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Production des titres identitaires au Cameroun : Encore et encore…

Tenu à la main par la présidence de la République via la Délégation générale à la Sureté nationale (DGSN), INCM Augentic s’octroie le marché camerounais des passeports après les passages foireux de Thales et Gemalto.

 

Echange de parafeurs entre Martin Mbarga Nguele et Labinot Carrieti

« Quelles sont les nouvelles de la DGSN? ». Au bout du fil ce 18 septembre 2020, un fonctionnaire de police se fend en un ample sourire. « En tout cas, on ne va pas se mentir », répond notre correspondant. Aussitôt, il ajoute : « La grande nouvelle, c’est l’arrivée d’un nouveau concessionnaire pour la production des passeports ». Pas plus. On se coupe. En fouinant un peu, le nouvel opérateur a un nom : INCM Augentic. Il est  basé au Ludwigstrasse 9, 80539 Munich en Allemagne. Dr Hermann Sterzinger tient le rôle de président du conseil consultatif de ce consortium allemand.  Labinot Carreti occupe le poste de président directeur général (PDG).

Accompagné de quelques personnes, c’est  lui qui fait le déplacement de Yaoundé. Dans la capitale camerounaise, le 17 septembre 2020, il signe avec l’Etat du Cameroun (représenté par le Délégué général à la Sureté nationale, Martin Mbarga Nguele) le contrat qui autorise INCM Augentic à s’investir dans la production des passeports. L’homme, on le décrit comme « rôdé dans le marketing ». Pas étonnant qu’il étale donc quelques reflexes acquis pendant plus de 10 ans dans le conseil aux gouvernements du monde entier à travers des initiatives de l’Union européenne, de la Banque mondiale et du Conseil de l’Europe. « La technologie qu’on va déployer, c’est la technologie la plus avancée au monde.  Le passeport va comporter une page en polycarbonate, ultra-sécurisée et personnalisée à l’intérieur de notre centre en quelques heures. Ensuite, ça va être préparé pour l’expédition. Cette application aura lieu dans des centres ultra-modernes et il n’y aura pas de paiements en cash. Tout sera payé via des transactions en ligne », vante-t-il.

A en croire un extrait relayé par le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune (CT, livraison du 18 septembre 2020), Labinot Carreti ajoute quelques juteuses cerises sur le gâteau. « Nos équipes sont prêtes. J’ai vu que les vôtres le sont aussi. Très bientôt on va poser la première pierre du bâtiment de Yaoundé. Ceci au bénéfice des citoyens camerounais et de ce merveilleux pays qu’est le Cameroun », avance-t-il.  Au milieu de ces annonces,  CT retient du PDG de INCM Augentic que « 24 heures seulement et un Camerounais aura son passeport  biométrique en main. Tandis que ceux de la diaspora attendront 48 heures et ce à partir de mars 2021». 

Dans les colonnes du même journal, Martin Mbarga Nguele renseigne que « l’affaire » bénéficie de la « haute attention du président de la République ». C’est lui, dit encore le DGSN, « qui a permis la réalisation de ce projet ». Sur le fond, le propos signe définitivement la fin des activités du Français Thalès Security Systems (filiale du groupe Thomson) dont le contrat avec l’Etat est arrivé à terme en décembre 2019. Sur la forme, le tout augure de nouvelles perspectives avec la dématérialisation des procédures d’obtention du passeport au Cameroun. 

 Black-out

«Encore et encore», sourit un connaisseur du dossier. Ce dernier confesse sa méfiance sur les états de service de INCM Augentic. « Même sur internet, il n’y a rien », laisse-t-il constater. Pour avoir le cœur net sur le sujet, Intégration contacte la DGSN. Si les débuts de la conversation téléphonique sont courtois, le ton devient vite moins aimable lorsque sont abordés le montant du contrat entre l’Etat du Cameroun et le consortium allemand, les questions liées à l’appel d’offres et le sort de Gemalto. Approchées  par nos soins, d’autres sources s’obstinent à fournir des réponses évasives du genre « vous êtes journaliste, eh bien, continuez vos recherches ». Plus poli, un habitué du  Service de la programmation des marchés (rattaché à Direction des finances de la gestion informatique et de la logistique de la DGSN) se mure derrière les « enjeux plus généraux qui dépassent un petit commissaire de police ». 

Jean-René Meva’a Amougou

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