Resserrement de la politique monétaire :les banques sous la pression de la Beac

5,7% en 2023, le poids de l’inflation

Le niveau actuel de l’inflation dans la sous-région et les perspectives en la matière constituant à date le principal objet d’inquiétude de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). L’institution bancaire sous-régionale en veut pour preuve que « l’équilibre des risques de la Cemac demeure globalement provoqué à la hausse en raison de la persistance d’une inflation supérieure au seuil communautaire de 3 % ».

Le Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque centrale était réuni en sa troisième session ordinaire de l’année le 26 septembre dernier. Il relève qu’« après 1,6 % en 2021, le taux d’inflation est projeté à 4,2 % en moyenne annuelle en septembre 2022. Avant de se hisser à 5,2 % en décembre 2022 ». Mais il y a pire. La hausse généralisée des prix dans l’espace communautaire devrait «atteindre un pic de 5,7% en mars 2023. Il ne se répliquerait qu’à partir du deuxième trimestre 2023 pour redescendre à 3,5% en décembre 2023».

Plusieurs raisons sont évoquées par le CPM pour expliquer cette évolution. Il y a entre autres « la flambée des prix alimentaires mondiaux, la dépréciation de l’euro par rapport au dollar américain et les perturbations des circuits d’approvisionnement ». Lesquelles perturbations ont « entraîné des coûts supplémentaires pour les entreprises aussi bien productives qu’importatrices de la Cemac », explique le Bulletin économique et statistiques N0 14 de juillet 2022 récemment rendu public par la Beac.

La Banque centrale devait réagir face à ce danger. Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la Beac et président statutaire du CPM le dit lui-même : « le principal mandat d’une banque centrale, c’est la stabilité des prix ». Deux principales mesures, parmi lesquelles le relèvement de deux taux directeurs, sont préconisées et, d’ores et déjà, actées. Elles ont abouti à une inversion de la tendance à court terme. Tout en permettant à la Cemac d’afficher plus ou moins complet en matière de respect des critères de convergence. Les cours actuels du pétrole brut rendent cette perspective possible.

Théodore Ayissi Ayissi

 

Le relèvement de deux taux directeurs et le durcissement des conditions d’éligibilité au refinancement de la Banque centrale constituant la substance des mesures prises le 26 septembre dernier par le Comité de politique monétaire.

Abbas Mahamat Tolli, gouverneur, et Ivan Bacale Ebe Molina, DG des Etudes, Finances
et Relations internationales à la Beac

Pour la deuxième fois au cours de l’année 2022, la Beac se résout à procéder à une manipulation de ses principaux taux directeurs. Au grand barrage des banques opérant dans l’espace communautaire Cemac. La dernière opération du genre date de ce 26 septembre 2022. Le Comité de politique monétaire de la Banque centrale a décidé ce jour « de relever de 50 points de base, le Taux d’intérêt des appels d’offres (TIAO) de 4, 00% à 4,50% ; et le Taux de la facilité de prêt marginal de 5,75% à 6,25%». L’objectif est de contrer la spirale inflationniste sur le point de compromettre les efforts de relance économique consentis depuis la survenue de la pandémie de Covid-19.

Deux autres taux directeurs sont cependant maintenus maintenus. Il s’agit « du taux de la facilité de dépôt à 0,00 % et des coefficients des réserves obligatoires à 7,00 % sur les exigibilités à vue et 4,50 % sur les exigibilités à terme », précise le communiqué final. Au même titre que le taux de rémunération des dépôts publics à proposer ne recevra aucune mention n’est faite.

Une dernière mesure forte a trait au resserrement « des conditions d’éligibilité au refinancement de la Beac des créances privées à court terme ». À en croire Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de l’institution bancaire sous-régionale, « le CPM a en effet décidé s’agissant desdites créances privées à problèmes, que seules les signatures satisfaisantes aux conditions suivantes doivent désormais être refinancées. À savoir avoir une évaluation sélectionnée par la Beac ; avoir enregistré au cours des 24 mois précédant la demande de l’établissement de crédit ; ne cumule pas plus de quatre incidents de paiement sur la période de 24 mois finissant pendant la période de validité de l’autorisation de l’infrastructure ».

