AMBASSADESINTÉGRATION NATIONALE

Que Tunis balaie d’abord devant sa cour!

La Tunisie présidera le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA) en avril, a indiqué le 31 mars dernier l’agence TAP, citant le ministère tunisien des Affaires étrangères. «Pendant sa présidence du conseil, la Tunisie œuvrera à concrétiser sa vision de trouver des solutions pacifiques, justes et durables à divers problèmes africains pour une Afrique sûre, stable et prospère (…) Fière de son appartenance africaine, la Tunisie a toujours placé le développement et la sécurité du continent au sommet de ses priorités», a affirmé le ministère tunisien. « La Tunisie agira pendant sa présidence du conseil comme une force de recommandation positive en vue de soutenir la sécurité et la stabilité sur le continent sur la base des principes africains de solidarité et de complémentarité», selon la même source.

À l’aune de cette actualité, confrontons deux questions. La première: Tunis est-il un exemple ces derniers temps? La seconde: L’énoncé de son bail à la tête du Conseil de paix et de sécurité de l’UA sera-t-il tenu? Évitons les réponses toutes faites telles que «en diplomatie, il y a des mots en action et il y a l’action des mots ». En laissant de côté les facteurs circonstanciels, ce qui compte dans ce contexte, c’est Tunis qui se présente explicitement comme défenseur des «principes africains de solidarité et de complémentarité». Il nous faut repenser cela en prenant en compte cette déclaration essentielle faite le 21 février 2023 par Kaïs Saïed. Selon le chef de l’État tunisien en effet, la présence de «hordes» d’immigrés clandestins provenant d’Afrique subsaharienne était source de «violence et de crimes» et relevait d’une «entreprise criminelle» visant à « changer la composition démographique » de son pays. Après ce discours, condamné par des ONG, des institutions panafricaines et internationales, des ressortissants d’Afrique subsaharienne ont fait état d’une recrudescence d’agressions à leur encontre et se sont précipités par dizaines à leurs ambassades pour être rapatriés. Des pays, tels que le Mali, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Cameroun ont affrété des avions pour rapatrier leurs ressortissants.

Dans un apparent souci d’apaisement, le président a ensuite affirmé que les Africains présents en Tunisie étaient des « frères », selon une vidéo diffusée le 8 mars dernier par la présidence tunisienne. D’après Kaïs Saïed, l’objectif de son discours était de faire respecter la «légalité tunisienne concernant les étrangers» et d’empêcher toute «juridiction parallèle aux juridictions de l’État». Le président tunisien a rejeté les «propos malveillants» de ceux qui « ont voulu interpréter le discours à leur guise pour nuire à la Tunisie».

Pour être concret au Conseil de paix et de sécurité de l’UA, ce «recadrage » devrait dominer les autorités tunisiennes pas seulement de l’extérieur, mais aussi à l’intérieur. Elles devraient alors corriger les déviations racistes, punir les infractions, décider du comment canaliser la mixité sociale en Tunisie. Par ces mécanismes, Tunis pourrait acquérir un minimum de légitimité, rendant ainsi possible sa gestion du Conseil de paix et de sécurité de l’UA au cours de ce mois d’avril. En d’autres mots, il n’y a pas de futur pour une présidence qui refuse de réfléchir à la création (en interne) d’un cadre bon pour les «principes africains de solidarité et de complémentarité», ou qui résout les mêmes principes au moyen d’un artifice autoritaire ou par une échappée vers une rêverie utopiste ou magicienne, angélique et subitement altruiste.

Jean-René Meva’a Amougou

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