Dans une récente brochure, le think tank apparenté au ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat) insiste sur les améliorations matérielles à apporter sur le management des projets d’infrastructures du pays.
Question froide: «Tous les services publics ont-ils vocation à investir dans les infrastructures?». Lancinante, l’interrogation affichée en première de couverture de la dernière brochure (septembre 2019) du Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun (CAMERCAP-PARC) évite d’emblée un constat. Celui-ci pourrait se résumer ainsi: au pays de Paul Biya, les résultats en matière d’investissements dans les infrastructures ne sont pas totalement satisfaisants, en dépit des réformes présentées comme structurelles. Pour s’interroger encore autrement, on est fatalement porté à évaluer l’efficacité, l’efficience et la pertinence des politiques publiques.
Paradoxes
Le CAMERCAP-PARC en a fait son affaire. Objectif: dessiner un cercle vertueux grâce à une valorisation des résultats d’évaluations dans le cadre du processus budgétaire en application au Cameroun depuis 2013, année du début de mise en musique du budget-programme. Au terme de l’exercice, le think tank relève surtout l’inadaptabilité de la programmation des dépenses publiques dans le pays. Dit de façon simple, le Cameroun ignore toujours que la seule fonction de la prévision économique est de rendre l’astrologie économique respectable.
Dans le fond, le couple «évaluation des effets des politiques – indicateurs de performance» ne va forcément pas de soi. Ces deux outils de pilotage de l’action publique ne sont pas toujours compatibles dans la réalité politico-administrative. Bref, au Cameroun, on est plus proche des rendez-vous manqués et des désirs inassouvis que des noces joyeuses et du mariage allègrement consommé. Cette contradiction saute au visage de manière aussi saisissante et sur une longue unité de temps. Et le CAMERCAP-PARC de répertorier les causes majeures de la situation: «inadaptation du code des marchés publics aux fins d’émergence; manque de coordination entre les institutions chargées du contrôle et du suivi des finances publiques; déficit de compétences et de capacités locales en identification et maturation des projets».
Penser autrement
Comme solution globale, la proposition s’articule autour d’une approche innovante. «Un État agissant comme acteur de développement et premier investisseur». Les analystes du CAMERCAP-PARC estiment que cela nécessite une série d’aménagements et de réajustements. Dans les lignes, il est suggéré une réorganisation et un ajustement de l’architecture gouvernementale autour des fonctions de service public; un reformatage de la nomenclature du budget de l’État et de ses démembrements, y compris les collectivités territoriales décentralisées (CTD); la création d’un ministère des Infrastructures ou de l’Équipement; une décentralisation effective et efficace; la révision du modèle conceptuel de la programmation des projets d’investissement publics ou encore la promotion de la transparence dans les marchés publics.
Appliquées, ces recettes permettraient de mesurer les prestations administratives ainsi que les résultats directs (auprès des usagers) et les effets qui en découlent (pour les contribuables et les citoyens). C’est ce que le think tank appelle «la stratégie de rupture».
De par son esprit, la brochure du CAMERCAP-PARC, préfacée par Barnabé Okouda (directeur exécutif du Centre), propose des grilles de lectures à ceux qui agissent directement dans le pilotage de l’économie camerounaise.
Jean-René Meva’a Amougou