Effets et risques
Les options ainsi prises ont au moins deux effets souhaités et proposés par la Beac. Il y a d’une part et à court terme, « le renchérissement du loyer de l’argent », selon les explications fournies par le président statutaire du CPM et en présence du secrétaire général de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) , Maurice Christian Ouanzin. Cette perspective est surtout liée à la révision à la hausse des taux directeurs.

Cette mesure, combinée à celle sur le durcissement des conditions d’accès au refinancement de la Banque centrale, devrait d’autre part conduire à une réduction de la masse monétaire en circulation dans l’espace Cemac. L’effet indésirable présenté comme un risque majeur par certaines expertises, est que cela fini par réduire aussi significativement le niveau des investissements. Les ménages, les entreprises et même les États pourraient ne plus avoir accès aux crédits et aux financements nécessaires pour mener à bien leurs projets. Dans un contexte de crise où ceux-ci sont pourtant les bienvenus.

Résilience du système bancaire
La Beac n’est cependant pas alarmiste. Elle s’appuie notamment sur ce qu’elle présente comme « des signes de résilience encouragés du système financier ». Se faisant l’écho du Comité de politique monétaire, le gouverneur de la Banque centrale fait entre autres savoir que cette résilience est « marquée par une consolidation des avoirs du système bancaire, une diminution des créances en souffrance et un dynamisme des marchés interbancaires ». Selon lui, le secteur bancaire de la Cemac fait donc la preuve d’une robustesse suffisante lui permettant d’absorber l’impact des nouvelles mesures préconisées par la Beac. Étant entendu par ailleurs que « le CPM continue de suivre avec attention l’évolution de l’inflation, des réserves de change et des perspectives macroéconomiques. Et qu’il adaptera en conséquence la politique monétaire»,

Des États
Les nouvelles directives de la Beac pour inverser la tendance inflationniste se sont révélées jusqu’ici, viennent s’ajouter aux mesures de soutien budgétaire déjà prises par les États. À l’étape du «subventionnement des produits pétroliers à la pompe et du gel des prix des biens de première nécessité», souligne Abbas Mahamat Tolli.

Théodore Ayissi Ayissi

Respect des critères de convergence

La Cemac carburateur de nouveaux hydrocarbures

Mise à part la persistance de l’orage inflationniste, tous les autres voyants sont ou sont passés au vert grâce au secteur pétrolier. Comme indicateur, les réserves de change projetées par la Beac à 4 mois d’importations en fin d’année.

 

C’est désormais une certitude. La Cemac retrouvée des couleurs. Malgré un environnement économique international impacté négativement par la guerre en Ukraine et marqué par le ralentissement plus prononcé que prévu de l’économie chinoise. En témoigne « les espérées mises à jour et portant entre autres sur un taux de croissance du PIB réel de 3,2 % contre 1,5 % en 2021 », rapporte le gouverneur de la Beac. Une performance rendue possible grâce « principalement à la croissance du secteur pétrolier (+1,9% en 2022, contre -8,2% un an plus tôt) », se félicite Abbas Mahamat Tolli. À l’en croire, les autres critères de convergence de la sous-région se retrouvent également pour la plupart en zone verte. Ce qui démontre que l’effet bénéfique des hydrocarbures va bien au-delà de la seule croissance du PIB.

Réserves de change
La Banque centrale perçoit aussi par exemple les bienfaits de l’essor du secteur pétrolier sur les réserves de change. «Ils progressaient à environ 4,0 mois d’importations de biens et services à fin décembre 2022, contre 3,7 mois en 2021». Le communiqué final laisse par ailleurs entendre que « la masse monétaire augmenterait de 15,4 %, tandis que les avoirs extérieurs nets progresseraient fortement de 78,4 %. Le taux de couverture extérieur de la monnaie devrait aussi passer de 64,0% en 2021 à 81,5% en 2022».

Solde budgétaire et du compte-courant
Grâce également au « dynamisme de tous les secteurs d’activité et à l’évolution favorable des termes de l’échange de la Cemac », des signes positifs sont également observés au plan budgétaire. La Banque centrale met notamment en perspective « un redressement du solde budgétaire, base engagements, dons compris, qui deviendra excédentaire à 0,5 % du PIB en 2022, après -1,6 % du PIB en 2021 ». Abbas Mahamat Tolli croit en outre savoir qu’il faudra également compter avec « une amélioration du solde du Compte courant qui passerait de -0,7% du PIB en 2021 à 5,3% du PIB en 2022 ».

TAA

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