AMBASSADESINTÉGRATION NATIONALE

Rappel d’un ambassadeur : Champ et contre-champ

Comprendre une vieille pratique diplomatique à l’aide de l’actualité tendue entre Yaoundé et Ndjamena.

L’ambassade du Tchad à Yaoundé

En guise de protestation officielle contre «la persistance des différends entre le Tchad et le Cameroun, notamment autour de la question de la prétendue acquisition des actifs de l’ex-ESSO (ex-filiale du géant américain des hydrocarbures Exxon Mobil) par Savannah Energy» (un groupe énergétique malaisien), le Tchad a rappelé, «pour consultation», son ambassadeur au Cameroun le 20 avril dernier. Pour des besoins de méthode opérationnelle face à la gravité de la situation, pas moins qu’un plus proche collaborateur du général Mahamat Idriss Déby Itno pour lire le communiqué y relatif sur l’antenne de Télé Tchad. «En choisissant Gali Ngothe Gatta (ministre d’État, secrétaire général à la Présidence tchadienne, NDLR) pour jouer ce rôle, Ndjamena joue sur les symboles», décrypte Christian Mbiana. Selon l’internationaliste camerounais, «l’affaire est aujourd’hui plus grave et le profil des personnes qui s’expriment dans ce cadre doit refléter cette gravité».

Explications
Si cette gravité alimente les débats entre observateurs occasionnels, Christian Mbiana s’investit dans un exercice de recadrage. «Un rappel d’ambassadeur pour consultation, c’est une initiative sans précédent depuis plus de 50 ans que Yaoundé et Ndjamena entretiennent une coopération aux résultats probants», situe l’universitaire. «Toutefois, nuance-t-il, en tant que pratique diplomatique ancienne, le rappel d’un ambassadeur est une procédure couramment utilisée par l’État accréditant pour signifier à l’État accréditaire son désaccord avec l’une ou l’autre de ses politiques. L’État accréditant rappelle son ambassadeur (chef de poste) pour essayer de comprendre avec lui ce qui se passe dans le cadre d’une crise. Le rappel d’un ambassadeur pour consultation est donc un signal fort, destiné à faire part d’un désaccord profond.».

Dans cet énoncé, les enseignements sont multiples. «Pour Ndjamena, le message est: nous avons une crise ouverte. Nous ne sommes pas prêts à en rester là, on doit s’expliquer», souligne Pr Belinga Zambo. D’après le politologue camerounais, il n’est pas question de rupture de relations diplomatiques entre le Tchad et le Cameroun. «L’ambassade ne ferme pas: les services continuent de fonctionner, avec un numéro 2 en chargé d’affaires. Lorsque des États rompent bilatéralement leurs relations diplomatiques, c’est le symptôme d’un incident grave. Cette rupture n’est utilisée qu’en dernier recours, lorsqu’aucune solution n’a été trouvée sur un désaccord et après que le chef de mission ou des agents diplomatiques ont rejoint leur État d’origine», relève Pr Belinga Zambo. Ce dernier, capitalisant sur des «informations exclusives obtenues à partir du ministère camerounais des Relations extérieures», signale que «des tractations sont déjà en cours pour un règlement à l’amiable de la crise».

 

Ongoung Zong Bella

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