient-t-il en partant chez lui.
André Gromyko Balla