Potentiel et opportunités : la Cemac à l’image du Cameroun

Grâce au Forum économique Afrique centrale

 

Forum économique Afrique centrale (Feac), un forum de trop? Non, répond d’emblée le ministre camerounais des Petites et Moyennes entreprises, de l’Économie sociale et de l’Artisanat (Minpmeesa). Achille Bassilekin III convoque «les circonstances et les enjeux» comme autant d’éléments objectifs justifiant la tenue de cette première édition à Yaoundé. Et pour achever sa démonstration, le parrain de l’événement évoque aussi l’impératif pour tous les participants présents dans la capitale camerounaise de «réfléchir ensemble et poser les jalons d’un meilleur accompagnement du secteur productif de la sous-région Afrique centrale». Des états généraux en somme.

Ils sont en effet venus de divers horizons, mus par l’ambition d’un renouveau économique en zone Cemac. Le Feac a offert à ces experts, chercheurs, chefs d’entreprise, start-ups, administrations publiques, institutions sous- régionales, investisseurs ou partenaires au développement l’occasion de se réapproprier le potentiel et les nombreuses difficultés auxquelles fait encore face la sous-région. De manière à pouvoir ensuite envisager des solutions pérennes aux défis identifiés, en particulier celui des «financements et partenariats économiques pour impulser le développement des PME en Afrique centrale».
Jean Baptiste Fouda, directeur de A & B Business Consulting Sarl et promoteur de l’événement ne dit pas autre chose. À l’en croire, le Feac est clairement destiné à devenir «une institution annuelle, autant qu’un instrument de veille capable d’accompagner les gouvernements de la zone Cemac dans la transformation structurelle de leurs économies, pour une meilleure interaction entre les pays de la sous-région». La première édition a donné le ton. Lire le zoom.

Théodore Ayissi Ayissi

 

La ville camerounaise de Kribi a virtuellement prêté ses plages et grands espaces à l’expérimentation d’un nouveau modèle économique. Ses atouts et tares actuelles se rencontrent dans tous les autres pays de la sous-région.

Les participants autour du promoteur et des ministres Achille Bassilekin III et Benoît Ndong Soumhet

Il n’est pas besoin d’étudier, chacun après l’autre, les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) pour se représenter les atouts dont regorge la sous-région. Un seul d’entre eux est largement suffisant. Car ils présentent tous, à quelques exceptions près, le même profil. Rien d’étonnant dès lors que le Forum économique Afrique centrale tenu du 24 au 26 mai dernier à Yaoundé, fasse la part belle au Cameroun et à la ville de Kribi. Le maire de cette ville s’étant en plus révélé en mécène de l’événement.

«Nous remercions la mairie de la ville de Kribi pour le financement du Feac. Monsieur le maire de la ville, nous vous sommes très reconnaissants parce que vous avez cru en nous», affirme ce 24 mai 2023 le promoteur. Mais les motivations de Guy Emmanuel Sabikanda sont un peu plus égoïstes que cela. L’édile y a également vu une occasion de promouvoir sa ville. Il s’y est d’ailleurs employé. «Lorsque ce projet m’a été présenté, je n’ai pas hésité. Un bon maire a le devoir de sentir les bonnes affaires et de les implémenter», se défend-il.

Kribi et la sous-région
«Pourquoi investir à Kribi»? Cette question rhétorique du maire de la ville vaut pour chacune des grandes métropoles de la sous-région. Les réponses apportées par Guy Emmanuel Sabikanda aussi. «Kribi est une terre d’opportunités. La cité balnéaire a son port qui monte en puissance. Le ministre gabonais de la Décentralisation m’a d’ailleurs déjà confié que le PAK a un impact sur eux qui leur fait mal et qui va jusqu’à Pointe-Noire».
Aux dires du maire de la ville, il existe également des «opportunités d’investissement à Kribi sur le plan de l’immobilier. Le terrain coûte encore moins cher. Cela ne va pas durer. D’ici trois ou quatre ans, ce ne sera plus la même chose», annonce-t-il. Compte tenu notamment de «l’explosion démographique et de l’ambition du chef de l’État de faire de cette ville le premier pôle économique du Cameroun. Et ça va se faire», assure-t-il. Avant d’ajouter: «j’attends donc des investissements pour des complexes au bord de la mer. On peut même y implanter des plages artificielles. Des pourparlers sont en cours avec un établissement hôtelier de la place pour y implanter un hôtel de la même catégorie».

Et pour attirer toujours plus d’investisseurs, les participants au Feac apprennent aussi que «tout est encore en friche à Kribi et sous tous les angles, y compris dans l’agro-business et l’agroalimentaire. Nous avons des forêts pour cela. Et avec l’agropastoral, on peut également nourrir toute l’Afrique centrale». La présentation de Guy Emmanuel Sabikanda s’étend en outre au tourisme. Elle fait notamment apparaître la cité balnéaire comme «une zone industrielle. On monte à Kribi des engins de travaux publics. Une cimenterie tenue par des Turcs sera bientôt opérationnelle».

