Rapport sur les droits humains au Cameroun: Tumi ignoré et «No Pity» «Blanchi» par les Américains

Le document disponible sur le site officiel de l’ambassade des États-Unis au Cameroun ne fait aucune mention de l’enlèvement du Cardinal, pas plus qu’il n’impute clairement au «général» ambazonien les crimes, pourtant nombreux, qu’il revendique lui-même

Le Rapport sur les droits de la personne au Cameroun publié par l’ambassade des États-Unis dans notre pays est disponible depuis le 6 juin dernier. En le consultant sur le site officiel de cette mission diplomatique, il est facile de se rendre compte que la crise anglophone y occupe une place choix. Tant «le nombre de victimes a augmenté dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest», est-il indiqué. Le Rapport se focalise sur les années 2020 et 2021. Il se veut surtout un réquisitoire contre le Cameroun et son gouvernement. Ce dernier est entre autres coupable selon les Américains, d’«exécution extrajudiciaires, de disparitions forcées ou encore de graves restrictions de la liberté d’expression et des médias». Quelques exactions des séparatistes sont également pointées du doigt. Seulement, alors que les 68 pages du Rapport présentent avec précision des exemples à charge, aucun crime du «général» ambazonien «No Pity» n’est relevé. Bien pire, les Ambazoniens semblent être absouts par l’ambassade des États-Unis au Cameroun de l’enlèvement quelques mois avant son décès, du Cardinal Christian Tumi. Aucune mention de ce drame nationale n’est faite dans le rapport.

Nouvelle pierre tombale pour le Cardinal
Tous les crimes commis dans le Noso et rapportés par divers canaux suscitent l’émoi et la consternation des Camerounais. La presse nationale s’en fait toujours l’écho. En termes d’intensité toutefois, on a atteint un pic avec l’annonce du rapt en 2020 du Cardinal Christian Tumi par des sécessionnistes. L’archevêque émérite de Douala «avait été enlevé le jeudi 5 novembre vers 18 heures, en compagnie de onze autres personnes parmi lesquelles Fon Sehm Mbinglo II, chef traditionnel des Nso. La délégation avait été interceptée par des séparatistes ambazoniens au niveau de la commune de Baba, dans l’arrondissement de Babessi (département du Ngo-Ketunjia)», rapporte Jeune Afrique du 6 novembre 2020. Son éminence le Cardinal Christian Tumi est finalement libéré le 6 novembre 2020 au grand soulagement de la communauté nationale. Il décède à l’âge de 90 ans le 3 avril 2021, soit quelques mois seulement après sa libération.

Cette épisode douloureux n’est cependant évoqué nulle part dans le rapport. L’ambassade des États-Unis au Cameroun se fait pourtant abondamment l’écho de faits survenus cette année-là et même en 2019. Ces faits présentent alors tous la particularité d’épingler le gouvernement camerounais et les Forces de défense et de sécurité (FDS). Il en est ainsi du «meurtre en février 2020 d’environ 23 civils par des forces de sécurité dans le village de Ngarbuh; et de l’enquête notoire sur la mort d’un journaliste de télévision, Samuel Abue Adjiekha, dit Wazizi, détenu en août 2019 après avoir été accusé par les autorités d’entretenir des liens avec des séparatistes armés». Le rapport évoque également par exemple, «les 37 de Calabar. Cette affaire concernait 37 personnes des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest rapatriées de Calabar, au Nigeria, le même jour que le dirigeant séparatiste Sisiku Ayuk Tabe en 2019. Selon leurs avocats, lors des poursuites contre M. Sisiku et neuf de ses partisans au tribunal militaire de Yaoundé et de leur condamnation à la prison à perpétuité en août 2019».

«Général No Pity»
Hormis la récente attaque ayant coûté la vie à cinq gendarmes dans la région de l’Ouest, le «général» ambazonien «No pity» s’est illustré en 2020 et 2021 par de nombreuses attaques meurtrières contre des FDS. L’une d’elles a coûté la vie en septembre 2021 à 15 soldats. Les Forces marines de Bambalang qu’il commande ont également détruit au cours de cette opération deux véhicules blindés à l’aide de lance-roquettes. «No pity» s’était ensuite filmé à côté des véhicules en feu. Des images qui avaient alors fait le tour de la toile, sans apparemment interpeller outre mesure l’ambassade américaine. Puisque ces faits ne sont pas non plus clairement relevés et imputés au milicien séparatiste. Les deux fois où son nom est mentionné, il s’agit pour la mission diplomatique de pointer du doigt la responsabilité du gouvernement camerounais dans ce qu’elle appelle l’«ingérence arbitraire ou illégale dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance».

Le rapport renseigne en effet que «les autorités punissaient certaines personnes pour des infractions reprochées à un membre de leur famille. Dans un message audio ayant circulé sur les plateformes de réseaux sociaux le 3 août, le «Général No Pity» racontait que des soldats avaient fait irruption dans son enceinte et arrêté notamment son père, sa mère, un de ses oncles et une de ses tantes». Et que «son frère et son cousin ont été relâchés le 5 août, mais sa mère et son oncle étaient toujours en garde à vue. Exerçant des pressions dans le but d’obtenir leur libération, No Pity et ses combattants ont pris position le long de l’autoroute Bamenda-Kumbo à Ndop et sur la colline de Sabga, bloquant complètement le chemin pendant des semaines». Sans plus.

Analyse
«Ce qu’inaugurent ces manquements, c’est une tenace perversion d’optique», commente Dr Didier Badjeck. «Le corpus des accusations contenues dans le rapport repose sur une logique linéaire visant à capter une grande teneur émotionnelle», ajoute le colonel à la retraite.

De son côté, Françoise Mouyenga énonce deux hypothèses: «Soit le rapport américain cherche juste quelques illustrations pour les thèses de ses rédacteurs, soit il est naïvement prisonnier de celles de ceux qui se persuadent d’avoir obtenu la vérité sur certaines horreurs». La géostratège camerounaise soupçonne le rapport américain d’«avoir de la réticence à dégager clairement des vérités plus pesantes». Elle y voit des «de grossières ficelles et des grilles d’analyse enchevêtrées qui proposent un protocole orienté contre l’État camerounais».

En point d’orgue, des observateurs notent que le «Rapport 2021 sur les droits de la personne au Cameroun» est «un construit à charge contre Yaoundé», selon la formule de David Tchouamo. Pour le sociopolitiste camerounais, «en prétendant répondre aux appétences d’information de la communauté internationale, ce rapport attaque directement, mais aussi indirectement, en diffusant ses propres idées de manière à persuader l’opinion publique que seul l’État camerounais porte la responsabilité morale du conflit au NoSo». Il en est ainsi du «meurtre en février 2020 d’environ 23 civils par des forces de sécurité dans le village de Ngarbuh; et de l’enquête notoire sur la mort d’un journaliste de télévision, Samuel Abue Adjiekha, dit Wazizi, détenu en août 2019 après avoir été accusé par les autorités d’entretenir des liens avec des séparatistes armés». Le rapport évoque également par exemple, «les 37 de Calabar. Cette affaire concernait 37 personnes des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest rapatriées de Calabar, au Nigeria, le même jour que le dirigeant séparatiste Sisiku Ayuk Tabe en 2019. Selon leurs avocats, lors des poursuites contre M. Sisiku et neuf de ses partisans au tribunal militaire de Yaoundé et de leur condamnation à la prison à perpétuité en août 2019».

Théodore Ayissi Ayissi

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *