Retraités de la Commission de la Cémac : Une bombe sociale en téléchargement

Les 24 milliards FCFA nécessaires à l’apurement de la dette sociale de l’institution communautaire n’étaient pas à l’ordre du jour le 17 mars dernier à Yaoundé. Le silence de la dernière Conférence des chefs d’Etat de la Cémac, face à la situation précaire des anciens fonctionnaires et premiers responsables des institutions, est interprété comme une condamnation à mort.

 

C’est l’un des grands oublis du 15ème Sommet ordinaire des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Volontaire ou non, le silence des plus hauts dirigeants de la sous-région sur la question de la dette sociale de la Communauté surprend plus d’un. En particulier les fonctionnaires communautaires et les premiers responsables des institutions sous-régionales retraités. Ces derniers sont enfermés «depuis plusieurs années dans une indigence totale», déplorait pour la énième fois en 2021 le Pr Daniel Ona Ondo. Le président sortant de la Commission de la Cemac n’a en effet de cesse d’alerter sur la gravité de la situation en constante dégradation. Considération faite également du coût humain déjà très important.
La facture s’élève en octobre 2022 à 23 777 696 000 FCFA contre 20 397 393 300 FCFA en décembre 2020, après avoir été de 18,685 milliards FCFA en août 2020. Sans que pour l’instant, ni les chefs d’État, ni le Conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) décident d’en faire une priorité, voire une urgence. «Tout cela n’émeut personne et on continue de nommer de nouveaux responsables qui viendront à leur tour augmenter encore la dette», s’indigne un ancien haut dirigeant d’une institution spécialisée de la Commission de la Cémac. Et de se demander: «à quand la fin de ce cercle infernal de l’endettement social communautaire?»

Chiffres
La dette sociale de la Cemac évaluée le 28 octobre 2022 à Yaoundé à 23,777 milliards FCFA se structure autour de plusieurs points. À savoir les dettes dues aux fournisseurs, les frais divers de personnel, les cotisations sociales, les frais de sessions et les indemnités de départ à la retraite. Cette dernière rubrique supporte à elle seule plus de la moitié du montant de la facture. Les données publiées en 2020 le confirment assez bien. Lesquelles font état au 30 décembre de cette année-là d’un montant des indemnités de départ à la retraite fixé à 10,4 milliards FCFA et des cotisations sociales de l’ordre de 2,4 milliards FCFA.

C’est la preuve par quatre de l’abandon à leur sort des premiers responsables des institutions et des fonctionnaires communautaires retraités après de bons et loyaux services rendus à la Communauté. L’autre versant du problème étant que les principales institutions de la Cemac concentrent également plus de la moitié de la dette sociale. Soit près de 14 milliards FCFA en décembre 2020. Ils sont répartis entre la Commission de la Cemac (4,66 milliards FCFA), le Parlement communautaire (2,22 milliards FCFA) et la Cour de justice (6,3 milliards FCFA).

Coût humain
Plusieurs clichés révèlent un tableau inquiétant de la vie après la Cemac. Les fonctionnaires retraités sont partout dans le même état d’esprit. Ils se disent «négligés par les ministres de l’UEAC». Qu’ils aient servi à la Commission de la Cemac, l’Issea, à l’Oceac ou dans n’importe quelle autre institution sous-régionale. «Certains sont dans l’incapacité de se soigner. D’autres sont même décédés et leurs familles ont de la peine à survivre», regrette le Pr Daniel Ona Ondo. Le dirigeant communautaire avait eu l’idée de faire participer et témoigner certains anciens premiers responsables des institutions de la Cemac lors de la session ordinaire de 2021 du Conseil des ministres de l’UEAC.
Car en effet, «il y a de la détresse derrière tout cela. Des commissaires, des directeurs des institutions spécialisées et autres retraités attendent toujours le paiement de leurs indemnités de cessation d’activité». D’autres sources évoquent aussi le cas «des familles de fonctionnaires décédés depuis 5 ou 6 ans qui attendent encore le paiement de leurs droits». Contrairement aux dispositions du règlement n0 03/09-UEAC-007-CM-20 du 11 décembre 2009 portant statut des fonctionnaires de la Cemac.

De quoi inquiéter et démobiliser les personnels et responsables encore en activité. «Si les dirigeants de la Communauté ne réagissent pas afin de régler cette question, l’intégration régionale ne sera pas une avancée pour les peuples», prévient l’un d’eux. Un nouvel indicateur qu’une bombe sociale est sur le point d’exploser en zone Cemac.

Plan d’apurement
Aucun plan d’apurement n’est pour l’instant validé par le Conseil des ministres de l’UEAC. Ce n’est pas faute pour la Commission de la Cemac d’avoir fait des propositions. Le ministre Alamine Ousmane Mey et ses pairs ont par exemple décidé, lors de leur 38ème session ordinaire le 28 octobre 2022, de reporter l’examen à une date ultérieure non précisée. Le temps pour «la Commission de la Cemac de produire un état exhaustif de la situation et d’élaborer un plan d’apurement réaliste en vue d’un collectif budgétaire à soumettre ultérieurement», indique le communiqué final.

Le plan proposait un échelonnement du paiement total de la dette sociale sur cinq ans. À la condition toutefois d’une meilleure collecte de la Taxe communautaire d’intégration (TCI). La TCI attendue dans le budget en baisse de 2023 est de 51,690 milliards FCFA. «Bien en deçà de son potentiel évalué à 118,6 milliards FCFA, soit 1% du volume attendu des importations dans la zone Cemac», martèle encore le président sortant de la Commission de la Cemac.

Lueur d’espoir et priorité
Il y a cependant un espoir. La prescription faite par la Conférence des chefs d’État aux «ministres en charge des Finances de s’acquitter du paiement des arriérés de TCI dus, dans le respect des dispositions des textes régissant ce mécanisme». Aucune précision n’est par contre faite dans ce communiqué final au sujet de la clé de répartition de ces fonds. Les chefs d’État auraient pu donner leur onction pour l’affectation à titre principal de ces revenus à l’apurement de la dette sociale. Puisqu’ils peuvent toujours être utilisés pour le fonctionnement et les investissements de la Communauté. Sans que les retraités et leurs ayants-droit y trouvent leur compte.

Théodore Ayissi Ayissi

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