Propos d’Alassane Dramane Ouattara : Les hauts et les bas en procès

La sortie, le 1er novembre 2020, du président proclamé élu en Côte d’Ivoire, face à la presse, est perçue à la fois comme héroïque et indigne par quelques Africains installés à Yaoundé.

Alassane Dramane Ouattara, mauvais gagnant

«Vous devez arrêter d’imposer les normes de l’Occident aux Africains. Nous sommes suffisamment majeurs pour gérer nos pays. Nous le faisons en fonction de nos objectifs. La Côte d’Ivoire est un pays qui est sorti de crise; qui a besoin de stabilité. Et c’est au nom de cette stabilité que j’ai personnellement accepté de faire ce mandat auquel j’avais renoncé. Donc, je crois que ça suffit comme ça»! Les mots sortent de sa bouche, telles les notes d’un instrument de musique. Et le musicien, c’est Alassane Dramane Ouattara (ADO), chauffé à blanc par les critiques internationales au sujet de ses 94% obtenus.

Pour quelques ressortissants africains installés dans la capitale camerounaise, ces phrases sont un tacle à peine voilé contre l’Occident. Certains sont tombés de leur chaise en entendant le vainqueur de la présidentielle du 31 octobre 2020 en Côte d’Ivoire jeter son dévolu sur le sens propre plutôt que sur le sens figuré. «Quitte à surprendre, je ne suis pas sûr qu’ADO ait eu tort», se félicite le Tchadien Koye Dourang. Consultant dans une ONG internationale, il pense que «l’heure est venue de porter clairement une communication politique et diplomatique qui favorise l’émergence d’une opinion publique africaine au niveau international». «ADO a clairement signifié par là qu’il fallait reconstruire une autonomie africaine dans un environnement où les leadeurs tergiversent et semblent retarder encore et toujours l’heure d’aborder la question des rapports entre l’Occident et le continent africain», argumente Koye Dourang.

Autrement…
Dans ce que le Sénégalais Maal Mbow appelle «la gifle de Ouattara à la France», quelques analyses recourent à une lecture nuancée des propos du vainqueur déclaré de la présidentielle du 31 octobre 2020 en Côte d’Ivoire. «Face à un journaliste français, M. Ouattara a affiché une volonté de franchise. Il s’en défend, mais il a un ton un peu moralisateur que je trouve dérangeant. Il doit faire attention à ne pas tomber dans l’extrême inverse avec un discours moralisateur», fait entendre le Béninois Yayou Kokou. Diplomate à la retraite, à Yaoundé, ce dernier prête son expertise à un think tank spécialisé dans les relations internationales. À l’aide de ce profil, il pense autrement. «Ce dont parle ADO ne date pas d’hier, dit-il. On en débat depuis des années, mais rien n’a été fait ou presque pour que les normes démocratiques de l’Occident ne s’imposent pas en Afrique. Maintenant, ce qu’il faut espérer, c’est que la posture d’ADO ne soit pas déconstruite, d’une manière ou d’une autre, par l’Occident. Et il faut espérer aussi que ce qui a été dit soit applicable dans des situations concrètes. Parce qu’il y a la théorie, la pratique et… ce qui les sépare».

«Chiffon verbal»
Dans leurs analyses, d’autres ressortissants africains étrillent le «divertissement télévisuel de Alassane Dramane Ouattara», selon l’expression de Paulin N’guessan. Farouchement opposé à la réélection d’ADO, l’Ivoirien voit un «homme toujours en campagne, plutôt qu’un président digne de sa fonction». «Un homme qui clive les Ivoiriens et meurtrit le sentiment républicain en se cantonnant aux énervements de matamore pour masquer son passage en force pour un 3e mandat. Quand on est président, il y a des mots et des méthodes que l’on n’emploie pas», gronde-t-il. Même tonalité chez son compatriote Cyprien Kouamé. Pour lui, cette sortie d’ADO, le 1er novembre dernier, relève du «grand spectacle; car tenir un tel discours, c’est tenter de percer en recyclant de vieux tubes aux refrains éculés».

Jean-René Meva’a Amougou 

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