Le prix du sang, de la vie et de l’amour…

Quelle importance donnons-nous à la vie en Afrique centrale ? Nous ne parlons pas ici de sa qualité mais simplement de la vie tout court. La vie d’un camerounais, la vie d’un congolais ou même d’un centrafricain, gabonais ou tchadien aurait-elle une quelconque valeur ? Si oui quel en serait le prix réel ? Ailleurs en Europe, aux Amériques…il suffit de quelques morts et parfois d’un seul pour que se déplace le chef de l’Etat dans le lieu, chez-nous presque rien n’émeut nos dirigeants.

 

Daniel Yagnye Tom

Notre jeunesse se meurt dans le désert du Sahara, la mer Méditerranée est devenue un immense cimetière mais la vie suit son cours paisiblement dans les pays africains. Même dans les pays pris en étau par divers conflits armés comme le Cameroun, il apparaît insensé, voire provocateur de se demander s’il valait la peine pour un camerounais de donner sa vie et de mourir pour son pays. 

Oui nous le savons très bien, il n’y a qu’une seule vie puisque nous-mêmes, celles et ceux que nous aimons tant, n’avons qu’une seule et unique vie. Bien évidemment tout comme celles et ceux qui ne sont pas des nôtres, ne sont pas nos proches ni ne font  partie de nos relations, eux aussi ont seulement une vie bien que les leurs nous soient lointaines et très souvent insignifiantes…

L’histoire de l’Afrique est pleine d’enseignement sur le don de la vie et l’héroïsme de ses filles et fils, leurs capacités de donner et de se donner jusqu’au sacrifice suprême dans la défense de leur pays et des intérêts de leurs populations. Il n’existe aucune expression de l’Amour plus sublime que le don de sa vie pour les siens. Plus proches de nous, nous avons des exemples de Barthélémy Boganda, Patrice Emery Lumumba, Marien Ngouabi, Ruben Um Nyobe, Felix-Roland Moumié, Ernest Ouandié et Ossende Afana pour ne citer que les plus illustres, mais peut-on dire aujourd’hui que ces morts ont servi à quelque chose lorsque l’on voit l’état de délabrement de nos pays et le peu d’importance qui est donné à leurs sacrifices? 

Avec le 27 Août 1940 des milliers d’Africains sont morts pour la libération de l’Europe du fascisme allemand mais personne n’en parle! Oui l’Afrique Centrale a perdu dans cette guerre des milliers de ses fils, mais personne n’en parle car ils ont été purement et simplement oubliés. Pour certains en Europe, la participation des africains dans cette guerre pose de sérieux problèmes de conscience, il est donc tout à fait compréhensible l’embarras qui est causé dans certains milieux lorsque ce problème est soulevé tel que nous le faisons aujourd’hui.

Chaque année des commémorations sont effectuées dans la plupart des pays européens pour honorer les morts et les divers sacrifices de ces populations lors de cette guerre, des pèlerinages sont ainsi réalisés, et on voit des groupes de citoyens américains, anglais, israéliens…ainsi que leurs familles sillonner l’Europe pour visiter les divers lieux historiques de cette guerre, notre continent est toujours absent. 

On connaît exactement le nombre de morts soviétiques de cette guerre, ils sont environ vingt millions, oui on connaît le nombre d’allemands, environ neuf millions, environ 541.000 français,450.000 anglais, près six millions de juifs, 418.000 américains , en Afrique on ne parle que des marocains, environ 190.000 qui ont péri lors de cette guerre. 

Combien d’africains sub-sahariens sont-ils morts lorsque l’on sait que de 1940 à 1943 toute la France Libre reposait sur eux? Quel est le nombre exact de camerounais morts pendant cette guerre? Combien de centrafricains, congolais, gabonais, tchadiens, sénégalais...?

Malgré la participation pourtant décisive de ses fils, l’Afrique a été et est toujours oubliée, son importance dans cette guerre est ignorée, car son absence de l’histoire est naturelle ! 

Et pourtant tous les pays qui ont participé à cette guerre connaissent très bien l’importance décisive de l’Afrique, mais tout le monde se tait ! Raison d’Etat oblige! 

Que vaut donc finalement la vie de plusieurs milliers d’africains ? Pourquoi sont-ils morts dans cette guerre et qu’est-ce que l’Afrique en a tiré ? 

Dans tous les cas, si nous-mêmes les africains ne valorisons pas nos vies ni celles des nôtres, que devrions-nous attendre des autres non-africains ?

La générosité des peuples de l’Afrique Centrale 

Qu’est-ce qui peut justifier le mutisme de nos états à propos de ce qui s’est passé dans notre sous-région à partir du 27 Août 1940 ? Comment taire les pertes humaines, les souffrances supportées et les espérances suscitées à nos populations par la France libre? Pourquoi fermer les yeux sur la perfidie, l’ingratitude et la méchanceté de la France?

La France libre n’a pas été une partie de plaisir. S’il est agréable aujourd’hui d’évoquer la générosité de nos populations dans l’effort de guerre avec les dons matériels et financiers, les travaux pour la logistique dans les plantations d’hévéas…on ne peut pas oublier les brimades, les séquestrations et les rafles des jeunes pour leur participation forcée dans une guerre qui elle-même a été une véritable sélection naturelle où n’ont survécu que les plus résistants, car non seulement les soldats africains devaient surmonter les difficultés objectives matérielles, naturelles, climatiques mais subir aussi les diverses discriminations des officiers français.

Convaincus que la libération de la France ouvrirait les portes aux indépendances de leurs pays, les nationalistes africains se sont donnés entièrement dans cette guerre, animés par un esprit de fraternité envers leurs frères d’armes français, c’est donc avec beaucoup de tristesse que l’on peut imaginer aujourd’hui ce qu’ils ont souffert quelques années après, lorsqu’ils ont réclamé l’indépendance.

Aujourd’hui pour ce qui est du Cameroun, avec une certaine rage, on peut comprendre leur immense désappointement et déception devant l’amnésie et l’ingratitude de la France, lorsqu’ils étaient pourchassés et traqués dans les maquis, eux et leurs familles par leurs anciens compagnons d’armes français. Que pouvaient penser les nationalistes camerounais dans les maquis, impuissants face à la mort de leurs enfants, épouses et camarades ? Puisque plusieurs parmi eux y ont perdu non seulement leurs propres vies mais aussi celles de leurs proches parents: mon oncle maternel Tina Kissaga après avoir œuvré à la libération de la France du nazisme allemand, y a perdu sa vie tout comme celle de sa fille aînée Ngo Tina Suzanne Félicitée.

Mais tôt ou tard l’Afrique reconnaît toujours les sacrifices de ses filles et fils puisque l’histoire finit toujours par rendre justice ! 

Ce n’est pas encore entièrement le cas, mais on n’y est plus loin!

Oui tôt ou tard l’Afrique honore toujours les sacrifices de se enfants !!!

La voici aujourd’hui cette preuve: l’Afrique Centrale célèbre 80 ans après le 27 Août 1940 la décisive participation de ses fils, au nom de la France libre, à la libération de la France et de l’Europe!!!

Daniel Yagnye TOM

Représentant spécial de l’Union des Populations

du Cameroun en Afrique Australe et Centrale.

Président de l’Alliance Patriotique. 

                                                           Le 20 Octobre 2020

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