Le tableau brossé par l’édile laisse par ailleurs apparaître des besoins en formations aux métiers de la mer et en termes de transports de plaisance. «Je veux aller à Douala, Limbé, Campo, Libreville ou à Malabo, je n’ai pas besoin de prendre le bus ou la voiture, je vais par bateau». Le dernier coup de pinceau de Guy Emmanuel Sabikanda consistera à rappeler aux participants le positionnement stratégique de sa municipalité dans la zone Cemac et l’importance qu’elle a déjà pour certains pays. «Nous avons le pétrole venant du Tchad et les marchandises de la Centrafrique descendent au Port de Kribi. La ville de Kribi est frontalière avec le Gabon et la région du Sud avec la Guinée Équatoriale», indique le magistrat municipal en insistant également sur les garanties de sécurité déjà mises en place. Les forces de défense et de sécurité y sont en effet déployées.

Défis
Le potentiel et les atouts de la sous-région qualifiée de scandale géologique ne manquent donc pas. Force est pourtant de constater qu’en l’état actuel des choses, les investisseurs ne se bousculent pas encore à nos portes. Un tel état des choses ne permet pas aux PME-PMI et start-ups de se développer. Aux ministères camerounais des PME (Minpmeesa) et de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), l’on élabore sur les raisons profondes de cet état de choses. L’économiste Fernand Beyene en parle au cours de sa leçon inaugurale. C’était en présence de Benoît Ndong Soumhet, ministre chargé de mission à la présidence de la République du Cameroun; de l’ambassadeur de Tunisie; et de Dieudonné Evou Mekou, président de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (Bdeac).

Théodore Ayissi Ayissi

Faiblesse des investissements en Afrique centrale

Problème de «fonds» de la PME

Le profil et l’absence de vision des porteurs de projets et chefs d’entreprise sont pointés du doigt. La qualité des produits et l’environnement des affaires aussi.

 

«Vous n’allez pas mettre deux, trois, quatre millions dans une PME alors que le dirigeant n’a même pas la vision des affaires», commence par postuler Fernand Beyene. L’économiste se fait volontiers l’interprète des investisseurs au cours de la leçon inaugurale du Forum. «Les problèmes que l’on rencontre le plus lorsque l’on veut aider les entreprises à lever des fonds se résument en effet à ceci que les dirigeants d’entreprise ont des problèmes de comptabilité, de lecture de bilan et les business modèles ne sont pas à la hauteur. Ils ont également un problème de benchmarking. Autrement dit, ils n’ont même pas une bonne vision du marché», déplore-t-il. Dans le même temps, «vous avez des gestionnaires dans une banque commerciale qui vous disent cette année, mon objectif de crédit est de 17 milliards et je n’arrive pas à trouver des entreprises qui peuvent absorber cet argent», ajoute l’expert.

Afrique centrale et de l’ouest
Le chapelet de récriminations ne s’arrête pas là. Fernand Beyene rapporte par exemple que «le système administratif dans la sous-région est complexe. Les taux de crédit sont encore prohibitifs. On parle de 18% en Guinée Équatoriale et on tourne autour de 15% dans toute la zone Cemac». À titre de comparaison, «les start-ups en Afrique de l’ouest ont levé 4 milliards de dollars de 2019 à 2022. L’Afrique du nord a mobilisé à peu près 15%, l’Afrique de l’Est, 2 milliards, et l’Afrique centrale n’apparaît même pas», regrette l’économiste. D’où la nécessité pour ce dernier de penser à la mise en place d’outils qui vont permettre la levée de fonds. Cela implique aussi un travail de fond des PME, notamment pour améliorer la qualité des produits déplorée par le représentant du Minepat. Le promoteur du Feac indexe également le montage des projets. «Parce qu’en réalité, il y a de très bons projets. Mais ils ne sont pas bancables parce qu’ils ne sont pas bien montés». Et à en croire Jean Baptiste Fouda, «il faut absolument passer par des formations. Autant d’opportunités qu’offre le Forum».

Minpmeesa
«La problématique du financement des PME intéresse mon département ministériel de façon toute particulière. Et toutes les rencontres, y compris celle qui nous rassemble aujourd’hui, ont eu pour finalité de poser le diagnostic froid et pertinent des vulnérabilités de nos entreprises. La leçon inaugurale est revenue sur les défis et les contraintes qui se posent à lever des fonds en Afrique centrale et à préparer la PME». Le Minpmeesa croit de ce fait savoir que ce forum se justifie d’autant plus. «Puisqu’il s’agit comme en 2021, d’apporter des solutions concrètes à la réalité de l’insuffisance des ressources endogènes. Il y a certes la mise en place de certains mécanismes, à l’instar de la Banque camerounaise des PME placée sous la tutelle de mon département. Mais c’est des ressources limitées». Et Achille Bassilekin III d’indiquer qu’«il faut explorer de nouveaux horizons. Car il faut le dire, les besoins de financement de la PME se situent en centaines de milliards FCFA». Une telle mobilisation, dira-t-il enfin, permettra alors de «donner du contenu et surtout un élan à la révolution entrepreneuriale prônée par le chef de l’État, Paul Biya».
Le Forum prévoyait parmi ses articulations des rencontres B2B. «Il s’agissait pour nous de mettre en relation ceux qui ont les financements et ceux qui en ont besoin», confirme le promoteur Jean Baptiste Fouda.

TAA

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *